mercredi 29 avril 2015

Tout seul de Christophe Chabouté


50 ans qu'il vit ici, sur ce caillou, dans son vaisseau de granit. Bateau immobile qui ne l'emmène nulle part et qui ne rejoindra jamais aucun port... Et pourquoi quitter ce lieu alors que le monde au-delà de cette satanée ligne d'horizon fait si peur ? Où s'évader lorsqu'on n’a nulle part où aller ? Comment combattre la solitude et empêcher que ce silence perpétuel ne devienne assourdissant ?... Des années passées sur son rocher, avec l'imagination comme seule compagne... (Vents d'Ouest)

Lire "Tout seul" de Chabouté, c'est plutôt regarder les dessins qui expriment à eux seuls une histoire, car il n'y a quasiment aucun dialogue et peu de personnages.
Lire "Tout seul" de Chabouté, c'est découvrir une bande dessinée qui présente des sentiments forts telle que la tendresse, ainsi que de l'humour avec peu de dialogues, chapeau l'artiste !
Lire "Tout seul" de Chabouté, c'est découvrir la routine du quotidien sublimé par des moments de rêverie intense.
Lire "Tout seul" de Chabouté, c'est découvrir un homme renfermé qui sort de prison et vient de s'engager sur un chalutier avec un patron exigeant et bavard : "Tu as beau être nouveau dans la région, n'oublie pas qu'à bord c'est moi qui donne les ordres !! Et que si tu tiens à garder ce boulot va falloir que tu apprennes à écouter ce que je te dis !", et qui se met à s'intéresser à l'intrigant habitant du phare que personne n'a jamais vu et qui pourtant récupère chaque semaine les vivres déposés par le chalutier.
Lire "Tout seul" de Chabouté, c'est apprendre toute la beauté qu'il peut y avoir dans le silence et que parfois les questions sont inutiles : "Ici, on ne s'occupe pas des affaires des autres et on aime encore moins ceux qui posent trop de questions.".
Mais surtout, lire "Tout seul" de Chabouté, c'est découvrir un personnage qui n'a rien connu d'autre de sa vie que le phare dans lequel il est né et vécu toute sa vie : "Il n'a jamais connu autre chose que sa tour de pierre et la ligne d'horizon !".

Cette bande dessinée réussit le tour de force d'être très puissante et de dire beaucoup de choses en très peu de mots.
Elle est très étonnante, je l'ai ouverte sans aucun a priori et j'ai été frappée par toutes les émotions qu'elle véhicule, par son côté extrêmement visuel et vivant, je pense notamment aux nombreux dessins de la mouette qui tournoie autour du phare et qui permet au lecteur de le découvrir sous tous les angles, il est presque difficile d'en parler tant les dessins contiennent des messages subliminaux.
Mais il me semble que le message fort qui se dégage de l'ensemble est qu'il en faut peu pour être heureux et que bien souvent nous sommes superficiels à nous arrêter à des gadgets sans voir les beautés qui nous entourent, c'est assez bien illsutré avec l'arrivée de touristes sur le phare et où l'homme largue la fille après une énième dispute et finit par venir la récupérer en fin de journée pour aussitôt commencer à se disputer, c'est l'arrivée de la futilité dans le monde pur, vierge et préservé de cet homme qui a passé son existence dans le phare en se contentant de peu et des trésors ramenés avec sa canne à pêche.
La solitude de ce personnage se ressent extrêmement bien, tout comme son cheminement intérieur qui va le pousser à découvrir autrui et ailleurs, à aller plus loin que la ligne d'horizon de son phare qui reste immuable en place : "Un navire de pierre immobile ... un bateau de granit qui ne tangue pas ... il ne nous emmène nulle part ... il n'accoste jamais ... à bord d'un phare, on ne rejoint jamais aucun port.".
Je l'ai trouvé touchant et ce n'est peut-être pas plus mal que l'auteur ait ménagé le lecteur en attendant longtemps avant de lui montrer physiquement cet homme que l'on ne fait que deviner et apercevoir.
J'aime aussi le suspens que l'auteur a su créer en représentant le phare la nuit avec un bruit dont le lecteur ne découvre l'origine que plusieurs dizaines de pages après.
L'explication, qui est d'ailleurs la réponse à la question posée par le matelot, à savoir ce qu'il peut bien faire de ses journées, en est à la fois simple, belle et de grande portée : ouvrir un dictionnaire au hasard, lire la définition d'un mot lui aussi choisi au hasard et l'imaginer.
Du côté des dessins, les planches alternent gros plans et plans éloignés, j'ai énormément apprécié cette mise en oeuvre très théâtrale et cinématographique.
Les dessins pourraient apparaître comme simplistes mais ils sont en fait très travaillés, et l'utilisation uniquement du noir et blanc renforce la beauté et la portée de cette oeuvre.
J'ai découvert un auteur et j'ai surtout découvert un univers, ce fut une très belle rencontre et un très bon moment littéraire.

Je n'aurais jamais cru découvrir en bande dessinée le savant mélange de Quasimodo habitant dans une tour en reclus telle Raiponce, et que le conte de fée ait une fin heureuse, c'est pourtant ce tour de force que réalise Christophe Chabouté avec ce très joli roman graphique que je vous invite à lire de toute urgence.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015

mardi 28 avril 2015

Top Ten Tuesday #98


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 livres qui présentent des personnages qui ...

... arrivent toujours à trouver la solution à tous les mystères :
1) La série Sherlock Holmes
2) La série Hercule Poirot
3) La série Rouletabille

... sont détestables au premier abord mais ont un bon fond au final :
4) "Orgueil et Préjugés" avec Mr Darcy
5) "Harry Potter" avec Severus Snape

sont l'incarnation du Mal :
6) "Harry Potter" avec Voldemort (enfin, celui-dont-on-ne-doit-pas-écrire-le-nom)
7) "Le silence des agneaux" avec Hannibal Lecter
8) "Le seigneur des anneaux" avec Sauron
9) La série "Fantômas"
10 "Les misérables" avec Les Thénardier



dimanche 26 avril 2015

Broadway Limited Tome 1 Un dîner avec Cary Grant de Malika Ferdjoukh


Normalement, Jocelyn n’aurait pas dû obtenir une chambre à la Pension Giboulée. 
Mrs Merle, la propriétaire, est formelle : cette respectable pension new-yorkaise n’accepte aucun garçon, même avec un joli nom français comme Jocelyn Brouillard. 
Pourtant, grâce à son talent de pianiste, grâce, aussi, à un petit mensonge et à un ingrédient miraculeux qu’il transporte sans le savoir dans sa malle, Jocelyn obtient l’autorisation de loger au sous-sol. Nous sommes en 1948, cela fait quelques heures à peine qu’il est à New York, il a le sentiment d’avoir débarqué dans une maison de fous. 
Et il doit garder la tête froide, car ici il n’y a que des filles. 
Elles sont danseuses, apprenties comédiennes, toutes manquent d’argent et passent leur temps à courir les auditions. 
Chic a mangé tellement de soupe Campbell’s à la tomate pour une publicité que la couleur rouge suffit à lui donner la nausée. 
Dido, malgré son jeune âge, a des problèmes avec le FBI. 
Manhattan est en proie à l’inquiétude depuis qu’elle a cinq ans. 
Toutes ces jeunes filles ont un secret, que même leurs meilleures amies ignorent. 
Surtout Hadley, la plus mystérieuse de toutes, qui ne danse plus alors qu’elle a autrefois dansé avec Fred Astaire, et vend chaque soir des allumettes au Social Platinium. 
Hadley, pour qui tout a basculé, par une nuit de neige dans un train. 
Un train nommé Broadway Limited. (L'école des loisirs)

Nous sommes en 1948, trois ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et le jeune Français Jocelyn Brouillard a obtenu une bourse pour aller étudier la musique à New York.
Il débarque à la Pension Giboulée pour y prendre ses quartiers, mais c'est sans compter sur la méprise qu'il y a eu à l'origine : personne à cette pension de jeunes filles ne s'attendait à voir débarquer un jeune homme, car personne n'avait vraiment prêté attention à cette subtilité du langage Français.
Qu'a cela ne tienne, grâce à son talent de musicien, Jocelyn va s'attirer les bonnes grâces de Mrs Merle, la propriétaire de la pension, qui va faire une exception pour lui.

