jeudi 31 mai 2012

Lucrèce Borgia de Victor Hugo


Indifférente à la haine de l'Italie entière, Lucrèce Borgia parade au carnaval de Venise. Qui pourrait inquiéter cette femme de pouvoir qui baigne dans l'adultère, l'inceste et le crime ? Elle a peur cependant, et tremble pour un simple capitaine qu'elle cherche parmi la foule. Il se nomme Gennaro. Il est amoureux d'elle, lui qui tient les Borgia en aversion et insulte leur blason. Or Gennaro n'est autre que son fils, né de ses amours incestueuses avec son propre frère, et le jeune homme ignore tout de son passé et de ses origines. Lucrèce est un monstre, mais aussi une femme et une mère. Comment protéger son enfant, comment le soustraire à la fureur d'un mari qui le croit son amant ? En 1833, ce mélodrame tragique surpasse tous les triomphes de Victor Hugo. (Pocket)

Ce drame en trois actes de Victor Hugo s'inspire librement de la vie de Lucrèce Borgia et se base sur la réputation sulfureuse liée à cette femme, notamment sur ses moeurs dissolues (relations incestueuses avec son père et son frère) et sa facilité à manier le poison : "Est-ce que notre commune renommée à tous deux, notre renommée infâme, notre renommée de meurtre et d'empoisonnement, ne commence pas à te peser, Gubetta ?"

Cette pièce est écrite de manière très structurée et ne lasse aucunement lors de la lecture, au contraire, je trouve même que cette construction "carrée" sert le récit et le fait gagner en fluidité.
En effet, le récit se lit d'une seule traite grâce à des dialogues majoritairement courts et donc percutants et à une tension dramatique allant crescendo et bien maîtrisée par l'auteur.
Il se dégage de cette pièce une réelle ambiance et une tension palpable à tout moment jusqu'au dénouement final, attendu mais à l'aspect extrêmement bien travaillé et amené.
La qualité de l'écriture et la précision des dialogues ne sont pas non plus étrangers à cette ambiance, et j'avoue avoir relu une oeuvre de Victor Hugo avec plaisir après des années sans l'avoir fait.
J'ai également apprécié l'aspect visuel de ce récit, car c'est non seulement du théâtre mais rien que la lecture des dialogues permet d'imaginer les scènes, le jeu des acteurs et leurs réactions, ce qui n'est pas le cas lors de la lecture de toutes les pièces de théâtre.

Avec en toile de fond l'Italie, Victor Hugo a articulé sa pièce autour de deux personnages : Lucrèce Borgia la sulfureuse en train de se racheter une conduite : "Je vois que vous êtes en train de devenir la plus vertueuse altesse qui soit." et Gennaro son fils caché issu de sa relation avec son frère.
Le traitement des personnages est bien fait. Lucrèce Borgia apparaît faible, ou en tout cas ressentant de forts sentiments pour son fils, ce qui n'a pas dû lui arriver souvent dans sa vie, mais l'auteur rappelle également à la fin le côté manipulateur, rancunier de ce personnage : "Il y a quelques jours, tous, les mêmes qui êtes ici, vous disiez ce nom avec triomphe. Vous le dites aujourd'hui avec épouvante. Oui, vous pouvez me regarder avec vos yeux fixes de terreur. C'est bien moi, messieurs. Je viens vous annoncer une nouvelle, c'est que vous êtes tous empoisonnés, messeigneurs, et qu'il n'y en a pas un de vous qui ait encore une heure à vivre.", ainsi que sa puissance :  "Pardieu, il me semble que je me venge !".
Elle est une mère et c'est cet aspect-là que l'auteur a voulu mettre en avant.
Quant à Gennaro, il est lui empli de sentiments contrastés : d'amour pour sa mère qu'il ne connaît pas, de haine pour Lucrèce Borgia qu'il tient pour responsable du malheur de sa mère, sans savoir que l'une et l'autre ne sont qu'une même personne.

Victor Hugo, en explorant et adaptant la légende d'une femme, offre une pièce de théâtre dramatique savoureuse à lire et fait de Lucrèce Borgia une figure désormais incontournable de l'héroïsme romantique.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre H


Ce livre a été lu dans le cadre du challenge Il Viaggio


mercredi 30 mai 2012

Cadavre exquis de Pénélope Bagieu


Zoé a un boulot pas drôle : elle est hôtesse d'accueil dans les salons de l'automobile ou du fromage et doit faire bonne figure, debout toute la journée avec des chaussures qui font mal aux pieds. Le jour où elle rencontre Thomas Rocher, écrivain à succès, la vie semble enfin lui sourire. Mais pourquoi Thomas ne sort-il jamais de son grand appartement parisien ? L'amour peut-il vivre en huis clos ? Et quel est dans cette histoire le rôle d'Agathe, la belle, froide et machiavélique éditrice de l'écrivain ? (Gallimard BD)

La vie de Zoé est loin d'être rêvée voire même fascinante.
Hôtesse dans des salons le jour, il lui faut encore endurer le soir son copain chômeur dormant en chaussettes et passant la journée devant la télévision.
Jusqu'au jour où le hasard va lui faire croiser la route de Thomas Rocher, écrivain à succès en manque d'inspiration.

Pénélope Bagieu livre-là sa première bande dessinée avec une histoire complète.
Si l'histoire a un côté surréaliste, en tout cas sur certains aspects, j'ai pourtant bien accroché et j'ai été prise par celle-ci même si je lui reproche d'être trop elliptique à certain moment.
Cet engouement est à mon avis fortement lié au fait que le personnage de Zoé est touchant et s'attire tout de suite la sympathie du lecteur. Elle séduit, avec son côté maladroit, avec ses qualités mais aussi ses défauts, son envie de changer de vie et son mal être dans son quotidien.
C'est là l'un des atouts de Pénélope Bagieu, elle a créé un personnage qui représente une petite facette de chacun, un morceau de nos envies plus ou moins secrètes, et cela crée une empathie du lecteur vis-à-vis de Zoé qui restera jusqu'à la fin de l'histoire.

De plus, j'ai beaucoup apprécié le coup de crayon de l'auteur.
C'est moderne, c'est coloré, cela apporte de la fraîcheur et les visages plutôt ronds de ses personnages tendent à conférer à cette bande dessinée un côté sympathique et gentil.
Sans rien révéler de l'histoire, je dirai juste que la chute est aussi surprenante qu'inattendue et prouve, s'il en était encore besoin, que Pénélope Bagieu est au rendez-vous là où elle était attendue.
Avec cette histoire, Pénélope Bagieu s'affirme comme une auteur à suivre qui nous promet de belles histoires à venir.

Au titre emprunté à un jeu littéraire inventé par les surréalistes, "Cadavre exquis" de Pénélope Bagieu se révèle être une bande dessinée extrêmement agréable à lire et riche en rebondissements.

jeudi 24 mai 2012

Blueberry Tome 4 Le cavalier perdu de Jean Giraud et Jean-Michel Charlier


A Camp-Bowie (Arizona), Blueberry attend le retour de Graig. Celui-ci doit ramener la réponse du président des Etats-Unis, Andrew S. Johnson, à propos d'une ultime tentative de négociation avec Cochise. (Dargaud)


"Dans ce pays, un homme sans cheval est un homme mort !"
Et c'est pourtant ce qui va arriver à Blueberry dans ce tome-ci, parfaite continuité du précédent.
Son compagnon de voyage, colporteur de son état et surtout attiré par l'alcool, va perdre leur monture au poker face à un déserteur ancien soldat de l'armée sudiste.
Et un ennui n'arrivant jamais seul, voilà que Blueberry et Crowe, qu'il a réussi à retrouver, se retrouvent dans une fâcheuse situation qui pourrait remettre en cause la mission de paix de Blueberry : "Le droit ?!! Ha ha ha ! Tu es bien naïf, l'américain ... c'est moi qui le fais ici ... j'ai "tous" les droits ! Y compris celui de faire livrer aux apaches les tonnes d'armes et de poudre entreposées à la mine de San-Feliu !".

Ce quatrième tome des aventures de Blueberry ne connaît aucun temps mort et il est extrêmement riche en rebondissements et en aventure.
Il se lit d'une seule traite et le scénario de Jean-Michel Charlier truffé de péripéties confère un caractère addictif à cette série, servie par les excellents dessins de Jean Giraud.
L'ambiance Far West est au rendez-vous, pour l'instant je n'ai pas trouvé qu'il y avait de redite dans l'histoire et les situations, et j'apprécie finalement cette histoire assez longue, s'étalant sur plusieurs tomes et qui voit dans celui-ci le retour du redoutable chef de guerre indien Aigle solitaire, connu également sous le nom de Quanah-n'a-plus-qu'un-oeil.

