mercredi 31 octobre 2018
Là où tombent les anges de Charlotte Bousquet
Solange, dix-sept ans, court les bals parisiens en compagnie de Clémence et Lili. Naïve, la tête pleine de rêves, elle se laisse séduire par Robert Maximilien et accepte de l’épouser. Mais son prince est un tyran jaloux, qui ne la sort que pour l’exhiber lors de dîners mondains. Coincée entre Robert et Emma, sa vieille tante aigrie, Solange étouffe à petit feu. Quand la Première Guerre mondiale éclate, Robert est envoyé sur le front. C’est l’occasion pour Solange de s’affranchir de la domination de son mari et de commencer enfin à vivre, dans une ville où les femmes s’organisent peu à peu sans les hommes. (Gulf Stream Editeur)
Voilà un roman que je cherchais à lire depuis sa sortie, parce que j'apprécie l'auteur mais aussi la maison d'édition qui produit des ouvrages de qualité.
Et au final, je ressors (une nouvelle fois) mitigée de cette lecture.
J'apprécie beaucoup le style de Charlotte Bousquet, son histoire est bien construite, elle balaye une période intéressante de l'Histoire et son héroïne avait de nombreux atouts pour plaire.
Sauf que j'ai trouvé que ce potentiel n'était pas assez exploité, à peu près tous les personnages dans ce récit manquent de profondeur, ou tout du moins d'une analyse clairement écrite sur le papier.
Le personnage de Solange est par moment trop elliptique : l'auteur explique pourquoi elle fuit son père, et le lecteur comprend aussi pourquoi elle s'attache à un homme violent, réplique de son père, mais Solange est aussi attirée par les femmes et j'ai trouvé que cette facette du personnage n'était pas assez développée dans le roman, comme si l'auteur n'avait pas voulu s'éterniser sur cet aspect pourtant important du personnage.
D'ailleurs je n'ai pas réussi à éprouver de l'empathie pour le personnage de Solange.
Et puis quel dommage de croiser certains personnages et de ne les entrapercevoir qu'ensuite, sans même savoir ce qu'ils deviennent au final.
Le personnage de tante Emma est assez représentatif de cela, voilà une femme dont on aurait aimé connaître l'histoire et qui n'est que peu utilisée au final, ou alors parce que cela arrange l'auteur.
Il est en fait difficile de s'attacher aux personnages de ce roman car l'auteur ne leur a laissé ni le temps ni l'espace pour prendre vie et créer un lien avec le lecteur.
Il est aussi question de féminisme et des femmes cherchant à s'émanciper, mais là encore je dirai quelques allusions un peu poussées mais sans plus.
Je fais le constat à l'issue de cette lecture que ce roman propose plein de thèmes intéressants mais qu'aucun n'est creusé suffisamment pour qualifier cette lecture de coup de cœur ni pour avoir éveillé ma curiosité un peu plus que quelques minutes.
C'est dommage car je suis sûre que j'aurai beaucoup plus accroché à l'histoire si ce roman avait fait quelques dizaines de pages de plus.
Sur le fond j'ai apprécié l'alternance entre les moyens de narration : le journal de Solange, les lettres des différents personnages et un narrateur externe.
Et puis l'histoire permet de suivre la vie "à l'arrière", le travail effectué par les femmes, la peur que leur émancipation provoque chez les hommes, et aussi toutes les idées reçues qui ont pu circuler à l'époque (les femmes s'amusent pendant que les hommes se font tuer).
Il est aussi question de l'épidémie de grippe dite espagnole, d'un point de vue historique ce roman à destination d'un public adolescent tient ses promesses et permet d'avoir une vision globale sur la Première Guerre Mondiale vécue par les civils.
"Là où tombent les anges" est une lecture mitigée, si j'ai apprécié le fond et la forme les personnages laissent nettement à désirer, voilà une lecture qui ne me marquera pas.
dimanche 28 octobre 2018
Girl de Lukas Dhont
Lara, 15 ans, rêve de devenir danseuse étoile. Avec le soutien de son père, elle se lance à corps perdu dans cette quête d’absolu. Mais ce corps ne se plie pas si facilement à la discipline que lui impose Lara, car celle-ci est née garçon. (AlloCiné)
Doublement primé à Cannes, "Girl" est le premier film de Lukas Dhont.
Une réussite, une pure merveille.
Rarement un premier film ne m'aura autant marquée par sa justesse, l'absence total de temps mort ou de petites fautes de débutant dans le scénario ou la réalisation.
Non, "Girl" a tout d'un grand film, et fait complètement oublier qu'il s'agit d'une première réalisation.
Le sujet est complexe mais l'ensemble est parfaitement maîtrisé, Lukas Dhont signe un film d'une grande maturité, stupéfiant quand on découvre sa jeunesse.
"Girl" est un film qui interroge sur le sexe et le genre, ce n'est pas la première fois que la transidentité est traitée au cinéma, mais de tous les films que j'ai pu voir sur le sujet c'est celui qui m'a le plus touchée.
Lara a quinze ans, son rêve est d'être danseuse et elle travaille dur pour rester dans une grande école de danse où elle a été prise à l'essai.
Mais son corps a du mal à s'adapter à la discipline qu'elle lui impose, car Lara n'est pas née fille mais garçon.
Elle commence les pointes à quinze ans tandis que les autres filles ont commencé à l'âge de dix ans, elle doit cacher ce sexe d'homme en attendant dans quelques années l'opération qui l'en délivrera, elle commence aussi un traitement hormonal pour que son corps commence à prendre l'aspect de ce qu'elle ressent dans sa tête, mais tout cela ne va pas assez vite à son goût.