Le personnage de Jocelyn permet au lecteur de découvrir avec lui la vie trépidante du New York de cette époque, à travers les personnalités fraîches, folles et enthousiastes des pensionnaires de la Pension Giboulée, des jeunes filles qui cherchent toutes à percer dans le milieu artistique New -Yorkais
Le pauvre Jocelyn est parfois un peu perdu au milieu de ce tourbillon de froufrous et de personnalités toutes plus attachantes les unes que les autres : "Vous vous demandez dans quel maison vous êtes tombé, pas vrai ?", ainsi que dans cette grande ville qu'il découvre : "Il ne connaissait pas non plus les autobus à étage. Il faillit dégringoler dans un virage en gravissant le colimaçon. Les filles, déjà en haut, se moquèrent de lui. Sur la plateforme le vent filait, suave et joyeux, et l'Empire State, le Chrysler Building, tous les gratte-ciel courraient dans le bleu mutin du matin. Son premier, à New York.", mais il s'en sort plutôt bien et se fait rapidement des amis.
Il est parti pour apprendre la musique, c'est à mon avis bien plus qu'il va trouver à New York, tel un conquérant il va non seulement y découvrir des styles musicaux nouveaux, des amitiés fortes, peut-être même l'amour, mais surtout quelque chose d'inédit qui est en train de se construire et changera la face du monde : "Il se sentait la peau de Christophe Colomb et d'Amerigo Vespucci. L'impression d'être dans le courant, en plein milieu, de vivre l'inédit du monde; et cet inédit ne pouvait se produire qu'ici, à New York, il en avait maintenant la certitude.".
L'auteur aurait pu se contenter du personnage de Jocelyn pour raconter son histoire, mais c'est une oeuvre beaucoup plus approfondie qu'elle livre, car elle ne se limite pas à un seul personnage mais également à toutes les jeunes filles de la Pension Giboulée : à la pauvre Chic qui n'en peut plus de devoir absorber des produits insipides pour des publicités, à Manhattan qui cache un lourd secret, et surtout à la mystérieuse Hadley qui ne danse plus alors qu'elle a dansé autrefois avec Fred Astaire et qui elle aussi cache un lourd secret, elle est d'ailleurs à mes yeux la plus attachante de toutes les jeunes filles de la Pension.
Plus que le personnage de Jocelyn, c'est celui de Hadley qui m'a le plus émue, pour qui j'ai le plus vibré, même si j'ai eu très rapidement un soupçon sur le secret qu'elle cache.
Pour un roman s'adressant à la jeunesse, c'est un joli pavé de plus de cinq cent pages qu'a écrit Malika Ferdjoukh, et ce n'est surtout que le premier tome d'une nouvelle série.
Non seulement l'histoire est bien bâtie, mais c'est aussi bien écrit, c'est un véritable "page turner" et j'ai été frustrée d'arriver à la fin tant je voulais lire et connaître la suite.
C'est très vivant, très bien documenté, les personnages croisent ainsi quelques futurs grands noms de la scène cinématographique, comme la jeune Grace Kelly ou un Woody Allen adolescent, c'est aussi très vivant car j'ai eu l'impression de retrouver New York telle que j'ai pu la découvrir il y a quelques temps, surtout d'avoir un peu le même regard émerveillé que Jocelyn sur cette ville et ses immenses gratte-ciels emblématiques.
Cela m'a également permis de découvrir une auteur : Malika Ferdjoukh, et j'ai été littéralement emballée par son histoire, à tel point que je suis bien décidée à découvrir maintenant les autres œuvres de celle-ci qui finalement plairont autant aux plus jeunes qu'aux plus âgé(e)s.

C'est fou, c'est théâtral, c'est vivant, c'est enthousiasmant, c'est la ville de tous les possibles, "Broadway Limited - Un dîner avec Cary Grant" de Malika Ferdjoukh est un roman à l'image de New York, cette ville qui ne dort jamais, et est un coup de cœur que je vous invite à découvrir de toute urgence.

Je remercie Babelio et les éditions L'école des loisirs pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.

Dans Paris occupé - Journal d'Hélène Pitrou 1940-1945 de Paule du Bouchet


Le récit plein d’émotions d’une jeune fille que la guerre précipite hors de l’enfance, qui voit sa meilleure amie menacée par les mesures antijuives et bientôt emportée, qui vit au plus près les déchirements et les drames de ceux qui ont fait le choix de la résistance. Un regard sensible, passionné et authentique sur la vie quotidienne des Parisiens pendant l’Occupation. (Gallimard Jeunesse)

Après avoir lu l'éruption du Vésuve et la Révolution Française, j'ai décidé de continuer à tester la collection "Mon Histoire" de Gallimard Jeunesse avec un roman se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale et proposant le journal intime de la jeune Hélène Pitrou dans Paris occupé.
Je suis assez exigeante sur les histoires se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale, celle-ci est particulièrement intéressante car écrite du point de vue d'une jeune Parisienne qui va connaître les privations, les tickets de rationnement, le marché noir, les arrestations, les exécutions d'otages, la résistance et les actes de sabotage.
Ce roman aborde de façon globale les moments importants de cette guerre, avec notamment le statut des Juifs et une Hélène bien désemparée face à ces lois et qui ne comprend pas ce que l'on reproche aux Juifs : "En fait, je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, être juif.", leur traque, les rafles dont celle dite du Vél' d'Hiv, les arrestations de plusieurs de ses ami(e)s et les déportations vers une destination inconnue, l'appel à la résistance du Général de Gaulle sur Radio Londres, les premiers tracts puis la structuration des réseaux de résistance, la mise en place du STO qui a engendré la création des maquis, en somme la toute puissance du IIIème Reich en 1940 et sa chute inexorable au fil des années avec finalement la bataille pour la libération de Paris.
Le personnage d'Hélène Pitrou est choisi très justement, elle décrit en quelques lignes dans son journal les privations des Parisiens et la faim qui a vite tiraillé tous les estomacs : "J'ai retrouvé Paris ... et aussi une vieille amie : la faim ! Il y a encore moins à manger qu'avant l'été.", les exactions qu'elle ne comprend pas et sur lesquelles personne ou presque ne peut faire quoi que ce soit : "Nous sommes totalement impuissants et c'est ça qui est affreux, cette impuissance devant la barbarie.", ce personnage me semble finalement très proche de ce qu'a dû être la réalité pour des enfants du même âge à cette époque.
Mais ce qui est à mes yeux encore plus réussi avec ce personnage, c'est qu'elle évolue durant ces années, elle va devenir plus mûre, grandir un peu trop vite, distinguer ce qui essentiel de ce qui l'est moins, découvrir la cruauté de la nature humaine.
Elle finira bien éloignée de la petite fille du début qui déplorait l'affreuse couleur noire de ses carnets pour rédiger son journal.
L'autre atout incontestable de ce roman, c'est que l'auteur ne choisit pas de faire dans la dentelle, elle n’hésite pas à faire mourir des personnages ni à mentionner le sort des amis Juifs d'Hélène dans la partie "Pour aller plus loin" en fin de roman.
Paule du Bouchet aura pu tomber dans la facilité, chercher à tout prix une fin heureuse, elle n'épargne rien à ses personnages et au lecteur et c'est à tout à son honneur, car plutôt que de maquiller la vérité elle a su choisir les mots justes pour raconter à un public jeune cette terrible période de l'histoire de France.
Elle a su porter un regard juste, sensible sur cette période, tout en étant passionnée par le sujet et en ayant fait de nombreuses recherches avant de se lancer dans l'écriture de ce récit,
C'est simple mais c'est efficace, j'ai aimé la maîtrise du sujet et le style de l'auteur.
De mes trois lectures de cette collection c'est à mon avis le roman qui a pris le plus de risque, qui est le plus complet et qui mêle le plus efficacement une écriture simple et directe à destination de la jeunesse tout en soulevant de profondes questions et réflexions.
Un historien intervient également à la fin, les dates clés sont présentées ainsi qu'un glossaire des termes et pour finir une notice bibliographique et cinématographique à destination de la jeunesse.
Cette collection est décidément vraiment intéressante et renferme certainement d'autres pépites qu'il me tarde de découvrir.