"Le cavalier perdu", quatrième tome des aventures de Blueberry, a été une lecture très addictive et très prenante, cette série, pour l'instant, se bonifie au fil des tomes et est toujours aussi plaisante à lire.

Me voilà désormais bien embêtée, j'ai accroché à l'univers de Blueberry et je vais rester sur ma faim/fin un petit moment, car ma bibliothèque ne possède pas les tomes suivants !
Mais parole de lectrice, je ferai tout pour me les procurer et continuer ma lecture des aventures de Blueberry.

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD d'avril de Babelio - Jean Giraud / Moebius



Du domaine des murmures de Carole Martinez


En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui » : elle veut faire respecter son vœu de s’offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe. Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et son souffle parcourra le monde jusqu'en Terre sainte. Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d’une sensualité prenante. (Gallimard)

"Je suis celle qui s'est volontairement clôturée pour tenter d'exister. Je suis devenue la vierge des murmures."
Parce qu'Esclarmonde le jour de son mariage a refusé de dire "Oui" pour se faire entendre dans sa volonté de consacrer sa vie à Dieu, elle est emmurée vivante dans une cellule attenante à la chapelle du château de son père et n'en sortira que morte.
Mais loin de vivre en recluse, le monde au contraire vient à elle et même elle réussit par l'esprit à franchir les barrières de sa cellule de pierre.

Autant le dire tout de suite, je ne suis pas autant enthousiaste que l'ensemble des critiques sur ce livre, et même si je lui reconnais beaucoup de qualités je lui ai trouvé quelques défauts qui viennent contrebalancer mon appréciation de ce récit.

Pour les aspects très positifs du livre, il faut bien le dire, le style narratif de Carole Martinez est admirable et elle utilise et abuse de formulations très poétiques pour le plus grand plaisir du lecteur.
L'entrée en matière du livre revêt d'ailleurs un côté particulièrement enchanteur et j'ai beaucoup aimé certaines remarques de l'héroïne, notamment celle-ci : "La douleur est une saison en soi.".
De plus, avec cette histoire l'auteur dresse une étude précise et ciselée du personnage féminin d'Esclarmonde, présentée dans un premier temps comme une sainte, puis dans un deuxième temps sous un jour plus sombre, particulièrement lorsqu'elle découvre le pouvoir qu'elle a sur les autres derrière ses murs : "A défaut de croire en Dieu, j'ai commencé à croire en moi, en la force de ma parole dont je voyais chaque jour croître l'incroyable pouvoir."
Esclarmonde est sans nul doute le personnage le plus travaillé et le plus précis de tout le récit, c'est en tout cas celui qui connaît le plus d'évolution basculant de la lumière à l'ombre pour revenir à la lumière : "Comment pouvait-on tant apprendre, tant changer, tant souffrir, tant vieillir, en si petit espace ?"
Ce basculement s'explique au regard de l'histoire et même si l'issue de ce personnage était attendue et connue, il n'en reste pas moins que c'est celui qui cristallise en lui les différentes facettes de la personnalité humaine.
J'ai également aimé la dimension fantastique que l'auteur apporte à son histoire, notamment avec une mystérieuse et puissante femme de vert vêtu, ainsi que son inspiration de légendes bourguignonnes.

Maintenant pour les quelques aspects négatifs, je n'ai pas apprécié le traitement du personnage de Lothaire qui bascule trop facilement et sans explication aux deux extrémités, passant du tout méchant au tout gentil.
Ensuite, la réclusion d'Esclarmonde est un peu trop douce et arrangée à la convenance de l'auteur à mon goût.
Dans la réalité, ces femmes ne communiquaient plus avec le monde extérieur, la nourriture leur était jetée car leur fenestrelle était aménagée suffisamment haut pour que la recluse ne puisse y accéder.
A partir de là, la majorité de l'intrigue de l'auteur s'écroule.
Certains dénouements concernant le secret d'Esclarmonde sont sans grande surprise, en tout cas il n'y en a pas eues pour moi.

A travers ce récit oscillant entre poésie et fantastique, Carole Martinez y dévoile un très beau portrait de femme vouant sa vie à Dieu et surtout une très belle plume avec une palette d'émotions.
Certes, sa magie n'a pas totalement agi sur moi, mais je reconnais de grandes qualités à ce récit et à cette auteur.
Une découverte intéressante à approfondir.

Ce livre a été lu dans le cadre d'une lecture commune du club de lecture de Babelio de Mai 2012

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices

Le jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson


À trente-six ans, Richard Collier se sait condamné à brève échéance. Pour tromper son désespoir, il voyage, au hasard, jusqu'à échouer dans un vieil hôtel aux bords du Pacifique.
Envoûté par cette demeure surannée, il tombe bientôt sous le charme d'un portrait ornant les murs de l'hôtel : celui d'Elise McKenna, une célèbre actrice ayant vécu à la fin du XIXe siècle.
La bibliothèque, les archives de l'hôtel lui livrent des bribes de son histoire, et peu à peu la curiosité cède le pas à l'admiration, puis à l'amour. Un amour au-delà de toute logique, si puissant qu'il lui fera traverser le temps pour rejoindre sa bien-aimée.
Mais si l'on peut tromper le temps, peut-on tromper la mort ? (Gallimard)


Avec ce récit, Richard Matheson fait le pari audacieux de mêler science-fiction et histoire d'amour, ce qui est extrêmement rare.
Malheureusement pour ma part, c'est sans doute cette conjugaison inhabituelle qui a eu pour conséquence une lecture laborieuse et une accroche à l'histoire difficile.

Je reconnais que l'histoire est particulièrement originale et c'était la première fois qu'il m'était donné de lire un récit de science-fiction ayant pour trame de fond une histoire d'amour spatio-temporelle.
Car pour compliquer la chose, le héros, 36 ans en 1973, malade sur le point de mourir à brève échéance, ne trouve rien de mieux que de s'amouracher d'une actrice ayant vécu à la fin du 19ème siècle.
Pour la retrouver, il n'a d'autre choix que de voyager dans le temps pour vivre son histoire d'amour.

Le livre est présenté sous la forme du récit post-mortem de Richard et publié par son frère Robert qui ne croit pas à la réalité de ce qui y est écrit et qui met cela sur le compte de la maladie de son frère.
Pendant le premier tiers du récit, Richard enquête sur Elise McKenna pour mieux la connaître et surtout cherche la solution pour voyager dans le temps.
J'ai eu beaucoup de mal avec cette partie et j'ai même pensé arrêter ma lecture tant je trouvais que cela tournait en rond sans avancer.
Par la suite, Richard réussit à aller en 1896 et aborde le plus difficile : convaincre et séduire Elise.
Cette partie est plus vivante et a réussi à éveiller mon intérêt, d'autant que j'ai apprécié la relation entre Richard et Elise, lui venant avec sa modernité et devant s'adapter à une époque plus rigide et plus soucieuse des conventions, elle ne sachant trop comment agir ni que faire ni pourquoi elle le fait : "Je ne sais pourquoi je fais tout ça, dit-elle d'un ton douloureux. Je n'ai jamais rien fait de semblable de ma vie.", enfermée par son époque et son statut de femme : "Mon cerveau me dit que vous et moi nous sommes rencontrés pour la première fois sur la plage hier soir, dit-elle, et que jusque-là, nous étions des étrangers l'un pour l'autre. Mon cerveau me dit que je n'avais aucune raison de me comporter envers vous comme je l'ai fait. Absolument aucune raison. [...] Et pourtant je le fais."

Cette lecture achevée, j'ai le sentiment d'être restée en dehors de quelque chose et c'est un peu gênant.
J'ai lu la dernière partie du livre avec beaucoup de plaisir et c'est, à mon sens, la partie la plus réussie.
Plus globalement, j'ai été déstabilisée par cette lecture, déjà par l'entrée en matière, et puis par le mélange entre science-fiction et histoire d'amour, ce qui fait que j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans l'histoire et cela explique aussi mon avis mitigé sur cette oeuvre de Richard Matheson au titre pourtant poétique et évocateur du contenu du récit.

mardi 22 mai 2012

Ten Big Ones de Janet Evanovich


She's accidentally destroyed a dozen cars. She's a target for every psycho and miscreant this side of the Jersey Turnpike. He mother's convinced she'll end up dead...or worse, without a man. She's Stephanie Plum and she kicks butt for a living (well, she thought it would sound good to put it that way...) It begins as an innocent trip to the deli-mart, on a quest for nachos. But Stephanie Plum and her partner, Lula, are clearly in the wrong place at the wrong time. A robbery leads to an explosion, which leads to the destruction of yet another car. It would be just another day in the life of Stephanie Plum...except that she becomes the target of a gang. And the target of an even scarier, more dangerous force that comes to Trenton. With super bounty hunter Ranger out of town (and Stephanie on the outs with vice cop Morelli), she finds herself alone, with a decision to make: how to protect herself and where to hide while on the hunt for a killer known as the Junkman. There's only one safe place, and it has Ranger's name all over it-if she can find it. And if the Junkman doesn't find her first. With Lula riding shotgun and Grandma Mazur on the loose, Stephanie Plum is racing against the clock in her most suspenseful novel yet. Ten Big Ones is page-turning entertainment and Janet Evanovich is the best there is. (St Martin's Press)

Stephanie Plum est de retour pour la suite de ses aventures de chasseur de prime, mais cette fois-ci exclusivement en anglais, puisque la traduction française ne couvre à ce jour que les neuf premiers tomes de cette série.