Lara est d'une certaine façon une impatiente de la vie, cette vie qui l'a fait naître dans un corps dans lequel elle ne se reconnaît pas.
Fort heureusement, Lara est bien entourée de son père et de son petit frère, ainsi que du reste de sa famille, qui la soutiennent dans son choix, sont là quand elle ne va pas bien et qu'elle a besoin de réconfort.
Mais Lara est aussi une pudique qui ne sait pas dire à son père quand cela ne va pas, si elle sait qui elle veut devenir Lara a plus de mal à exprimer ce qu'elle ressent, à son père mais également aux médecins qui la suivent et la conseillent dans son parcours.
Ce film présente une histoire où tout va relativement bien, ici pas de scènes familiales, son père a accepté le choix de son enfant et soutient Lara dans sa démarche, inutile de se voiler la face, tout ne se passe pas toujours aussi bien.
Cela permet au réalisateur de ce concentrer sur Lara, sur son ressenti et son évolution, ses moments de joie mais aussi de doute ou d'humiliation.
C'est un point de vue que j'ai beaucoup apprécié, d'autant que cela permet de bien saisir la personnalité de Lara et de mettre le spectateur au plus près d'elle et de ses émotions.
J'ai énormément apprécié le travail de mise en scène de Lukas Dhont, sa caméra suit au plus près Lara, ne la lâche pas une seule seconde et montre une jeune fille toujours debout, toujours à se tenir droite, toujours à travailler son corps et à lutter avec.
La mise en scène est extrêmement travaillée, ce qui laisse presque à penser qu'il ne s'agit pas d'un premier film et que Lukas Dhont est très expérimenté.
Pour trouver Lara, environ 500 personnes ont été auditionnées et faute d'y trouver la personne qui leur convenait le casting s'est tourné vers des danseurs, et c'est comme cela qu'a été choisi Victor Polster, incroyablement saisissant, fascinant et troublant.
Troublant car à voir le film il est extrêmement difficile d'imaginer que Lara est interprété par un comédien, et saisissant car s'il est bien danseur il n'a pas pour habitude de réaliser des pointes, et les pieds abîmés et en sang de Lara sont bel et bien les siens à force d'imposer à son corps la discipline que s'impose son personnage.
Victor Polster est la révélation de ce film, et quoi qu'il décide pour la suite de sa carrière, danse ou cinéma, elle ne pourra être que grandiose avec tout ce talent.
Ce casting est marqué par une quasi absence de figures féminines : Lara, mais à ce stade dans un corps de garçon, une tante, une professeur de danse et une amie du père de Lara, mais sinon que des hommes.
Si j'ai été bluffée par la performance de Victor Polster, Arieh Worthalter qui incarne le père est également saisissant de justesse dans ce rôle de père célibataire avec deux enfants à charge, qui doit non seulement gérer la vie quotidienne, l'éducation de ses enfants mais aussi la transformation de Lara.
Pendant tout le film, Lara a représenté à mes yeux une chrysalide, le film s'arrête avant que le spectateur ait eu le temps de la voir de se transformer en papillon mais nul doute que Lara brillera de mille feux et aura une durée de vie bien plus longue qu'une journée.
Ce film a, en tout cas, une durée de vie dans mon esprit bien plus longue qu'une journée et restera gravé dans ma mémoire pendant longtemps de par sa puissance et la justesse des propos qu'il développe.
"Girl" est un bijou de sensibilité et d'humanisme, l'un des films les plus touchants et les plus beaux de cet automne, et sans doute de 2018.
samedi 27 octobre 2018
Valse avec le diable de Bertrand Solet
À Pontillac, petit village du Sud-Ouest, on s'accommode de l'occupation allemande comme on peut.
À peine sortis de l'enfance, Jeanne, Ninette, Manuela et Marcel ont toujours connu cette situation et s'y sont adaptés, sans toujours bien comprendre. Ils auraient certainement continué ainsi jusqu'à la fin du conflit si une suite d'événements imprévus ne les avaient obligés à prendre parti. Et si un trop séduisant milicien, à la recherche d'une mystérieuse lettre détenue par l'une des filles, n'était entré dans leurs vies.
Entraînés malgré eux dans la valse de l'Histoire, les uns sauront résister et s'engageront du bon côté ; les autres se laisseront guider vers une fin tragique. (Seuil)
C'est un peu par hasard que j'ai emprunté ce livre en bibliothèque, parce que le thème m'intéressait et que je voulais découvrir un nouvel auteur jeunesse.
Au final, je suis sortie mitigée de cette lecture, sans doute parce que j'ai trop de recul du fait de mon âge, et que les personnages sont un peu trop simplistes à mon goût, tout comme l'histoire, très convenue et prévisible.
Je ne peux pas dire avoir vécu des moments d'intense surprise, j'ai trouvé que les enchaînements étaient téléphonés, les personnages trop manichéens : bons ou méchants sans juste milieu, ils manquent d'ailleurs de profondeur et les relations entre eux sont tellement, mais tellement prévisibles.
Bref, les ficelles étaient trop grosses à mon goût, cela pourrait faire un scénario pour un téléfilm.
Mais si je prends un peu de distance et que je regarde ce roman à travers les yeux d'un public plus jeune, il constitue une bonne approche de la Seconde Guerre Mondiale et de son impact dans la vie quotidienne des uns et des autres dans un petit village de province, notamment à quelques mois de la fin de la guerre avec la Milice qui commet ses atrocités.
Avis partagé pour "Valse avec le diable", un roman jeunesse qui plaira sans doute à partir de 12 ans mais qui fait dépassé lorsque l'on connaît cette période de l'Histoire et que l'on s'y intéresse.
Inscription à :
Articles (Atom)