"Dans Paris occupé - Journal d'Hélène Pitrou 1940-1945" de Paule du Bouchet est un excellent roman à destination de la jeunesse particulièrement bien écrit et fouillé d'un point de vue historique, à mettre dans les mains des jeunes lecteurs à partir de 10 ans.

samedi 25 avril 2015

Sous la Révolution Française - Journal de Louise Médréac, 1789-1791 de Dominique Joly


Louise Médréac, âgée de treize ans, quitte son village de Bretagne pour Paris où elle entre comme apprentie couturière chez Rose Bertin, modiste de Marie-Antoinette. Tandis qu’elle s’adapte peu à peu à la vie parisienne, Louise voit la révolte gronder et assiste aux premières manifestations. Son journal se clôt avec la fuite de la famille royale à Varennes. (Gallimard Jeunesse)

J'ai décidé de continuer ma découverte de la collection "Mon histoire" chez Gallimard Jeunesse avec un roman se passant à l'époque de la Révolution Française.
Le lecteur découvre le journal de la jeune Louise Médréac qui âgée de treize ans quitte son village de Bretagne pour Paris où elle travaille comme apprentie couturière chez Rose Bertin, la modiste de Marie-Antoinette et des dames de la Cour.
A peine arrivée dans cette grande ville que Louise va être un témoin privilégié de la rumeur qui gronde, qui enfle et qui va finir par éclater dans la capitale.
Il a bien fallu trouver un tour de passe-passe pour justifier qu'une simple fille de la campagne sache lire et écrire, qu'à cela ne tienne, la jeune Louise a reçu son éducation par le curé de son village qui l'a prise sous son aile, c'est d'ailleurs grâce à lui qu'elle a pu bénéficier d'une place d'apprentie chez l'une des plus grandes modistes de Paris.
J'ai trouvé ce roman jeunesse un cran en-dessous de ma précédente lecture, j'ai trouvé qu'il se terminait trop brutalement et j'ai regrtté qu'aucune piste ne soit donné au lecteur expliquant le voyage de ce journal à travers le temps et sa redécouverte dans une malle en Bretagne.
Si le lecteur découvre à travers le regard de Louise les éléments déclencheurs et les moments clés de la Révolution Française, par exemple la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : "Les députés réalisent de grandes et belles choses. La Déclaration est un texte si important que le 26 août 1789 sera une grande date dans l'histoire de France. Elle contient deux mots qu'on trace partout sur les murs dans les rues : liberté et égalité. Ils vont bien ensemble et je ne me lasserai jamais de les prononcer.", la prise de risque sur le contexte historique a été assez limitée car le régime de la Terreur n'y est pas abordé, ni les arrestations, les jugements du Roi et de la Reine et les nombreuses décapitations à la guillotine qui ont pu avoir lieu.
Ces parties historiques ne sont abordées que rapidement dans les notices complémentaires en fin d'ouvrage, je pense qu'il aurait été intéressant d'avoir le point de vue de Louise sur le basculement de la situation qui finir par échapper à ceux qui en sont à l'origine.
Si le récit s'attache à mettre en avant le contexte historique à travers les yeux de Louise et retranscrit les pensées et les observations de la jeune fille, partagées par beaucoup d'autres personnes à cette période, notamment le contraste saisissant entre la pauvreté et le luxe et la splendeur de Versailles : "En attendant ma patronne qui était partie déposer la robe, je regardai, assis sur une banquette, à travers les hautes fenêtres, le parc gigantesque, le canal miroitant au loin et se prolongeant à perte de vue, toute cette magnificence ... N'était-elle pas excessive quand, sur les routes, on mourrait de faim, n'était-elle pas dérisoire quand on avait le malheur de perdre son enfant ?", j'ai regretté que le fond historique ne soit pas un peu plus creusé qu'il ne l'est, aucun nom connu n'est cité, seul Camille Desmoulins est évoqué à un moment donné, j'attendais un ancrage un peu plus conséquent qu'il ne l'est.
Mais, et c'est sans doute son point fort, ce roman a le mérite de faire vivre ces événements par le regard d'une jeune couturière toute fraîche sortie de sa Bretagne et qui navigue côté atelier de couture, côté château de Versailles et côté populaire et vie parisienne.
Comme pour ma précédente lecture d'un ouvrage de cette collection, une notice bibliographique et cinématographique se trouve en fin d'ouvrage, je ne peux qu'apprécier (et recommander) la citation du film de Robert Enrico, à mes yeux la meilleure oeuvre qu'il existe sur la Révolution Française.

Malgré les quelques reproches que j'ai pu faire, "Sous la Révolution Française - Journal de Louise Médréac" de Dominique Joly est un roman jeunesse intéressant à faire lire aux plus jeunes pour leur permettre de commencer à aborder cette période de l'Histoire de France et les amener à s'intéresser à tous ces événements qui ont profondément modifié la France.

mercredi 22 avril 2015

Les cendres de Pompéi - Journal d'une esclave, an 79 de Christine Féret-Fleury


«Samedi 3 avril. En sortant chercher de l'eau, ce matin, j'ai trouvé devant la porte un oiseau mort, le bec grand ouvert. C'est le manque d'air, a dit Martia. Les pauvres, c'est à peine s'ils peuvent voler. Un vrai temps de tremblement de terre! Les femmes, à la fontaine, répétaient les mêmes mots : "un temps de tremblement de terre! Pas une vague dans le port, pas un souffle de vent." Elles riaient. Personne, à Pompéi, ne redoute les secousses de la terre - elle tremble si souvent! Et depuis dix-sept ans, aucune maison ne s'est effondrée.» 
Pour partager le journal intime de Briséis, esclave en l'an 79, et affronter avec elle la terrible éruption du Vésuve... (Gallimard Jeunesse)

Pompéi, et plus généralement les cités ensevelies du Vésuve, me fascinent depuis longtemps.
Et d'y avoir été n'a pas suffi à combler ma curiosité, j'ai même au contraire encore plus envie d'y retourner pour de nouveau déambuler dans les rues de Pompéi et d'Herculanum et y découvrir la vie telle qu'elle était dans l'Antiquité, il  y a des siècles de cela, et telle qu'elle a été figée à jamais par l'éruption du Vésuve en 79 après Jésus Christ.
Aussi quand j'ai découvert que la maison d'édition Gallimard avait créé une collection "Mon Histoire" destinée à raconter à un lectorat jeune des grands événements ou des grands personnages du passé sous la forme de journal intime, et que l'un de ces livres traitait justement de Pompéi, je n'ai pas hésité une seule seconde pour découvrir de quoi il en retournait.
J'avoue que j'étais un peu hésitante de savoir qu'il s'agissait du journal d'une esclave, ce qui est peu crédible à l'époque, mais l'auteur a choisi de créer le personnage de Briséis qui est certes esclave à Pompéi mais surtout originaire d'une riche famille Grecque, donc instruite, et qui a été enlevée par des pirates et vendue comme esclave.
Et là tout de suite, c'était beaucoup plus crédible.
Le personnage de Briséis est intéressant, c'est une jeune fille qui est en train de devenir une femme et qui se sait promise à un avenir de prostituée dans une ville où la débauche est monnaie courante, et qui a un problème identitaire, notamment suite au changement de prénom accompagnant son statut d'esclave :  "Qui suis-je, en réalité ? Libre, esclave, fugitive ... Dans quel lieu me sera-t-il donné de découvrir mon vrai visage ?".
J'étais aussi exigeante sur la reproduction de Pompéi et je dois dire que je ne suis pas déçue, l'auteur a su recréer l'atmosphère de cette riche colonie Romaine, utiliser des noms de rues, des personnes ayant réellement existé et dont les villas ont été mises au jour, j'avais donc l'impression de déambuler avec Briséis dans les rues de Pompéi, à la différence qu'avec ses yeux la vie était en pleine effervescence.
C'est bien documenté, l'auteur y aborde les lupanars, les foulonneries, et revient également sur l'incident entre les habitants de Pompéi et de Nocera qui a conduit à interdire à Pompéi tout spectacle de gladiateurs pour une durée de dix ans.
Le livret historique en fin de roman accompagné des lettres de Pline le Jeune décrivant l'éruption et d'une liste d'ouvrages et de films complètent très bien ce roman et permettent une excellente première approche pour un public jeune de cet événement majeur de l'Antiquité.
Si la description de l'éruption du Vésuve nous est parvenue grâce aux lettres de Pline le Jeune qui a assisté à celle-ci, l'auteur a fait le chois de décrire elle aussi ce phénomène à travers le regard de Briséis, un pari risqué mais dont Christine Féret-Fleury se sort bien, sans être trop précises d'un point de vue scientifique les descriptions sont assez justes : "Dans l'obscurité, la montagne venait de s'embraser : la colonne de fumée s'était effondrée à la base, et le sommet du Vésuve rougeoyait comme une brandon.", il s'agit d'une nuée ardente ou coulée pyroclastique, ou encore celle d'une surge volcanique : "Mais mon regard restait rivé sur le Vésuve. Sa couronne, d'un rouge sombre, glissait sur le côté. Une langue brûlante s'est avancée sur la pente, lentement, puis la masse tout entière a basculé, créant un fleuve de feu qui a dévalé le flanc de la montagne. De plus en plus vite. Droit vers le rivage !".
L'auteur a su ne pas tomber dans l'écueil de décrire trop précisément ces phénomènes en se plaçant du point de vue de l'époque : les Romains ne savaient absolument pas ce qu'était le Vésuve, un volcan, et donc encore moins qu'ils assistaient à une éruption volcanique.
Ils n'ont pas compris ce qui leur arrivait et n'ont pu que constater que des villes avaient été entièrement rayées de la carte : "Beaucoup d'habitants de Pompéi s'étaient réfugiés à Herculanum, sur la plage, dans l'espoir d'emprunter un bateau et de traverser la baie; ils sont tous morts. Herculanum n'existe plus; la ville est ensevelie sous les débris. Pompéi également.".
Où je reste un peu plus partagée, c'est sur le nombre de survivants qui apparaît ici quelque peu important, je crains que dans les faits il n'y en ait pas eu autant.
Il n'en demeure pas moins que ce livre est bien écrit et se lit avec un certain plaisir.