L'histoire est toujours prenante et se lit assez facilement et avec un certain plaisir, d'autant qu'il y a beaucoup d'humour, de situations drôles et/ou loufoques et que Stephanie Plum est un personnage attachant, mais voilà, à force de tourner autour du pot en permanence la sauce ne prend plus et finit par même monter au nez telle la moutarde.
Stephanie Plum est toujours égale à elle-même, c'est bien ça le problème !
Elle n'arrive pas à se décider en amour, alors que ça crève les yeux de tous les lecteurs.
Elle tergiverse entre Joe Morelli et Ranger, elle est incapable d'ouvrir les yeux et de prendre une décision, ça en devient quelque peu irritant pour le lecteur qui finit par la prendre en grippe.
Elle a des réactions de petite fille et son côté immature qui séduisait au début de cette série finit là aussi par agacer.
L'auteur devrait faire grandir et évoluer son personnage, car ce qui me plaisait lorsque j'ai commencé cette série m'a quelque peu agacée dans ce tome, voire pourrait remettre en cause ma lecture de la suite des aventures de Stephanie Plum.
Il faut avancer dans la vie, c'est pareil dans une série et l'auteur devrait y faire plus attention, car elle risque de perdre beaucoup de lecteurs à continuer sur cette voie-là.

Du côté de l'histoire, ça fonctionne relativement bien et l'enquête est plutôt bien maîtrisée par Janet Evanovich.
Il n'y a pas de gros rebondissements et les ficelles sont quelque peu grossières, mais l'ensemble fonctionne assez bien, d'autant que l'auteur a apporté une nuance positive à son héroïne : elle semble plus apte à appréhender les suspects et ce n'est pas plus mal, car sa maladresse finissait elle aussi par lasser.
Du point de vue de l'évolution professionnelle du personnage principal, je suis satisfaite et ai même été surprise à la lecture.
La palette de personnages est toujours aussi attachante et apporte un réel plus à l'histoire, je pense notamment aux personnages de Lula ou de la grand-mère de Stephanie.
Elles apportent une touche de fraîcheur et d'humour qui en fait presque oublier le côté dramatique de l'histoire (un contrat a été mis sur la tête de Stephanie Plum).

Ce livre n'est pas ce que l'on pourrait qualifier de grande littérature mais se lit avec un certain plaisir.
Toutefois, j'ai été agacée par bien des aspects du manque d'évolution du personnage de Stephanie et cet agacement l'emporte pour la première fois sur l'ambiance générale, à tel point que je me demande si je vais continuer cette série, à moins que l'auteur ne se décide enfin à faire évoluer et grandir son personnage.
Ce qui touchait et séduisait pendant un temps n'a plus le même effet aujourd'hui et donner un peu plus de place à l'intrigue et un peu moins aux tergiversations de l'héroïne ferait sans doute le plus grand bien à cette série.

Livre lu en anglais

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre E


Blueberry Tome 3 L'aigle solitaire de Jean Giraud et Jean-Michel Charlier


Blueberry est affecté à Fort Navajo (Arizona). En cours de chemin vers le Fort il rencontre le Lieutenant Graig. Blueberry va devoir manœuvrer entre l'inconscience de Graig et la haine des Indiens qui anime le commandant Bascom, bras droit du Colonel Dickson à Fort Navajo. (Dargaud)


Ce tome est la continuité du précédent et se lit avec autant de plaisir que ce dernier.
L'histoire se met en place dès les premières images et est très rythmée tout au long de la bande dessinée, il n'y a aucun temps mort et les pages se tournent les unes après les autres de plus en plus rapidement.
Le scénario de Jean-Michel Charlier est construit, travaillé et très bien déroulé, d'autant qu'il a su retranscrire de manière réaliste les conditions de vie à cette époque et qu'une ambiance de western se dégage de l'ensemble.
Quant aux dessins de Jean Giraud, ils sont d'excellente qualité, quoi que je reprocherai parfois des traits un peu trop communs à tous les personnages masculins.

J'ai été toutefois dérangée par deux aspects lors de ma lecture.
Tout d'abord l'emploi régulier du mot "Ouais" par différents personnages, j'ai trouvé cela déplacé.
Cela tranche avec la qualité des dialogues et vient au contraire la ternir.
Puis, lorsque Blueberry dit à Craig : "Toujours l'air de sortir d'un magazine de mode, hein ?!", je suis loin d'être persuadée que les magazines de mode existaient à l'époque, et surtout que les soldats avaient le temps  et/ou l'occasion d'en lire.

"L'aigle solitaire" est le troisième tome des aventures de Blueberry et l'histoire développée devient de plus en plus captivante et se lit avec un réel plaisir, d'autant que j'ai fini par m'attacher à l'univers de cette bande dessinée et à ses personnages.
En selle pour le quatrième tome des aventures de Blueberry !

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD d'avril de Babelio - Jean Giraud / Moebius



lundi 21 mai 2012

Tamara Drewe de Posy Simmonds


Avec son nez refait, ses jambes interminables, ses airs de princesse sexy, son job dans la presse de caniveau, ses aspirations à la célébrité et sa facilité à briser les cœurs, Tamara Drewe est l'Amazone urbaine du XXIe siècle. Son retour à la campagne, dans le village où a vécu sa mère, est un choc pour la petite communauté qui y prospère en paix. Hommes et femmes, bobos et ruraux, auteur à gros tirage, universitaire frustré, rock star au rancart, fils du pays, teenagers locales gavées de people, tous et toutes sont attirés par Tamara, dont la beauté pyromane, les liaisons dangereuses et les divagations amoureuses éveillent d'obscures passions et provoquent un enchaînement de circonstances aboutissant à une tragédie à la Posy Simmonds, c'est-à-dire à la fois poignante et absurde. Librement inspiré du roman de Thomas Hardy Loin de la foule déchaînée, un portrait à charge délicieusement cruel et ironique de l'Angleterre d'aujourd'hui. (Denoël)


Tamara Drewe est une amazone des temps modernes et quand elle débarque à Ewedown, petit village très (trop) tranquille, avec son nez refait, ses jambes interminables, son allure sexy, son métier fascinant de journaliste people et son petit ami batteur dans un groupe de rock, elle va bouleverser cette quiétude et agir comme une bombe sur ses habitants, à commencer par Beth Hardiman qui tient une villégiature pour écrivains en quête de repos et d'inspiration et son mari Nicholas, écrivain, et sur deux adolescentes, notamment la provocante Casey en manque d'affection.
D'autant que Tamara est un personnage que l'on aime et que l'on déteste à la fois, elle représente un certain idéal et également l'inverse de l'image que l'on voudrait projeter.
Glen, un écrivain en villégiature, le résume assez bien : "C'est comme si elle nous cueillait un à un, chacun recevant de plein fouet son rayonnement, son sourire, sa chaleur, son intérêt, le tout en apparence sincère et naturel."

Ce roman graphique est à la fois riche et intéressant et montre l'excellence et l'intelligence de l'auteur qui croque-là les travers de la société britannique avec une plume acérée et un dessin précis.
En se concentrant sur les réflexions de trois personnages, Posy Simmonds arrive à partager avec le lecteur les points de vue de chacun et apporte un souffle continu à l'histoire.
Elle utilise habilement le genre du roman graphique pour donner par moment une accélération à l'histoire avec de longs passages écrits et à d'autres utilise des images silencieuses pour installer une intensité dramatique.
Car si l'auteur cherche surtout à mettre en avant les travers de cette société, elle a réussi également à donner une dimension dramatique forte à son histoire.
Et puis il faut bien reconnaître que l'histoire fait mouche et que le lecteur finit par être piqué par l'histoire de Tamara Drewe et son côté extrêmement réaliste.
L'auteur s'est aussi attachée à décrire avec minutie la dégradation des relations humaines, par exemple dans le couple Beth/Nicholas Hardiman, ce qui tend à rendre encore plus proche le lecteur à ce récit.
Il y a aussi une dimension vivante à cette histoire, il est facile à la lecture de l'imaginer en film (ou alors c'est parce que j'ai vu le film avant de lire le livre), notamment du fait du choix des couleurs et de leur diversité et du souci constant du détail.
Il n'y a que la fin qui est quelque peu ratée, amorçant une autre histoire sans que j'ai pourtant ressenti que c'était le but recherché par l'auteur.

