dimanche 28 octobre 2018

Girl de Lukas Dhont

       
     

Lara, 15 ans, rêve de devenir danseuse étoile. Avec le soutien de son père, elle se lance à corps perdu dans cette quête d’absolu. Mais ce corps ne se plie pas si facilement à la discipline que lui impose Lara, car celle-ci est née garçon. (AlloCiné)


Doublement primé à Cannes, "Girl" est le premier film de Lukas Dhont.
Une réussite, une pure merveille.
Rarement un premier film ne m'aura autant marquée par sa justesse, l'absence total de temps mort ou de petites fautes de débutant dans le scénario ou la réalisation.
Non, "Girl" a tout d'un grand film, et fait complètement oublier qu'il s'agit d'une première réalisation.
Le sujet est complexe mais l'ensemble est parfaitement maîtrisé, Lukas Dhont signe un film d'une grande maturité, stupéfiant quand on découvre sa jeunesse.


"Girl" est un film qui interroge sur le sexe et le genre, ce n'est pas la première fois que la transidentité est traitée au cinéma, mais de tous les films que j'ai pu voir sur le sujet c'est celui qui m'a le plus touchée.
Lara a quinze ans, son rêve est d'être danseuse et elle travaille dur pour rester dans une grande école de danse où elle a été prise à l'essai.
Mais son corps a du mal à s'adapter à la discipline qu'elle lui impose, car Lara n'est pas née fille mais garçon.
Elle commence les pointes à quinze ans tandis que les autres filles ont commencé à l'âge de dix ans, elle doit cacher ce sexe d'homme en attendant dans quelques années l'opération qui l'en délivrera, elle commence aussi un traitement hormonal pour que son corps commence à prendre l'aspect de ce qu'elle ressent dans sa tête, mais tout cela ne va pas assez vite à son goût.
Lara est d'une certaine façon une impatiente de la vie, cette vie qui l'a fait naître dans un corps dans lequel elle ne se reconnaît pas.
Fort heureusement, Lara est bien entourée de son père et de son petit frère, ainsi que du reste de sa famille, qui la soutiennent dans son choix, sont là quand elle ne va pas bien et qu'elle a besoin de réconfort.
Mais Lara est aussi une pudique qui ne sait pas dire à son père quand cela ne va pas, si elle sait qui elle veut devenir Lara a plus de mal à exprimer ce qu'elle ressent, à son père mais également aux médecins qui la suivent et la conseillent dans son parcours.
Ce film présente une histoire où tout va relativement bien, ici pas de scènes familiales, son père a accepté le choix de son enfant et soutient Lara dans sa démarche, inutile de se voiler la face, tout ne se passe pas toujours aussi bien.
Cela permet au réalisateur de ce concentrer sur Lara, sur son ressenti et son évolution, ses moments de joie mais aussi de doute ou d'humiliation.
C'est un point de vue que j'ai beaucoup apprécié, d'autant que cela permet de bien saisir la personnalité de Lara et de mettre le spectateur au plus près d'elle et de ses émotions.


J'ai énormément apprécié le travail de mise en scène de Lukas Dhont, sa caméra suit au plus près Lara, ne la lâche pas une seule seconde et montre une jeune fille toujours debout, toujours à se tenir droite, toujours à travailler son corps et à lutter avec.
La mise en scène est extrêmement travaillée, ce qui laisse presque à penser qu'il ne s'agit pas d'un premier film et que Lukas Dhont est très expérimenté.
Pour trouver Lara, environ 500 personnes ont été auditionnées et faute d'y trouver la personne qui leur convenait le casting s'est tourné vers des danseurs, et c'est comme cela qu'a été choisi Victor Polster, incroyablement saisissant, fascinant et troublant.
Troublant car à voir le film il est extrêmement difficile d'imaginer que Lara est interprété par un comédien, et saisissant car s'il est bien danseur il n'a pas pour habitude de réaliser des pointes, et les pieds abîmés et en sang de Lara sont bel et bien les siens à force d'imposer à son corps la discipline que s'impose son personnage.
Victor Polster est la révélation de ce film, et quoi qu'il décide pour la suite de sa carrière, danse ou cinéma, elle ne pourra être que grandiose avec tout ce talent.
Ce casting est marqué par une quasi absence de figures féminines : Lara, mais à ce stade dans un corps de garçon, une tante, une professeur de danse et une amie du père de Lara, mais sinon que des hommes.
Si j'ai été bluffée par la performance de Victor Polster, Arieh Worthalter qui incarne le père est également saisissant de justesse dans ce rôle de père célibataire avec deux enfants à charge, qui doit non seulement gérer la vie quotidienne, l'éducation de ses enfants mais aussi la transformation de Lara.
Pendant tout le film, Lara a représenté à mes yeux une chrysalide, le film s'arrête avant que le spectateur ait eu le temps de la voir de se transformer en papillon mais nul doute que Lara brillera de mille feux et aura une durée de vie bien plus longue qu'une journée.
Ce film a, en tout cas, une durée de vie dans mon esprit bien plus longue qu'une journée et restera gravé dans ma mémoire pendant longtemps de par sa puissance et la justesse des propos qu'il développe.


"Girl" est un bijou de sensibilité et d'humanisme, l'un des films les plus touchants et les plus beaux de cet automne, et sans doute de 2018.


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