"Les cendres de Pompéi" est un bon roman historique jeunesse, à lire à partir de 10 ans, qui permet une première approche assez complète de l'éruption du Vésuve.
Et voilà une collection à destination de la jeunesse particulièrement intéressante dont je vais de ce pas découvrir d'autres opus.

Livre lu dans le cadre du Challenge Il Viaggio


mardi 21 avril 2015

Top Ten Tuesday #97


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 blogueurs (livresques) et/ou booktubers préférés

(Désolée je n'ai pas pu mettre tout le monde !)

1) Les livres de George
2) Des galipettes entre les lignes
3) Delphine's books & more
4) Sophie lit
5) Miss bouquinaix
6) Sur la route de Jostein
7) Café Powell
8) Miss Alfie
9) L'ivre de lire
10) Les carnets d'Eimelle

dimanche 19 avril 2015

Couleur de peau : miel Tome 1 de Jung


Jun Jung-Sik errait dans les rues de Séoul quand un policier l’a pris par la main pour l’emmener au Holt, un orphelinat américain. Il avait alors 5 ans. Quelques photos, un rapport d’orphelinat… Ses souvenirs tiennent à un fil. Mais les questions le taraudent. 
2007 : Jung décide de remuer les souvenirs ou les fantasmes de sa vie, en tout cas d’en finir avec une certaine période teintée de l’incertitude qui ronge. Il se raconte dans ce récit terriblement intime : sa survie en Corée, sa nouvelle famille belge. Une adoption pas toujours très réussie, contrairement à d’autres gamins. Mais cette histoire est la sienne : il a grandi avec, s’est construit avec, jours après jours, vaille que vaille. Les fous rires, les drames, le quotidien, les bêtises de gosses et les questions sans réponses… Sans aucune réponse ? (Soleil Productions)

A travers cette bande dessinée en plusieurs volumes l'auteur, Jung Sik Jun, raconte sa vie jusqu'à l'âge de cinq ans en Corée, emmené dans un orphelinat par un policier l'ayant trouvé à fouiller dans une poubelle d'une rue de Séoul, puis son adoption par une famille Belge, son arrivée sur le continent Européen, son intégration, ses questionnements et sa réflexion plus générale sur l'adoption et ce qu'est être adopté.
C'est une bande dessinée très autobiographique, l'auteur s'y livre complètement et ne se limite pas qu'à son histoire personnelle mais livre aussi ses réflexions, ses reproches, ses observations, son intégration et finalement l'acceptation de ses racines en parlant de retourner en Corée, son pays d'origine.
S'il brode sans doute un peu sa prime jeunesse en Corée, n'en ayant que peu de souvenirs et déclarant de lui-même qu'il a oublié cette période en l’enfouissant dans sa mémoire : "Si, si, on oublie très vite la rue quand on ne veut pas s'en souvenir. Mais c'est tout à fait compréhensible, car dans ce contexte-là, oublier est une protection, une sorte de "cessez-le-feu", et l'esprit est un "no man'ds land". Seulement, l'être humain n'oublie jamais rien. Toutes ces petites choses sont cachées quelque part, dans les méandres de notre esprit.", il se livre par contre entièrement sur sa jeunesse et le début de son adolescence.
Et j'avoue que même si sa réflexion sur l'adoption est intéressante, d'autant plus qu'elle est livrée du point de vue d'un adopté, certaines de ses interrogations voire de ses affirmations m'ont mises mal à l'aise.
Ainsi, j'ai compris qu'il avait mal vécu son adoption, qu'il reprochait un certain nombre de choses à sa famille Belge, voire qu'il dit entre les lignes que son adoption s'est finalement mal passée.
Ce n'est pas tant ses propos qui me dérangent, car je sais très bien que toutes les adoptions ne se passent pas bien, mais c'est le décalage qu'il y a entre ses propos graves et le ton léger choisi pour raconter l'histoire.
Soit le choix se portait sur un ton léger pour raconter toutes les péripéties de cet enfant adopté, soit il s'agissait véritablement d'une autobiographie où l'auteur voulait faire passer un message à sa famille d'adoption et peut-être leur faire part de ce qu'il n'a jamais pu leur dire, mais les deux mélangés m'ont gêné au cours de ma lecture et je me suis posée de nombreuses questions, notamment de savoir si ces reproches étaient fondés ou bien si l'auteur avait eu trop d'attentes et d'espoirs vis-à-vis de cette adoption.
Ce qui m'a quelque peu rassurée, c'est qu'il énonce cette réflexion lui-même vers la fin du recueil :  "Mes parents adoptifs étaient sévères et exigeants. Ils ont commis quelques maladresses qui ont froissé ma susceptibilité d'enfant adopté, blessé mon amour-propre. Cependant, ils m'ont aimé à leur manière et je n'ai manqué de rien. Peut-être que je leur en demandais trop aussi, et qu'ils n'avaient pas plus à offrir. Finalement, ils m'ont donné le principal : une famille.".
Car c'est là aussi une étrangeté de cette bande dessinée, c'est que sa famille n'est pas représentée comme monstrueuse ou mal aimante, rien dans les dessins et le scénario ne laissent penser que ces personnes l'ont adopté pour de mauvaises raisons et l'ont moins aimé et/ou considéré que leurs enfants biologiques, ils ont même d'ailleurs adopté un autre enfant.
Finalement, j'ai l'impression que l'auteur a mis beaucoup de temps à se construire, à accepter et intégrer ses origines Coréennes, il le dit d'ailleurs lui-même : "Le chemin qui m'a amené à accepter mes origines coréennes fut long et tortueux, car j'ai vécu cet abandon comme une disgrâce ou un mauvais coup du destin. Aujourd'hui, je voudrais retourner en Corée.", voir même qu'il n'a pas complètement achevé de les intégrer car il parle de retourner physiquement en Corée mais je ne suis pas sûre qu'il ait franchi le pas à l'heure actuelle.
Outre cette dichotomie dans la façon de narrer et présenter son histoire, j'ai tout de même été intéressée par la réflexion globale qui se dégage de cette bande dessinée, d'autant plus que c'était la première fois que je lisais une telle histoire du point de vue de la personne adoptée.
L'auteur a aussi fait quelques recherches historiques sur la Corée pour expliquer les nombreuses adoptions qui ont eu lieu dans les années soixante/soixante-dix, c'était à la fois bienvenu et intéressant car c'est un pays dont je connais finalement peu l'histoire.
Les dessins de Jung sont assez épurés avec le recours au noir et blanc, et simplistes par la forme des visages et des personnages.
J'ai été moyennement emballée par ce choix graphique qui ne reflète pas forcément le style habituel de Jung.