Hormis cette faute de goût finale, j'ai été agréablement surprise par la lecture et la qualité de ce roman graphique et l'utilisation peu conventionnelle qu'en fait Posy Simmonds au niveau de l'écriture.
Il m'a donné envie de découvrir les autres oeuvres de cette auteur et c'est une charmante promenade campagnarde que nous propose Posy Simmonds à  travers "Tamara Drewe".

vendredi 4 mai 2012

La liste de mes envies de Grégoire Delacourt



Jocelyne, dite Jo, rêvait d’être styliste à Paris. Elle est mercière à Arras. Elle aime les jolies silhouettes mais n’a pas tout à fait la taille mannequin. Elle aime les livres et écrit un blog de dentellières. Sa mère lui manque et toutes les six minutes son père, malade, oublie sa vie. Elle attendait le prince charmant et c’est Jocelyn, dit Jo, qui s’est présenté. Ils ont eu deux enfants, perdu un ange, et ce deuil a déréglé les choses entre eux. Jo (le mari) est devenu cruel et Jo (l’épouse) a courbé l’échine. Elle est restée. Son amour et sa patience ont eu raison de la méchanceté. Jusqu’au jour où, grâce aux voisines, les jolies jumelles de Coiff’Esthétique, 18.547.301€ lui tombent dessus. Ce jour-là, elle gagne beaucoup. Peut-être. (Lattès)


Quelle était la probabilité pour que Jocelyne, dite Jo, mercière à Arras, épouse un Jocelyn ?
Infime, ce fut pourtant le cas.
Tout ou presque dans la vie de Jo relève de l'infime, de la chance saisie au vol.
Il n'y avait donc qu'une chance infime pour que son billet d'euro million, le premier et unique de toute sa vie, soit gagnant.
Ce fut pourtant le cas et Jo alors "possède juste un chèque de dix-huit millions cinq cent quarante-sept mille trois cent un euros et vingt-huit centimes".
Mais elle va se taire, ne dire à personne pas même à son mari le jackpot qu'elle vient de remporter car Jo en est bien consciente : "Je possédais ce que l'argent ne pouvait pas acheter mais juste détruire. Le bonheur. Mon bonheur, en tout cas, le mien. Avec ses défauts. Ses banalités. Ses petitesses. Mais le mien."
Pourtant, des choses à changer dans sa vie, il y en a, des listes de ses envies, elle va en dresser mais ne franchira jamais le pas : "Je pense à moi, à tout ce qui me serait possible maintenant et je n'ai envie de rien. Rien que tout l'or du monde puisse offrir."
Jusqu'à la trahison démontrant toute la bassesse de son mari, elle ne profitera pas de cet argent, se contentera de faire des listes de ses envies.
C'est alors qu'elle changera de vie et prendra conscience de bon nombre de choses.

A travers ce livre, l'auteur traite d'une question somme toute banale : que ferions-nous si nous touchions une somme importante d'argent ?, et illustre également la maxime "L'argent ne fait pas le bonheur".
Il n'y a là rien de bien original, sauf que le personnage de Jo est extrêmement attachant et que la plume de l'auteur est très agréable à lire.
Grégoire Delacourt a réussi à écrire une histoire attachante à partir d'un thème appartenant à la "question type" à laquelle tout le monde a répondu au moins une fois de sa vie, à la différence que son héroïne réagit quelque peu à contre-courant de la réponse générale.
Ce roman est court et se lit très facilement, d'autant qu'il traite de manière approfondie tout un pan de la nature humaine et démontre, au final, ce qu'est le bonheur et qu'il ne faut pas aller le chercher trop loin car bien souvent il est à notre portée sans que nous nous en rendions compte.
Ce livre est une leçon de morale mais pas sous une forme moralisatrice et c'est d'ailleurs ce qui en fait sa force.
Le style d'écriture est à l'image du personnage de Jo : drôle, léger, ne se prenant pas toujours au sérieux, en un mot : simple.
Si mon côté de lectrice n'apprécie pas forcément ce que devient le caractère de Jo à la fin de l'histoire, je peux toutefois le comprendre, car elle s'est retrouvée avec un cadeau empoisonné.
De plus, cette histoire a un côté très humain et très proche de chaque lecteur, on se met à vivre avec Jo, à rire ou à pleurer avec elle, finalement, on a presque la sensation de la connaître et d'aller régulièrement sur son blog ou dans sa mercerie.
Ce livre nous amène aussi à nous questionner sur l'amitié, l'amour, la place de l'argent dans notre vie, ces petits riens qui font le bonheur quotidien et je pense qu'une fois ce livre refermé nous ne répondons plus de la même manière à cette question type sur l'argent.

En voilà une belle découverte littéraire qui fut un coup de coeur à la lecture du résumé et des premières lignes !
Je ne manquerai pas de découvrir le premier roman de Grégoire Delacourt qui est, sans aucun doute, un nom à retenir dans le paysage littéraire français.

Au-delà des pyramides de Douglas Kennedy


D'Alexandrie à Assouan en auto-stop, de l'oasis de Siwa aux bidonvilles du Caire, une fascinante plongée dans l'envers du décor, où notre apprenti écrivain voyageur va multiplier les rencontres inhabituelles : à quinze mètres du sphinx, un vendeur de Toyota dont le cœur balance entre trois épouses, le prophète Mahomet et sa collection de Mercedes ; un inquiétant pilote de felouque au cœur brisé par une Française ; des Bédouins accros à CNN ; des moines informaticiens en plein cœur du désert… Autant de confrontations hilarantes, de scènes cocasses pour les errances d'un Américain en terre musulmane. Entre récit et mémoire, une irrésistible chronique de voyage servie par l'œil et la plume aiguisés du reporter, pour un futur classique, dans la lignée de Paul Theroux et Bruce Chatwin. (Belfond)


En 1985, à une période de sa vie quelque peu difficile, Douglas Kennedy effectue un voyage en Egypte tout en mettant par écrit son récit de voyage.
Cela deviendra son premier livre, "Au-delà des pyramides".


Dans ce récit de voyage, Douglas Kennedy a décidé de se plonger à la découverte de l’Egypte hors des sentiers et des lieux touristiques.
Il sera ainsi amené à côtoyer des égyptiens, des expatriés ou encore des personnes ayant choisi de vivre dans ce pays car elles en sont amoureuses.
Au cours de son périple qui le mènera du Caire à Alexandrie, en passant par Assouan ou un oasis à la limite de la frontière libyenne, il utilisera des moyens de transport locaux et discutera avec toute une galerie de personnes très variées : un vendeur de Toyota hésitant entre ses trois femmes, des moines à la pointe de l’informatique en plein milieu du désert, des pilotes de Felouque dont l’un lui racontera l’histoire d’un ancien pilote de felouque au cœur brisé par une française, des ingénieurs expatriés et passant leur vie à travailler dans les coins les plus reculés du globe.

Le style du récit de voyage convient assez bien à la plume de Douglas Kennedy car il ne manque pas de faire partager au lecteur ses dialogues avec les personnes rencontrées.
C’est parfois drôle, parfois grinçant, en tout cas il ressort bien de ce récit toute la complexité de ce pays.
L’un des protagonistes le dit bien à l’auteur : "L'Egypte d'aujourd'hui est une pyramide inversée". 
Si le contexte politique a quelque peu évolué depuis l’écriture de ce livre, il n’en reste pas moins d’actualité, notamment tout ce qui concerne la place de l’islam en Egypte, le poids des traditions et de la religion et plus généralement concernant les aspects.
Ainsi, certaines personnes rencontrées expliqueront à Douglas Kennedy leur vision de l’Egypte : citations, et il est presque incroyable de constater à tel point tout cela est encore juste et d’actualité : "Pour un régime fondé sur l'ordre social, c'était un sérieux avertissement, qui révélait une réalité essentielles de l'Egypte : dans un pays où le taux d'analphabétisme atteint soixante-dix pour cent, la population a peu d'intérêt pour la chose politique, certes, mais si elle perçoit que les choix gouvernementaux menacent sa précaire subsistance quotidienne elle se transforme en une force imprévisible." ou alors était prémonitoire : "Mais un jour le peuple qui veut l'islam s'emparera du pouvoir et ce sera la chance d'édifier une société authentiquement islamique."
Il est aussi très souvent question de religion et de la place de l'islam : "pour le Moyen-Orient, le plus grand danger, c'est l'islam. C'est une religion qui tire tout le monde en arrière et qui étouffe tout, à commencer par la liberté."
La plupart des personnes interrogées par Douglas Kennedy portent un regard très lucide sur ce pays, l'auteur ne fait que rapporter leurs propos.
C’est l’un des avantages de cette lecture, elle n’est pas démodée et trouve un écho saisissant par rapport aux évènements de l’année dernière.
Certains propos tenus se sont même réalisés, ce qui donne une autre dimension à la lecture de ce livre.