"Couleur de peau : miel" est un ouvrage à la fois tendre et cruel sur le récit autobiographique de Jung sur son adoption par une famille Belge dans les années 70, la curiosité me pousse à lire les deux autres ouvrages constitutifs de cette série.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices


Le transperceneige Tome 1 L'échappé de Jean-Marc Rochette et Jacques Lob


Un jour, la bombe a fini par éclater. Et toute la Terre s’est brutalement retrouvée plongée dans un éternel hiver gelé, hostile à toute forme de vie. Toute ? Pas tout à fait. Miraculeusement, une toute petite portion d’humanité a trouvé refuge in extremis dans un train révolutionnaire, le Transperceneige, mu par une fantastique machine à mouvement perpétuel que les miraculés de la catastrophe ont vite surnommé Sainte Loco. Mais à bord du convoi, désormais dépositaire de l’ultime échantillon de l’espèce humaine sur cette planète morte, il a vite fallu apprendre à survivre. Et les hommes, comme de bien entendu, n’ont rien eu de plus pressé que d’y reproduire les bons vieux mécanismes de la stratification sociale, de l’oppression politique et du mensonge religieux… (Casterman)

"Parcourant la blanche immensité d'un hiver éternel et glacé d'un bout à l'autre de la planète roule un train qui jamais ne s'arrête. C'est le transperceneige aux mille et un wagons.", ainsi débute cette bande dessinée d'anticipation post-apocalyptique.
Une nouvelle guerre a eu lieu, la bombe climatique a été inventée et surtout utilisée, les derniers survivants de l'Humanité ont trouvé refuge dans un immense train au moteur à mouvement perpétuel qui depuis ne cesse de parcourir la Terre : "C'est le transperceneige aux mille et un wagons, c'est le dernier bastion d'la civilisation. Il abrite et transporte en ses flancs, de ce monde, ses derniers survivants : ceux que la mort blanche a condamnés au voyage à perpétuité.".
Mais bien entendu, dans ce train immense voyageant à l'infini il y a les nantis, ceux des premières classes qui vivent dans le luxe et la luxure, puis il y a les wagons de seconde classe où les personnes vivent dans un relatif confort, il y a les militaires, chargés de la sécurité du train, les cuisiniers, les maraîchers, et pour finir les wagons de queue, ceux dans lesquels sont entassés les plus pauvres ou ceux qui sont montés dans le train au dernier moment, ils vivent entassés dans des wagons sans fenêtre, à mourir de faim ou de maladie.
Proloff est l'un de ceux-là, mû par un mouvement de révolte il a réussi à accéder aux wagons suivants, arrêté par les militaires il attend que son sort soit décidé, rejoint par Adeline, une membre d'un groupement d'aide au tiers-convoi.
Et voilà qu'on le réclame à l'autre bout de la machine, car les personnes sont curieuses de savoir comment cela se passe là-bas au fond : "Comment c'est là-bas ? Êtes-vous encore nombreux ? On dit qu'vous êtes des milliers à être entassés dans des fourgons à bestiaux à crever d'faim et d'froid ... est-ce vrai ?", à moins que cela ne cache une autre intention.

J'ai découvert cette histoire à travers le film de Bong Joon Ho "Snowpiercer", j'ai profité de la réédition en version intégrale de cette bande dessinée pour l'acquérir et la découvrir.
J'ai été littéralement emballée par celle-ci, l'histoire est tout simplement formidable, c'est de la science-fiction comme je l'aime avec tous les ingrédients nécessaires à ce genre littéraire.
Il y a eu le cataclysme : une brusque modification du climat qui a plongé la Terre dans une nouvelle ère glaciaire, des survivants qui ce sont regroupés dans un univers clos : un train, et qui vivent ainsi depuis, dans une pseudo normalité : "Nous essayons de vivre hors du temps, nous faisons comme si.".
C'est l'intégralité d'une société qui est enfermée dans ce train, tout y est forcément exacerbé : la richesse comme la pauvreté, la luxure, la recherche du plaisir ainsi que la violence et la répression.
En suivant le périple de Proloff, le lecteur découvre ce microcosme qui est un condensé de l'Humanité telle que nous la connaissons.
Il y a eu restructuration des classes sociales, mais cela n'empêche pas la lutte, comme quoi ce qui se passe à l'air libre se passerait tout autant en vase clos.
Le Transperceneige n'est pas qu'un train, c'est une arche de Noé moderne.
D'ailleurs, qui dit science-fiction dit dimension religieuse, ici c'est la machine en elle-même qui est la nouvelle religion de bien des occupants de ce train.
Surnommée "Sainte Loco" elle est l'objet de prières et de remerciements mais aussi de grands égards et est dernièrement source d'inquiétude, car son rythme a légèrement ralenti : "La machine a peut-être un moteur à mouvement perpétuel, ça veut pas dire qu'elle est éternelle ! Faudra bien qu'elle s'arrête un jour.".
Ce n'est plus une machine, elle est personnalisée au même titre que Proloff, mais c'est une dame qui se révèle fragile et dont la solitude commencerait à lui peser : "Elle est un peu comme les humains, vois-tu ... même si elle se suffit à elle-même, comme eux, elle a besoin d'autre chose pour s'épanouir : une présence ... quelques paroles ... elle a besoin de ... de se sentir habitée !".
Le scénario créé par Jacques Lob reprend les thèmes principaux de la science-fiction post-apocalyptique pour donner vie à un univers dur et étouffant, car à l'image de Proloff le lecteur finit aussi par en avoir assez de ces wagons étroits.
Et c'est doute dans les non-dits que le scénario se révèle le plus choquant, dans la part d'imagination qui est laissée aux lecteurs.
Pour les dessins, Jean-Marc Rochette a fait le choix du noir et blanc, rien à redire car cela se révèle judicieux et porte parfaitement l'histoire.
J'ai énormément apprécié la calligraphie et le style de cette bande dessinée, c'est un pur bonheur de la lire.

"Le Transperceneige" est une bande dessinée qui a l'esthétisme des années 80 et qui après avoir sombré dans l'oubli a été remise au goût du jour grâce à l'adaptation cinématographique qui en a été faite.
Plus qu'un classique de la science-fiction post-apocalyptique c'est un incontournable, et pour ma part un véritable coup de cœur.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL



Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices

samedi 18 avril 2015

Walking Dead Tome 13 Point de non-retour de Robert Kirkman et Charlie Adlard


Enfin arrivés aux portes de Washington, Rick et ses compagnons intègrent une communauté de survivants, visiblement épargnés par le fléau qui ravage l'humanité depuis un an maintenant. Ici, pas d'apparition de zombies. Mais ce retour au calme et à une vie presque normale ne se fait pas sans heurts. Bien au contraire, il révélera au grand jour les difficultés d'adaptation de chacun. (Delcourt)

Après les prémices de la vie dans la communauté de survivants développés dans le tome précédent, c'est le cœur de ce treizième tome et, comme je le prévoyais, tout n'est pas rose et ce n'est pas le pays des bisounours : "La communauté tourne pas rond. Tu verras. Oh oui, tu verras ...".
Rick a une idée derrière la tête, c'est une certitude, tout comme il continue à perdre sérieusement la boule, son rôle de shérif lui monte à la tête et il décide de se positionner comme l'ange purificateur pour défendre une femme et son fils battus par son mari/père.
C'est il me semble la première fois dans cette série qu'une dimension mystique est ajoutée, mais à mon avis cela ne va aller que croissant car les leaders rencontrés dernièrement se présentent tous comme des gourous réunissant autour d'eux une population qui leur est entièrement dévouée (il n'y avait qu'à voir la communauté de Woodbury autour du Gouverneur).
Rick n'a clairement plus l'habitude de la vie en communauté, c'est-à-dire en dehors du camping en extérieur avec des hordes de zombies tout autour, il n'hésite pas à remettre ouvertement en doute une décision du "chef" du groupe, Douglas Monroe, qui apprécie moyennement la chose : "Peu importent les règles ... faites ce qui est nécessaire. Je fais confiance à votre instinct. Mais n'oubliez pas que l'équilibre de cette communauté est précaire. Vous pouvez faire des suggestions pour le bien commun ... mais ne remettez plus jamais en cause mes décisions en public.", mais qui n'enlève pas pour autant à Rick son rôle dans la communauté : à tort ou à raison ?
A noter que ce souci d'adaptation est commun à toutes les autres personnes du groupe de Rick, ils sont tous plus ou moins perdus dans ce semblant de normalité.
A ce propos, il est aussi ici question de la différence qu'il y a entre cette communauté ayant perdu l'habitude de côtoyer de trop près les zombies et vivant dans un relatif confort avec le groupe de Rick qui a lui survécu pendant plus d'un an à l'extérieur, ces personnes savent s'imposer et ont clairement une autre approche d'entraide que ceux de la communauté : "Ils n'ont pas besoin de moi. Ils ont besoin d'un mec qui ne va pas se chier dessus à moins d'être épaule contre épaule à mitrailler avec ses potes. Ils ont besoin de plus. Ils méritent plus. Diriger l'équipe de construction ... je m'en tape. Abraham est mieux taillé que moi pour ça. C'est grâce à lui si on a déjà fini. Ces nouveaux, ce sont des durs ... ils ont vécu dehors. Affronté le danger. Ils apportent beaucoup à notre communauté.".
Mais que le lecteur se rassure, rien n'est polissé dans ce tome et si je trouvais le précédent très calme, ici ça déborde vite et la situation devient incontrôlable avec trois morts à la clé, et finalement un Rick qui se pose et énonce clairement les bonnes questions, sans doute la première fois depuis le début de la série, avec une réelle réflexion derrière : "Sait-on jamais qui on est vraiment ? Et si on le sait aujourd'hui, le savait-on avant qu tout ne commence ? En dehors de l'adversité, des difficultés, comment savoir qui on est ? Ce qui compte pour nous ? J'y pense beaucoup, depuis que je vis ici et que j'ai le temps de réfléchir. Ce que j'ai fait pour survivre, voilà ce qui définit ma personne. J'ai fait des choses pour protéger ma famille. Des choses dont je ne suis pas toujours fier. Est-ce que j'ai mal agi ? En d'autres circonstances, j'aurais fait différemment. Qui suis-je pour critiquer ?".
J'ai beaucoup apprécié ce tome, comme les précédents, car il sait mêler l'action à la réflexion, et l'étude des caractères des personnages est toujours poussée et finement analysée; mais j'ai constaté également que les auteurs semblaient quelque peu empressés de livrer la suite car ils passent bien vite sur un incident à mon sens notable : l'arrivée de nouvelles personnes souhaitant intégrer la communauté, et pas forcément des plus sympathiques ni avec les meilleures intentions du monde.
Y aurait-il donc un autre Gouverneur quelque part à proximité qui déciderait par la suite de se venger de ces morts ?
En attendant, la fin est ouverte et ne donne qu'une envie : celle de connaître la suite.
De plus, les auteurs ont de nouveau recours à l'utilisation de dessins pleine page, j'aime décidément beaucoup ce principe qui permet de vivre l'action de près et donne encore plus de mouvement à l'histoire.

"Point de non-retour" est un nouvel excellent opus à la série "Walking Dead", à tel point qu'il devient compliqué de trouver des qualificatifs élogieux qui n'ont pas déjà été utilisés pour louer cette série qui s'impose comme un incontournable de l'univers des comics de ces dernières années.

mardi 14 avril 2015

Top Ten Tuesday #96


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 citations qui vous inspirent

1) "Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis.", "Le petit prince" d'Antoine Saint-Exupéry;
2) "On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux.", "Le petit prince" d'Antoine Saint-Exupéry;
3) "Chaque lettre a une odeur, chaque verbe, un parfum. Chaque mot diffuse dans la mémoire un lieu et ses effluves. Et le texte qui peu à peu se tisse, aux hasards conjugués de l'alphabet et de la remembrance, devient alors le fleuve merveilleux, mille fois ramifié et odorant, de notre vie rêvée, de notre vie vécue, de notre vie à venir, qui tour à tour nous emporte et nous dévoile.", "Parfums" de Philippe Claudel;
4) "La passion devait se croire irrésistible, oublier politesse, tact et autres fléaux d'une nature raffinée. Par-dessus tout, elle devait aller, sans demander de permission, quand elle avait droit de passage.", "Avec vue sur l'Arno" d'E. M Forster;
5) "Si les rêves meurent en traversant les ans et les réalités, je garde intacts mes souvenirs, sel de ma mémoire.", "Une si longue lettre" de Mariama Bâ;
6) "Est-ce que le pape est digne d'avoir le mandat de Dieu sur la Terre, lui qui reste impuissant devant la violation la plus flagrante des lois du Christ ? Est-ce que les catholiques méritent le nom de chrétiens, alors que s'ils appliquaient les paroles du Christ, il ne devrait pas exister une chose qui s'appelle : différence de religion, et de races même ?", "Journal 1942-1944" d'Hélène Berr;
7) "La cage n'enferme pas l'oiseau. Elle lui offre la part de liberté qui lui convient.", "Petits oiseaux" de Yôko Ogawa;
8) "Refaire sa vie, quelle expression ... S'il y a une chose qu'on ne puisse refaire, une chose qu'on ne puisse recommencer, c'est bien sa vie.", "Auschwitz et après - Mesure de nos jours" de Charlotte Delbo;
9) "Les seuls gens qui existent sont ceux qui ont la démence de vivre, de discourir, d'être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller.", "Sur la route" de Jack Kerouac;
10) "Il est hors de question de vivre avec des regrets rien que pour rassurer des gens qui n'ont pas le culot de vivre.", "Instinct primaire" de Pia Petersen.

mercredi 8 avril 2015

Le manteau de Greta Garbo de Nelly Kaprièlian


En décembre 2012, la garde-robe de l’icône la plus secrète de l’histoire du cinéma a été exposée durant trois jours, puis vendue aux enchères à Los Angeles. Huit cents pièces. Les vêtements d’une femme peuvent-ils raconter une vie, éclairer ses mystères ? Pourquoi Greta Garbo achetait-elle des centaines de robes alors qu’elle n’en portait aucune, ne se sentant bien que dans des tenues masculines ? S’habille-t-on pour se travestir et se mettre en scène dans un rôle rêvé ? Pour donner une image de soi acceptable ou démentir une place assignée ? Pour séduire ou pour déplaire ? Se fondre dans une société ou s’y opposer ? Quels désirs secrets et enfouis, quelles pulsions obscures et inavouables, fondent-ils notre goût, notre style ? ''Et moi-même, pourquoi avais-je acheté, lors de cette vente, le manteau rouge de Greta Garbo, alors qu’il n’était pas mon genre ? Ce qui devait être un essai s’est peu à peu mué en roman : les vêtements racontent ces fictions que sont nos identités, et donnent à lire les narrations, souvent mystérieuses, que sont nos vies.'' (Grasset)