Ce récit de voyage de Douglas Kennedy change de son style habituel de roman et se lit avec curiosité et un certain plaisir, d’autant qu’il permet de découvrir un visage non conventionnel de l’Egypte hors des lieux touristiques et plus proches de ses habitants.
Malgré l’âge de ce récit, il est encore fortement d’actualité et aucunement démodé.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre K


jeudi 3 mai 2012

Challenge Il Viaggio par Chez Mark et Marcel et désormais chez Eimelle

Nathalie du blog Chez Mark et Marcel a lancé un challenge Il Viaggio portant, comme son nom le laisse à penser, sur l'Italie.

Le principe de ce challenge est simple : il suffit de lire au moins un livre soit se déroulant en Italie soit écrit par un auteur italien.

Ce challenge prend fin le 31 octobre 2013.

Challenge Il Viaggio chez Mark et Marcel

Pour illustrer ce challenge, j'ai choisi parmi les trois images proposées celle du tableau de Bernardo Strozzi "La Cène à Emmaüs".


Livres lus dans le cadre du challenge :

Lucrèce Borgia de Victor Hugo
Borgia de Milo Manara et Alexandro Jodorowsky
Tome 1 Du sang pour le pape
Tome 2 Le pouvoir et l'inceste
Tome 3 Les flammes du bûcher
Tome 4 Tout est vanité

Arria Marcella de Théophile Gautier
Requiem pour une cité de verre de Donna Leon

Suites vénitiennes d'Eric Warnauts et Guy Raives
Tome 1 Esquisses
Tome 2 Rouge Venise

Corto Maltese de Hugo Pratt
Corto Maltese - Fable de Venise

Cassio de Stephen Desberg et Henri Reculé
Cassio Tome 1 Le premier assassin
Cassio Tome 2 Le second coup
Cassio Tome 3 La troisième plaie

La mer, le matin de Margaret Mazzantini

Alix de Jacques Martin
La griffe noire

Porporino ou les mystères de Naples de Dominique Fernandez
La dormeuse de Naples d'Adrien Goetz
Etoiles de Simonetta Greggio
La mort à Venise de Thomas Mann
Laver les ombres de Jeanne Benameur
Les poissons ne ferment pas les yeux d'Erri de Luca
Avec vue sur l'Arno d'E. M Forster

Edit au 01/11/2013 : Ce challenge a été repris par Eimelle et est désormais à durée illimitée !

Eimelle a repris le Challenge Il Viaggio initié par Nathalie dont le principe reste le même : lire au moins un livre soit se déroulant en Italie soit écrit par un auteur italien.
La nouveauté est que ce challenge est désormais illimité dans le temps.

Livres lus dans le cadre du Challenge :

Pietra viva de Léonor de Récondo
De là, on voit la mer de Philippe Besson
Cesare Tome 1 de Fuyumi Soryo
Cesare Tome 2 de Fuyumi Soryo
Cesare Tome 3 de Fuyumi Soryo
Cesare Tome 4 de Fuyumi Soryo
Cesare Tome 5 de Fuyumi Soryo
Monteriano d'E. M Forster
Ballade d'un amour inachevé de Louis-Philippe Dalembert
Diabolik Un amore pazzo d'Angela et Luciana Giussani

Challenge Edith Wharton par George

George, du blog Les livres de George et moi, a lancé un challenge Edith Wharton sur lequel je me suis empressée de postuler.

Le but de ce challenge est de nous faire lire et découvrir ou redécouvrir les romans d'Edith Wharton, mais pour pimenter un peu la chose, il faudra également s'intéresser aux héroïnes en valorisant dans nos billets le traitement qu'en a fait l'auteur et celle qui nous aura le plus touchés ou énervés ou intéressés.

Il n'y a pas de catégorie ni de nombre de livres défini à lire, uniquement la consigne ci-dessus.

Ce challenge prend fin le 30 avril 2013.
Edit : George a décidé de nous offrir 365 jours supplémentaires pour découvrir cette auteur, le challenge prend donc désormais fin le 5 mai 2014 !

Challenge Edith Wharton par George


Livres lus dans le cadre du challenge : 

- Les lettres
- Le temps de l'innocence
- Les entremetteurs et autres nouvelles

Mai - Danseuse privée d'Anaïs

J'ai retourné ma veste au dernier moment pour la chanson de mai.
J'étais partie sur tout autre chose au début et puis finalement j'ai opté pour Anaïs, avec son humour décalé, ses chansons toujours drôles et plaisantes à écouter.

"Danseuse privée" est extrait de son dernier album paru début mars, dans lequel Anaïs passe les chansons d'amour "A l'eau de javel".

Le cordonnier de la rue triste de Robert Sabatier


“J’ai désiré écrire un roman simple, économe de mots, se référant en priorité aux sentiments et aux personnes. Une rue étroite dans Paris aux moments sombres de son histoire. Là, une petite boutique : celle de Marc le cordonnier. Il est jeune, beau, libre. Son plaisir : courir dans la ville. Survient un accident qui bouleverse sa vie entière. Une religieuse en est témoin. Elle l’assiste, le soigne, l’accompagne dans sa convalescence, puis s’éloigne. Reste l’ami de Marc, Paulo, le bizarre énergumène, moqué de tous, chiffonnier mais surtout donneur de coups de main, toujours prêt à rendre service. Et d’autres : Mme Gustave qui tient un bistrot, Lucien l’imprimeur, M. marchand au service de la police, Rosa la fille des rues… Enfin, la petite fille. Elle représente la fragilité, la douceur, la grâce, un peu de la beauté du monde. Je ne raconte pas plus. Marc le cordonnier va tenter de reconstruire sa vie, partagé entre la fierté de l’artisan, le désir du savoir, le goût de la musique. Au lecteur, à la lectrice de découvrir. Peut-être se retrouveront-ils dans ces pages. Après onze chapitres, le douzième va basculer dans notre temps, un aujourd’hui qui métamorphose la rue, transforme les êtres. Si vous qui me lisez ressentez le bonheur et la mélancolie, l’émotion et l’amour qui m’ont envahi, nous sommes les mêmes.” Robert Sabatier (Albin Michel)


Robert Sabatier, à propos de son roman "Le cordonnier de la rue triste" dit : "J'ai désiré écrire un roman simple, économe de mots, se référant en priorité aux sentiments et aux personnes."

S'il désirait écrire un "roman simple, économe de mots", c'est réussi, mais pas dans le sens que j'attendais ni dans le bon sens d'une manière plus générale.
Ce roman est excessivement simple, trop même, à tel point que je n'ai jamais réussi à entrer dans l'histoire et que celle-ci n'a jamais réussi à éveiller mon intérêt, malgré son ancrage dans le contexte de la Seconde Guerre Mondiale.
Quant à l'économie des mots, c'est effectivement le cas, mais dans le sens où les mots ont une absence totale de sentiment, de pensée, de vie.
A aucun moment je n'ai ressenti quoi que ce soit à la lecture de ces lignes, c'est bien la première fois que cela m'arrive en lisant un roman de Robert Sabatier.

J'ai ressenti une forme d'ennui tout au long de la lecture, due sans doute en grande partie au manque total d'empathie envers les personnages.
Ni Marc ni son ami n'ont réussi à venir jusqu'à moi, je suis restée étrangère à l'histoire, d'autant que je n'ai pas apprécié les interruptions de l'auteur où il intervient en interpellant le lecteur, lui disant qu'il a compris ce qui n'était pas dit, ou alors précisant qu'il ne parlera pas de telle chose car déjà abordée dans un autre livre.
Plutôt que de me rapprocher du livre cela m'a au contraire éloignée et j'aurai préféré que l'auteur n'intervienne pas pour me laisser seule avec son histoire.

A en croire la dernière phrase de Robert Sabatier je ne suis pas la même que lui puisqu'aucun des sentiments énumérés ne m'a atteint.
Bien désolée de le dire et de l'admettre, mais "Le cordonnier de la rue triste" m'est resté hermétique et je n'ai pas ressenti grande émotion à la lecture de ce récit, à part de l'ennui et l'envie d'en terminer pour passer à autre chose.


Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre S



Un village français - Saison 4 - 1942 L'heure du choix



Nouvelle saisons d’ "Un village français", nouvelle année de l’Occupation.
Cette saison-ci porte sur l’année 1942, comporte 12 épisodes et deux périodes réalisées par deux réalisateurs différents : la première avec les six premiers épisodes couvre la période de juillet, la deuxième celle de novembre.
Le fil conducteur de cette nouvelle saison est une devinette : « Je suis invisible mais sans moi on ne peut pas vivre. Qui suis-je ? »

Cette première partie est ambitieuse et pourrait s’intituler « Penser l’impensable ».
Les scénaristes ont décidé de montrer les rafles de juifs qui ont eu lieu pendant l’été 1942, en insistant bien sur l’aspect novateur de ces rafles, les premières ayant déjà eu lieu en 1941, à savoir que les femmes aussi sont arrêtées ainsi que les enfants, et pour aller encore plus loin dans l’indescriptible les enfants sont même séparés de leurs parents.
Pour cela, l’histoire commence avec l’arrivée d’un train en gare de Villeneuve.


Il comporte des familles juives ayant été arrêtées et devant être conduites en région parisienne, suite à un problème technique le train ne peut pas repartir, le maire Daniel Larcher propose alors de loger ces familles à l’école.
Elles vont ainsi se retrouver parquées dans la cour de l’école et la salle principale et gardées par les gendarmes français.




Très vite, les conditions de vie se dégradent : les toilettes sont bouchées et n’ont pas été conçues pour être utilisées par autant de personnes, il n’y a pas à manger pour ces personnes (souvenez-vous, c’est en pleine période de rationnement) et l’eau se fait rare.
Voilà que même le sous-préfet demande à Jean Marchetti d’organiser des rafles de juifs étrangers sur la ville de Villeneuve pour satisfaire une demande des allemands afin que ces personnes soient elle aussi amenées à l’école et partent lorsque le train arrivera.
Tout cela ne vous rappellerait pas quelque chose ?
Et oui, les scénaristes ont transposé à l’échelle de Villeneuve la grande rafle de juillet 1942 connue sous le nom de "Rafle du Vel d’Hiv’".
Une bonne partie de l’intrigue de ces épisodes se passe en huis-clos, l’ambiance et l’atmosphère sont oppressantes, l’Occupant n’est pas trop présent mais le téléspectateur ressent à chaque instant sa présence, le durcissement de sa politique d’occupation et le climat de terreur qui peu à peu va s’installer.


Le sujet principal de cette première partie était hautement intéressant et difficile à traiter et à retranscrire à l’écran, pourtant j’ai été quelque peu agacée par des invraisemblances lors des premiers épisodes.
Déjà Sarah, l’ancienne bonne des Larcher fait son grand retour ! Elle avait juste été arrêtée en 1942 et envoyée au camp de Pithiviers or il est impossible qu’elle en soit libérée ainsi puisque tous les détenus des camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande (d’ailleurs il me semble qu’il n’y avait que des hommes) de 1941 ont été déménagés de ces camps en juin/juillet 1942 et déportés pour laisser la place aux futurs raflés de l’été.
Certes, les scénaristes la font revenir pour mettre en place un triangle amoureux quelque peu pervers chez les Larcher : Daniel ne pardonne pas à Hortense, nie en bloc ses soi-disant sentiments pour Sarah puis se jette dans les bras de Sarah au passage plus que ravie de récupérer ainsi ce cher docteur (l’oie blanche n’était pas si blanche que ça pour moi, elle en avait bien envie depuis longtemps) avec la bénédiction de Hortense, qui lui fera comme un don biblique en se sacrifiant pour lui ramener Sarah arrêtée une deuxième fois.
Parmi les détenus il est vite question de partir en Pologne, là encore ce n’est pas crédible, à ce moment-là il n’était pas possible que les détenus soient au courant de leur destination finale. Pour preuve, à Drancy c’est à partir de cette période que le mot de Pitchipoï a circulé parmi les détenus, plus particulièrement les enfants, pour désigner la destination inconnue vers laquelle ils allaient.
Lucienne l’institutrice est en gestation d’un éléphant, cela fait juste plus de 9 mois qu’elle est enceinte et elle n’a toujours pas accouché (d’où l’éléphant).


Les protagonistes ont une tendance quelque peu agaçante à balancer leur bicyclette sans ménagement dans les fourrés, à cette époque, vu le prix d’un tel engin, les gens en prenaient surtout grand soin.
Hortense fera libérer Sarah en échangeant ses papiers avec les siens et en lui donnant son laissez-passer. Elles restent cachées trop longtemps et Hortense est extrêmement bien équipée : elle a toujours sur elle son vernis à ongle qui sert en même temps de colle !
Décidément, les scénaristes ne savent pas trop ce qu’ils veulent faire avec le personnage de Sarah !
Et puis, les scénaristes ont aussi décidé d’offrir une histoire d’amour à Jean Marchetti, en le faisant tomber amoureux d’une juive étrangère qu’il allait arrêter en compagnie de sa mère.
Ce coup de foudre n’est pas trop crédible et je trouve que ce couple vient un peu trop polluer la première partie de la saison.


Hormis ces quelques éléments, cette première partie est très bonne, avec une forte intensité dramatique, des scènes très difficiles qui restent dans l’esprit des téléspectateurs.
Le point de vue vient essentiellement de Madame Morhange, revenue à Villeneuve et arrêtée par Marchetti.
Ce dernier avec cette saison prend une dimension de salaud inégalée jusqu’à présent !
Ce qui est sans doute pire, c’est qu’il est extrêmement tordu et retors et pas franc du collier pour deux sous contrairement à Heinrich Müller qui est pervers mais direct, difficile de s’attacher à un tel personnage, pour moi il n’a pas grand-chose d’humain et c’est une "belle crevure" comme le dit la mère de Rita.
Le personnage de Hortense accomplit des actes éblouissants, elle cherche à se faire pardonner, elle est en dépression complète (elle traîne en robe de chambre à midi elle d’ordinaire si élégante), elle n’a plus envie de rien et pourtant, pour faire plaisir à son mari, elle ira jusqu’à échanger sa place avec Sarah. Elle sera reconnue par Servier juste avant de monter dans le train.


C’est là qu’une nouvelle facette de Daniel apparaît : il est un peu salaud sur les bords lui aussi, dans le sens où lorsqu’elle revient, il ne lui dit pas merci, il la dispute même parce qu’elle a agi sans réfléchir et la plante aussitôt pour filer rejoindre Sarah. Hortense a un passif lourd, certes, mais elle se retrouve reléguée à occuper la chambre de l’ancienne bonne, en bref elle n’est que tolérée dans la maison et vit une sorte de "collaboration" avec Daniel.
Marie Germain reprend du service avec un réseau de résistance et l’un des personnages qui prend son envol est sans nul doute Bériot. A la fois sur un plan personnel : groupe de résistance … mais aussi affectif : sa relation avec Lucienne commence à prendre une tournure un peu plus sentimentale, enfin, cela reste difficile d’éveiller l’intérêt de Lucienne.
Albert Crémieux n’est pas non plus en reste et son personnage prend une importance considérable dans cette saison, c’est presque celui qui subira le plus de transformation et qui sera le plus marqué.


D’une façon générale, il est souvent question de devinette, des contes des Mille et une nuits, de comptines pour enfant, comme si cet arrière plan tentait de dédramatiser quelque peu le côté sombre dans lequel l’histoire vient de plonger.

La deuxième partie se situe en novembre et s’intéresse aux agents de Londres par le biais d’un radio parachuté, seul rescapé de son groupe et qui sera recueilli par le réseau gaulliste de Villeneuve.
Il cherchera à rentrer en contact avec "Dominique" et aura quelques surprises quant à l’identité de celui-ci (ou celle-ci, en l’occurrence il s’agit de Marie Germain).
Globalement, la deuxième partie voit le retour de nombreux personnages pour le plus grand plaisir des téléspectateurs.
Et, en tête de liste celui que j’attendais de pied ferme : Heinrich Müller !


Non seulement il est de retour à Villeneuve, auréolé de gloire pour son action dans l’Est (ça il le racontera à Hortense au cours d’un repas, elle en quittera la table complètement abasourdie), bien décidé à en découdre avec Daniel Larcher (c’est un peu à cause de lui qu’il avait été muté), plus puissant que jamais car chef du renseignement pour tout l’Est de la France et les SS viennent de prendre l’ascendant et surtout fermement décidé à reconquérir Hortense.


Mais voilà, problème, et pas des moindres : elle lui résiste !
Pour ceux qui avaient encore des doutes sur son attachement à Hortense, là il n’y en a plus aucun. Il demande dès son arrivée de ses nouvelles à son ordonnance, il apprend à demi-mot qu’elle a voulu se suicider, il lui fait porter un magnifique bouquet de fleurs (qu’elle lui réexpédie sans un mot) et là il se met à la suivre, mais même emmenée de force dans sa voiture elle refuse, il lui faudra donc user de subterfuges pour l’amener à avoir un dîner avec lui (je m’interroge d’ailleurs comment Hortense a pu croire à l’histoire de l’italien lui achetant toutes ses toiles et lui promettant une exposition à Florence).
Oui c’est une relation bizarre, je vous l’accorde, mais qui a tenu tout le monde en haleine lors de la troisième saison et récidive lors de celle-ci (et pour ceux me connaissant, vous savez ma propension exceptionnelle à m’attacher aux couples les plus improbables, ceci ne vous étonnera donc point).
C’est aussi le retour de Suzanne, de Marcel, de Madame Morhange et même un passage éclair de De Kervern (tout le village ou presque avait donc rendez-vous dans cette deuxième partie).