Chose rare, pour une fois je vais parler littérature et fripes, car ici la réflexion tourne autour du vêtement, particulièrement le manteau rouge de Greta Garbo, de son rôle dans notre vie quotidienne, mais aussi de l’utilisation qui en est faite au cinéma ou dans la littérature.
Vaste réflexion, d'autant que lorsque j'ai ouvert ce livre je ne savais pas trop à quoi m'attendre, hormis que la vente de la garde-robe de Greta Garbo aux enchères à Los Angeles en décembre 2012 était le point de départ de ce récit.
La narratrice a vécu cette vente aux enchères, elle en est d'ailleurs reparti avec un manteau rouge ayant appartenu à "La Divine".
Au début, cette narratrice se questionne beaucoup sur cette garde-robe aussi conséquente et remplie de vêtements que Greta Garbo n'a que peu voire pas portés, particulièrement s'agissant de robes : "Alors pour qui, pour quoi les avait-elle achetées ? Pour la femme qu'elle aurait aimé être, pour une vie qu'elle n'avait pas, une vie "rêvée" se déroulant ailleurs, dans le scénario mental où elle se mettait elle-même en scène ? Ou pour correspondre à une image acceptable, pour se travestir en une autre, ou parce que, pendant le demi-siècle où elle n'a plus tourné, elle continuait de s'appréhender comme une actrice, avec à sa disposition la réplique maladroite du département costumes de la MGM ?", puis cela dérive sur une analyse du rôle de la mode de nos jours et de l'utilisation que nous faisons des vêtements : "L'époque avait engendré trois phénomènes qui fonctionnaient ensemble : le clonage, la mode à échelle industrielle, le spectacle qui envahit tout.", en passant par le lien entre vêtement chez la femme et séduction ; "Je suis devenue, par les vêtements, le produit de synthèse des désirs de tous les hommes que j'ai aimés.", en finissant sur une ouverture plus large pour s'interroger sur le pourquoi du besoin d'acheter des vêtements : "Pourquoi s'achète-t-on des vêtements ? Pour plaire, séduire, piéger l'autre sexuellement, pour jouer le jeu social qu'on s'est choisi ou qu'on nous a assigné ? Pour changer de peau et devenir une autre, se mettre en scène mentalement dans une vie parfaite ? Se faire belle ou s'enlaidir, se rendre attirante ou repoussante, ou se parer d'une armure ou encore vouloir être déshabillée ?".
Je ne sais si je dois remercier Nelly Kaprièlian ou la narratrice ou les deux, mais toute cette réflexion m'a fait m'interroger sur ma garde-robe, sur la raison de la présence dedans de certaines pièces que j'ai peu portées, voire que je n'ai toujours pas portées parce que je les ai achetées pour une raison précise ou un état émotionnel particulier et que depuis je n'ose pas franchir le pas.
Autant dire que ça a beaucoup cogité pendant ma lecture, d'autant plus que l'auteur n'arrête pas son analyse aux vêtements mais s'intéresse aussi au cinéma, à la femme chez Alfred Hitchcock par exemple, ainsi qu'à la littérature, je retiens notamment l'analyse intéressante qu'elle fait de "Rebecca" de Daphné du Maurier ainsi que du travail même de création chez cette auteur.
Ces analyses me parlaient parce que je connaissais les œuvres, que je les appréciais, et aussi parce que je ne m'attendais pas forcément à les trouver dans ce roman, ou ce récit, ou cette semi-autobiographie, en fait je ne sais trop quelle appellation correspond à ce livre.
Ce sont des passages que j'ai appréciés, tout comme ceux, nombreux, consacrés à Greta Garbo, d'ailleurs j'ai grandement envie de découvrir les œuvres cinématographiques de cette actrice, mais je dois aussi reconnaître qu'à un moment donné Nelly Kaprièlian m'a perdue au milieu de toute cette réflexion parfois décousue et j'ai décroché, je l'ai laissé toute seule dans son questionnement philosophique et métaphysique sur le vêtement, ce bout de tissu que nous revêtons tous les jours.
Mais j'ai fini par rattraper les wagons, et pourtant je ne sais trop que dire sur la fin ... à part que je ne m'attendais absolument pas à ça, et que je suis bien incapable de dire s'il faut crier au génie ou à la faute de goût.
Remarquez, cette question vaut aussi pour ce livre qui est la première publication de Nelly Kaprièlian, d'ordinaire critique littéraire aux Inrockuptibles et à l'émission radio Le masque et la plume.

"Le manteau de Greta Garbo" est un livre difficilement classable qui a le mérite de pousser à la réflexion au cours de sa lecture et grâce auquel je continue à m'interroger bien longtemps après l'avoir refermé.
Ce questionnement est-il néanmoins suffisant pour le classer comme un livre marquant ?
Je n'en suis pas certaine et je continue de m'interroger s'il est toujours judicieux qu'un critique littéraire se décide à tenir la plume, le résultat n'est pas forcément celui qu'escompte le lecteur qui le connaît en tant que critique et non auteur.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015

mardi 7 avril 2015

Ava préfère l'amour de Maïté Bernard


Ava est sortie du coma et elle est bien décidée à confronter Victoire, sa mère. Pourquoi lui a-t-elle toujours caché qu'elle aussi voyait les fantômes? Poussée à bout par son refus de parler, Ava décide de mener l'enquête sur le passé de Victoire avec ses amis fantômes. Qu'est-il arrivé à sa mère quand elle avait son âge sur l'île d'Aurigny ? S'il faut mentir, voler, et même fuguer pour avoir les réponses, Ava est prête à oublier qu'elle est sage, discrète et bien élevée, et à faire la plus grosse bêtise de sa vie. (Syros Jeunesse)

Comme il n'était pas envisageable que je n'ai pas très vite la résolution du suspens sur lequel se clôt le troisième tome, je me suis précipitée pour emprunter à la bibliothèque le quatrième volume des aventures de l'apprentie consolateur (trice ?) de fantômes.
Grand bien m'en a pris, car j'ai pu ainsi découvrir ce qu'il advenait d'Ava et de ses amis, vivants ou morts.
Si j'avais trouvé quelques faiblesses et quelques longueurs au troisième tome, ce quatrième est moins volumineux et va nettement plus à l'essentiel, sans s'encombrer des quelques lourdeurs liées aux amourettes d'Ava.
Ava continue de grandir et commence à se poser des questions sur son avenir, notamment sur le fait de concilier sa vie sentimentale avec son statut de consolateur, mais aussi avec sa scolarité et ses études : "Vivre à Jersey, telle était la question centrale. Vivre là où elle était censée passer le reste de son existence. Elle sentit un mélange d'affolement et d'excitation. C'était trop tôt, elle avait tant de choses à faire et à voir, et elle s'aperçut qu'elle avait toujours pensé qu'elle ferait ses études avant de revenir ici définitivement.".
Ici, des décisions commencent à s'esquisser et vont devoir trouver leur résolution à plus ou moins court terme, en tout cas c'est bien pensé de la part de l'auteur de faire s'interroger son héroïne, car tout ne peut pas être évident avec sa condition.
J'ai également apprécié que ce tome apporte un nouveau souffle à l'histoire avec un rebondissement inattendu : Ava découvre que sa mère a elle aussi la faculté de voir les fantômes.
Sauf que cette dernière ne lui en a jamais parlé et refuse presque de le reconnaître, ce qui va pousser Ava hors de ses limites et l'amener à prendre quelques libertés et faire quelques "bêtises".
Il était temps que la trop sage Ava sorte un peu de ses gonds et gomme cet aspect trop lisse de sa personnalité, d'autant plus qu'à son âge on a tendance à être en conflit avec les décisions de ses parents, ce qui arrive enfin pour Ava, il faut dire que c'est aussi la première fois depuis le début de la série que ses deux parents apparaissent dans le récit.
J'ai beaucoup aimé toutes ces relations, ces conflits, l'interaction d'Ava avec ses parents et les secrets de sa mère, le cadre familial manquait un peu depuis le début et contribue ici à mettre Ava face à des difficultés futures : comment concilier son rôle de consolateur avec une vie d'apparence normale.
Ce quatrième tome est bien rythmé, il y a beaucoup d'action, les personnages évoluent énormément et l'auteur a décidé de redonner la part belle aux fantômes, ce qui faisait un peu défaut dans le précédent.
Harald revient au premier plan ainsi que l'étrange relation qu'il entretient avec Ava, et le lecteur peut mieux percevoir la relation qui lie ces deux personnes, Harald est plus un mentor pour Ava que Cecilia ne pourra l'être : "Ce n'était pas exactement rassurant, mais Harald n'était pas exactement une peluche, et c'était tout le réconfort qu'il lui apporterait.", pourtant la vieille dame apporte elle aussi quelque chose à la jeune fille.
La série a donc retrouvé un nouveau souffle et la fin laisse envisager de belles perspectives d'avenir pour les différents personnages, par contre j'ai eu un léger pincement au cœur quand j'ai découvert que le prochain tome à paraître serait aussi le dernier.
Ma foi, toutes les bonnes choses doivent avoir une fin.

Avec "Ava préfère l'amour" j'ai complètement renoué avec cette très bonne série littéraire dont il me tarde désormais de découvrir le cinquième et dernier tome qui devrait être publié en 2015.

Top Ten Tuesday #95


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.

Les 10 personnages à qui vous aimeriez pouvoir parler pour savoir ce qu'ils sont devenus après la fin d'un livre ou d'une série

Je vais finir sur le canapé d'un psy ...