Cette deuxième partie tranche avec la première par une action omniprésente, les personnages ne sont plus enfermés ils sont au contraire souvent en plein air, il y a beaucoup de mouvements et la part belle est faite au réseau gaulliste, le personnage central étant celui de Marie Germain.
L’un des points d’orgue de cette deuxième partie, outre le parachutage d’un radio, est l’unification des mouvements de résistance avec le rapprochement des communistes et des gaullistes.


Le romanesque se mêle sans problème à l’historique et la petite histoire rejoint la grande.
Si la relation Rita/Jean était globalement ratée, celle de Marie/Vincent (le radio, interprété par Jérôme Robart, mais si, ce petit sourire vous rappelle quelqu’un : Nicolas Le Floch !) est réussie.


L’un des personnages qui m’a le plus marquée est Albert Crémieux.
Il sombre doucement dans la folie après la disparition de sa femme et de sa fille, il trahit en partie le réseau pensant ainsi sauver sa femme et sa fille (Marchetti ayant pris soin de falsifier la lettre pour lui faire croire qu’il pouvait les sortir de là) et se sacrifiera pour aider leur évasion lorsque la ferme de Marie sera encerclée.
J’ai trouvé son traitement remarquable, voilà un personnage particulièrement bien abouti dans sa construction et bien révélateur des sentiments qui pouvaient habiter les résistants, notamment sous la torture (physique et psychologique).
Il y a aussi l’introduction d’un nouveau personnage redoutable car ayant des entrée partout : Chassagne.
Non seulement il est l’amant de Jeannine, mais en prime il est un collabo à fond et a des entrée partout y compris au gouvernement de Pétain, bref, une véritable pieuvre redoutable et dangereuse.

La fin de cette saison est encore plus troublante que la précédente et sur bien des aspects.
Déjà, pour la première fois depuis le début de la série, des personnages meurent et pas forcément des secondaires (Madame Morhange par exemple).
Il était temps de nous montrer des morts, tout n’était pas rose à cette époque, loin de là.
Jean Marchetti conduit Rita en Suisse, enceinte, mais celle-ci ne veut plus rien avoir à faire avec lui depuis qu’elle a appris que c’est lui qui a arrêté sa mère volontairement pour l’éloigner d’elle (charmant garçon, comme je vous disais précédemment), il est désespéré, abat un soldat allemand pour la laisser partir mais il est difficile de savoir comment il va basculer et ce qu’il va advenir de lui.
Quant à Daniel, il n’est plus maire de Villeneuve mais (comme à son habitude) il n’a pas réagi, il a cru naïvement qu’il pourrait renouer avec Hortense après une simple nuit et tandis que celle-ci le quitte pour rejoindre Heinrich il se retourne vers Sarah, en goujat. Il apparaît un peu bête, et que fait-il au final ? Et bien il s’enfuit !
Le revirement de Hortense est là aussi très surprenant et déstabilisant. Je suis incapable d’expliquer son geste, a-t-elle une idée bien précise en tête ? Le fait-elle pour protéger Daniel et leur enfant ? Ou plus généralement pour protéger Villeneuve ? Ou elle-même ? (Elle a quand même constaté jusqu’à où Heinrich était prêt à aller pour la reconquérir) Sait-elle qu’elle sera incapable de résister et finira immanquablement par retomber dans les bras de Heinrich ?
Elle rejette presque Tequiero, Daniel ne cherche pas non plus à la retenir, pourtant le récit des atrocités auxquelles a participé Heinrich Müller dans l’Est l’a remuée et elle va vers lui, décidément, c’est un mystère.
J’ai tendance à croire qu’elle a, contrairement à son impulsivité habituelle, une idée en tête et qu’elle cherche à se protéger et à protéger les siens.
Et si elle basculait dans la résistance en fournissant des informations ?

Cette quatrième saison est plus sombre, elle est dense en thèmes traités et les personnages, très riches, sont définitivement établis tandis que le jeu des acteurs est comme toujours parfait.
En somme, elle est encore plus addictive et place la barre haut pour la cinquième saison.


Détail des épisodes

1)     Le train (20 juillet 1942)
2)     Un jour sans pain (21 juillet 1942)
3)     Mille et une nuits (22 juillet 1942)
4)     Une évasion (23 juillet 1942)
5)     La mission (24 juillet 1942)
6)     La libération (25 juillet 1942)
7)     Le visiteur (8 novembre 1942)
8)     Tel est pris qui croyait prendre (9 novembre 1942)
9)     Baisers volés (11 novembre 1942)
10) Des nouvelles d'Anna (12 novembre 1942)
11) La souricière (1942)
12) La frontière (1942)





Interview Robin Renucci

  
Interview Audrey Fleurot

  
Interview Nade Dieu

  
Making-of


Une village français - Saison 3 - 1941 Vivre ses choix



Il faut bien le reconnaître, la saison 1 d’"Un village français" a servi à planter le décor, présenter les personnages, en quelque sorte, une phase de test.
La saison 2 est venue renforcer et créer de façon définitive une addiction des spectateurs à cette série. La montée en puissance était achevée, et c’est donc tout logiquement qu’une troisième saison a eu lieu.

Cette troisième saison couvre, comme la deuxième, l’année 1941, la période de septembre à novembre.
Changement complet de la part des scénaristes, cette fois-ci la saison comporte 12 épisodes et non plus 6, elle s’attache à couvrir une période serrée et définie de l’Histoire et surtout, il y a de véritables cliffhangers finals permettant ainsi d’ouvrir l’histoire vers une quatrième saison, ce qui faisait quelque peu défaut à la fin de la deuxième saison.
La seule erreur vient de la programmation un dimanche soir, une faute de goût de la part de France Télévisions qui malheureusement fera perdre en audience cette série.
C’est d’ailleurs l’un des points reprochés au cours des trois premières saisons : l’impossibilité des programmateurs à s’entendre sur une date de diffusion : première saison le jeudi soir, deuxième le mardi, troisième le dimanche.
Il y a de quoi perdre des téléspectateurs avec une diffusion aussi aléatoire.

Cette troisième saison est remarquable sur bien des niveaux.
Tout d’abord il y a eu un changement dans le scénario et cette fois-ci presque chaque fin d’épisode  comporte un suspens qui donne immédiatement envie d’enchaîner sur l’épisode suivant.
Et puis, à la fin de la deuxième saison, les scénaristes se sont attachés les services de Violaine Bellet, spécialiste de la psychologie appliquée aux créations de fiction, et autant le dire, les personnages y ont fortement gagné en dimension psychologique.

Cette troisième saison met l’accent sur 2 points historiques importants : le maire, Daniel Larcher, se retrouve à devoir gérer une situation d’otages, à savoir qu’il doit lui-même fournir la liste des otages qui seront exécutés si le "terroriste" communiste préparant un attentat sur Villeneuve n’est pas démasqué ; les épisodes s’attachent à montrer le fonctionnement d’une cellule communiste de l’intérieur, où les membres vont devoir suivre la ligne du Parti, à savoir tuer des officiers allemands.
Ce deuxième point est relativement intéressant et offre les quelques touches d’humour de cette série, car certaines situations en deviennent cocasses (dans le bon sens), mais paradoxalement, il offre aussi les quelques scènes un peu trop longues.
Mais il faut le reconnaître, il y a un manque d’objectivité de la part d’un des scénaristes puisque celui-ci a été élevé dans une famille communiste, ce qui explique la part belle faite à ces personnes et la quasi absence du curé du village.


Du côté des personnages, cette saison offre la part belle à celui de Marcel Larcher, présent dans tous les épisodes et détenant l’un des rôles principaux de la saison. Les scénaristes l’ont même transporté, l’espace d’un épisode avec son frère Daniel, en dehors de Villeneuve pour voir leur père mourant.
Certains sont mis en retrait, notamment Marie Germain ou De Kervern, mais c’est logique et normal car ils ont manqué de se faire prendre en fin de deuxième saison et ils ont plutôt intérêt à se faire discret pendant un moment avant de reprendre leurs activités de résistance.
D’autres par contre explosent littéralement l’écran et prennent une toute autre dimension, je pense notamment à Hortense Larcher ou à celui de Heinrich Müller qui de personnage secondaire devient non seulement personnage principal mais en prime réussit à s’attirer la sympathie des téléspectateurs ; ou encore Jeannine Schwartz qui commence, enfin, à s’imposer dans la population et à faire entendre sa voix (il faut dire que de modérer sa descente d’alcool lui permet aussi d’être plus présente voire présentable).
Certains se font désirer, comme Jean Marchetti, mais c’est voulu et son retour en milieu de saison est plus que bienvenu, d’autres prennent de l’envergure, comme Jules Bériot et certains font leur apparition : Albert Crémieux qui sera "aryanisé" par Raymond Schwartz et dont on sent qu’il y a du potentiel pour la prochaine saison tandis que d’autres restent fidèles à eux-mêmes, notamment Lucienne l’institutrice ou Daniel Larcher, le médecin et maire de Villeneuve.


Cette troisième saison, c’est aussi celle où explosent les sentiments amoureux et les relations, certaines plus improbables que d’autres.
L’un des fils principal est la relation se nouant entre Suzanne et Marcel, Suzanne en quête perpétuelle d’un petit geste gentil, d’une attention. Elle quémande, elle ment un peu parfois mais ça fait son charme, toutefois on sent que cette relation ne pourra pas durer, déjà parce que c’est contraire à la ligne du Parti et aussi parce que le mari de Suzanne est prisonnier de guerre, une relation adultère était très mal vue à cette époque.
Il y a aussi en toile de fond les amours que je qualifierai de champêtres entre Raymond Schwartz et sa métayère Marie Germain.
A travers deux relations amoureuses, les scénaristes ont mis en avant les relations sentimentales de femmes avec l’Occupant.
Il y a tout d’abord Lucienne l’institutrice avec Kurt, un soldat de la Wehrmacht, dont elle attendra un enfant, permettant ainsi aux scénaristes d’aborder les enfants nés des amours franco-allemand. Cette relation est la plus fleur bleue qui soit, dans le sens où il s’agit de deux très jeunes gens qui tombent amoureux l’un de l’autre durant cette période troublée, alors que ni l’un ni l’autre n’avait demandé quoi que ce soit pour y être mêlé. Il faut bien le reconnaître, cette histoire a séduit toutes les midinettes qui sommeillaient dans les téléspectatrices. Et cela a aussi été l’occasion d’évoquer la réalité de l’avortement dans les années 1940, car Lucienne cherchera dans un premier temps à se débarrasser de cet enfant.


Et surtout, il y a la relation amoureuse (car oui, pour moi c’en est bien une) entre Hortense Larcher et Heinrich Müller. Notre femme de médecin, malheureuse dans son mariage avec un homme plus âgé qu’elle qui l’infantilise, en manque d’enfant comblé par l’adoption de "Tequiero", est en dépression, il n’y a pas d’autre mot.
De plus, elle est imprévisible, elle agit sur l’instinct du moment, sans jamais penser à mal. Elle n’est pas calculatrice, elle a une forme d’adolescence, elle a des rêves et des envies qui ont sans doute été bridés depuis toujours et là elle peut enfin s’exprimer et vivre des choses.
Elle est entière : quand elle est avec son amant elle se donne à 100%, pareil quand elle est avec son enfant, son geste final prouvant d’ailleurs la fragilité psychologique du personnage : c’est une cocotte-minute prête à exploser à tout instant, et elle ne fait pas les choses à demi-mesure.
Elle est malheureuse dans sa vie (et son mari est plutôt mou et indécis, c’est un humaniste et elle l’admire pour cela, il fait figure d’un père pour tous à commencer par elle, mais il n’est clairement pas fait pour elle), alors elle avait pris comme amant Jean Marchetti la saison dernière, mais là c’est vers un homme beaucoup plus dangereux qu’elle ira : Heinrich Müller, un SS chef du SD (le service de renseignement), un homme puissant, cultivé, qui la fascine certainement autant qu’il l’effraye.
Entre les deux, c’est plutôt enflammé et ce dès le premier épisode, il n’y a qu’à voir cette formidable scène du dîner entre notables où Heinrich Müller dévore des yeux Hortense, où celle-ci sans complexe lui demande de raconter sa blessure de guerre et où ce dernier s’exécute.
Ce qui fera demander au sous-préfet Servier à Daniel Larcher si tous les deux se connaissaient avant le repas tant ils semblent proches.
Car Heinrich Müller ne respecte pas vraiment le savoir-vivre, en tout cas il est libre, il dit ce qu’il pense sans détour que ce soit pour ce qu’il veut ou ce qu’il va faire.
Il offre à Hortense tout ce que Daniel est incapable de lui proposer, il ne l’infantilise pas, il n’est pas du tout dans une relation paternelle avec elle, au contraire il vit avec elle un amour passionné car il la voit femme avec ses yeux et Hortense le ressent ainsi, sans doute trop puisqu’il finit par la torturer pour essayer de lui soutirer des informations et que j’ai ressenti comme un regret lorsqu’il est muté sur le front de l’Est à la fin de la saison.


C’est là un tour de force des scénaristes, ce personnage avait tout pour être détestable : c’est un nazi convaincu, il est chef du renseignement et pratique la torture pour obtenir des informations.
Certes, il présentait une faiblesse en deuxième saison ainsi qu’en début de troisième : il est dépendant de la morphine suite à une blessure de guerre qui le fait souffrir par moment ; mais là les scénaristes ont humanisé ce personnage et c’est presque plus dur de penser que même derrière les nazis ou les bourreaux il n’y a que des hommes que de les détester tout simplement.
Je trouve ce personnage fascinant, il prend un côté humain car les scénaristes le confrontent à un sentiment inconnu de lui jusque là : il va être amoureux d’une femme, lui qui se croyait sans doute insensible et immunisé à tout il se retrouve en quelque sorte désarmé et subit cet amour qui l’enverra, en partie, sur le front de l’Est.
Cela n’enlève rien à sa perversité, mais cela a créé une empathie avec le téléspectateur à tel point que chacun espère qu’il va revenir la saison prochaine.


Au-delà de ces personnages extrêmement travaillés psychologiquement, il y a des acteurs formidables, au jeu toujours juste.
Audrey Fleurot explose en Hortense Larcher, elle montre toutes les subtilités de son personnage, quant à Richard Sammel il est tout simplement génial dans sa prestation de Heinrich Müller et les scènes entre ces deux acteurs fonctionnent à merveille.
Emmanuelle Bach est plus vraie que nature dans le rôle de cette pétainiste convaincue, François Loriquet prend de l’envergure avec le personnage de Bériot, quant à Marie Kremer elle arrive toujours à jouer juste le personnage de Lucienne pourtant pas si évident (elle est apathique et passe bien souvent pour une idiote).
Nicolas Gob campe un Jean Marchetti que l’on aime à détester et à traiter d’ordure, la fraternité à l’écran entre Robin Renucci et Fabrizio Rongione transparaît bien, Nade Dieu prête toujours aussi bien ses traits à Marie Germain ainsi que Thierry Godard à son amant.
Sans doute le fait que la plupart de ces acteurs sont issus du théâtre n’est pas étranger au fait que leur jeu est plaisant à regarder et toujours sans faute.

Cette troisième saison offre des scènes remarques et délicieuses à regarder, ne serait-ce que dans le premier épisode avec ce dîner de notables.
Il y a de très belles scènes, de magnifiques confrontations entre les personnages, le point d’orgue étant, entre autres, le dialogue entre Sarah emprisonnée et Daniel Larcher pour qui elle travaillait comme servante. Son discours est d’une vérité troublante et ouvrira en partie les yeux de Daniel Larcher, mais ce n’est pas non plus pour cela qu’il changera quelque chose à son attitude. Il s’enfonce dans une collaboration un peu poussé par les évènements, sans trop chercher à se révolter, à agir ou à faire évoluer les choses.
Mais c’est en cela qu’ "Un village français" est une série puissante, elle ne cherche pas à montrer exclusivement des héros et des salauds, elle montre juste des gens ordinaires confrontés à des choix et fait s’interroger tout le monde sur la façon dont on aurait agi.
Rien n’est aussi tranché ou aussi facile, rien non plus n’est décidé à l’avance, d’ailleurs Raymond et Hortense survivront-ils ?

Les thèmes abordés dans cette saison le sont toujours de façon intelligente, bien documentée et tout en nuance, et cela fait d’"Un village français" une série ambitieuse et extrêmement plaisante à regarder.


Détail des épisodes

1)     Le temps des secrets (28 septembre 1941)
2)     Notre père (17 octobre 1941)
3)     La planque (19 octobre 1941)
4)     Si j'étais libre (20 octobre 1941)
5)     Le choix des armes (23 octobre 1941)
6)     La java bleue (25 octobre 1941)
7)     Une chance sur deux (26 octobre 1941)
8)     Le choix (27 octobre 1941)
9)     Quel est votre nom ? (28 octobre 1941)
10) Par amour (29 octobre 1941)
11) Le traître (31 octobre 1941)
12) Règlements de comptes (1er novembre 1941)