1) Les Shingouz;
2) Valérian et Laureline;
3) Nicolas le Floch (surtout parce que j'aimerai savoir ce qu'il va devenir);
4) La nouvelle Mrs de Winter de "Rebecca";
5) Zabo de la série "Les passagers du vent";
6) Scarlett O'Hara;
7) Thomas et Prudence Beresford;
8) Yann de Kermeur (idem, j'aimerai savoir ce qu'il va devenir);
9) Astérix;
10) Argan du "Malade imaginaire".

lundi 6 avril 2015

A trois on y va de Jérôme Bonnell



Charlotte et Micha sont jeunes et amoureux. Ils viennent de s’acheter une maison près de Lille pour y filer le parfait amour. Mais depuis quelques mois, Charlotte trompe Micha avec Mélodie… Sans rien soupçonner, se sentant toutefois un peu délaissé, Micha trompe Charlotte à son tour… mais avec Mélodie aussi ! Pour Mélodie, c’est le vertige. Complice du secret de chacun. Amoureuse des deux en même temps… (AlloCiné)


Il y a eu "Jules et Jim" de François Truffaut, un modèle du genre dans le trio amoureux; "César et Rosalie" de Claude Sautet, plus récemment "Les chansons d'amour" de Christophe Honoré, aujourd'hui c'est au tour de Jérôme Bonnell de revisiter le trio amoureux avec "A trois on y va".
De Jérôme Bonnell j'avais beaucoup aimé "Le temps de l'aventure", là aussi une histoire d'amour mais cette fois-ci de tromperie d'une femme en couple avec un inconnu Britannique croisé le jour même, un coup de foudre en somme.
Ici, il est toujours question d'amour, à croire que Jérôme Bonnell se spécialise dans le film romantique, et notez bien que ceci n'est absolument pas un reproche, mais c'est un peu plus compliqué.
Charlotte (Sophie Verbeek) et Micha (Félix Moati) sont jeunes, ils s'aiment, ils viennent d'acheter une maison ensemble, l'avenir leur sourit, sauf que depuis quelques mois la passion du début s'est un peu éteinte, Charlotte trompe Micha avec une de leurs amies, Mélodie (Anaïs Demoustier), le souci c'est que Micha se met lui aussi à tromper Charlotte ... avec Mélodie !


Mélodie porte bien son nom, elle enchante la vie de Charlotte et de Micha, elle leur redonne une musicalité qu'ils ne connaissaient plus, et elle-même se laisse étourdir par cette symphonie et entraîner dans un tourbillon qui pourrait la dépasser.
J'en parle bien au conditionnel car Mélodie ne va à aucun moment se laisser submerger, elle va perdre pied, un peu, elle va se retrouver le cul pris entre deux chaises comme on dit, mais elle va rester intègre dans ses sentiments, essayer de ménager la chèvre et le chou sans blesser qui que ce soit ne se perdre en cours de route.
On aurait pu craindre l'ennui avec une énième déclination du trio amoureux au cinéma, ce n'est pas le cas, d'autant que ce film se démarque des autres du même genre par un ton plus léger, des quiproquos et des séquences qui prêtent à sourire.
Je redoutais le drame, j'ai été plutôt surprise par la fin à laquelle je ne m'attendais pas forcément.
C'est une histoire gentille qui m'a permis de passer un bon moment au cinéma, j'ai pu revisiter le Nord et ses plages (ça change de la Côte d'Azur), c'est une bonne mise en bouche pour un printemps qui a commencé sous le signe de la pluie et de la grisaille.
Ne nous voilons pas la face, ce qui porte ce film aussi haut, c'est la magie des trois acteurs principaux et la qualité irréprochable de leur jeu.
J'ai découvert Anaïs Demoustier il y a peu et bien je le regrette car c'est une actrice de la nouvelle génération vraiment intéressante, qui ne se cantonne pas à un seul type de rôle et qui sait prendre des risques.
Elle porte en tout cas le personnage de Mélodie bien haut.
Je ne connaissais pas forcément Félix Moati mais il sort très bien son épingle du jeu dans le rôle de cet homme partagé entre deux femmes.
Mais la grande révélation de ce film, c'est Sophie Verbeek, elle dégage quelque chose à l'écran et je lui pressens un grand avenir dans le cinéma.
La mise en scène de Jérôme Bonnell est à l'image de l'histoire : coquine par moment elle sait saisir sur le vif les sentiments de chacun et dégage, comme dans son précédent film, beaucoup d'émotions qui arrive à pénétrer le spectateur.


"A trois on y va" de Jérôme Bonnell est une agréable comédie romantique plaisante à voir en ce début de printemps et qui donne du baume au cœur quand on ressort de la séance et l'envie d'être amoureux, si ce n'est pas déjà le cas.





Walking Dead Tome 12 Un monde parfait de Robert Kirkman et Charlie Adlard


Washington enfin ! Le voyage aura été long, semé d'embûches et de drames. Avant la conclusion de ce périple, l'un des compagnons de Rick se révélera être autre chose que celui qu'il prétendait être. Une fois la colère passée, l'espoir renaît néanmoins avec l'apparition providentielle d'une communauté visiblement épargnée par le fléau qui ravagea l'humanité voici un an déjà. Une étape décisive ! (Delcourt)

Comme le lecteur peut vite le constater, l'état psychologique de Rick ne s'est pas arrangé, et il ne faudrait pas se fier trop longtemps à ses discours de repenti, d'homme ayant mûri de ses décisions passées, de bon père de famille qui sait ce qui est le mieux pour son fils dans un monde où le chaos règne : "Je fais des choses ... mauvaises ... pour vous aider, toi et les autres membres du groupe. En grandissant, tu devras sûrement en faire aussi. La voilà, notre vie, maintenant ... mais, Carl, n'oublie jamais ... quand on fait ce genre de choses, et même si on reste des gens biens ... ça reste des mauvaises choses.", parce que Mister Hyde n'est à mon avis pas très loin.
Mais pour l'instant tout est formidable, le groupe de Rick, après avoir été observé, va être amené par une personne à un endroit préservé où la vie a repris son cours et où les survivants se sont organisés.
Bienvenue à Pleasantville !
Des maisons, des jardins avec des fleurs, des personnes accueillantes, souriantes, un leader charismatique, des enfants qui jouent, c'est dans cet univers incroyable que le groupe de Rick arrive.
Mais certains n'y croient pas vraiment, à commencer par Rick, mais c'est surtout Carl qui doute le plus et qui a le plus de mal à s’adapter : "Les déguisements, les bonbons ... tout le monde fait comme si rien ne s'était passé. Ils sont tous nuls. Les rôdeurs sont toujours là même si on ne les voit plus. Je déteste cet endroit, p'pa. Il est bidon. Comme si tout le monde faisait semblant".
Parce que Rick finit par être enchanté par le lieu, il s'y voit vieillir avec Carl, tout est beau, magnifique, merveilleux, les oiseaux chantent, les zombies ne sont qu'un lointain souvenir et bientôt Rick se trouve le seul à y croire à fond : "Suis-je le seul à me dire que ça pourrait vraiment durer ? C'était moi, le sceptique ... qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi on ne pourrait pas passer nos vies ici ? C'est impossible ?".
Mais comme je le disais, Mister Hyde ne tarde pas à surgir, car c'est effectivement très beau tout ça, et Rick est bien décidé à conserver ce paradis et n'hésitera pas à planter un couteau dans le dos des mêmes personnes qui l'ont recueilli : "Je me fous de ce qu'ils disent. Cet endroit est trop important ... je ne prendrai aucun risque. Je veux nos armes ... et tu vas nous les ramener.".
Après autant de morts, d'horreur, de danger, cet havre de paix est incroyable, et il n'y a pas que le groupe de Rick qui soit surpris, le lecteur l'est aussi.
Mais l'avantage qu'il a, c'est qu'il commence aussi à voir qu'il y a un envers du décors et que tout n'est peut-être pas aussi rose qu'on voudrait bien le laisser paraître.
Je ne me fais pas d'illusions car je commence à avoir l'habitude avec cette série : tout ceci n'est que le calme avant la prochaine tempête.
Il n'empêche, c'est amusant de suivre les personnages qui retrouvent un semblant de vie et qui abandonnent vite la carapace qu'ils se sont forgés pour retrouver leur comportement d'antan.
"Chassez le naturel et il revient au galop", comme on dit.
Une nouvelle fois, l'intérêt de cette série ne repose pas exclusivement sur l'histoire mais aussi sur le traitement qui est fait des différents personnages.
Après les avoir confrontés à l’innommable, les auteurs les ramènent brusquement dans un semblant de normalité et de calme, autant dire que c'est sans doute plus violent que de combattre au quotidien des zombies.
Et puis c'est aussi le début de l'affrontement de deux clans : celui de Rick et celui de Douglas Monroe, ancien élu de l'Ohio.
Pour l'instant ils se regardent en chien de fusil et se reniflent mais des conflits ont déjà commencé à surgir et ne sont à mon avis pas prêts de s'arrêter.
De toute façon dans cette querelle d'ego à venir, il va y avoir un vainqueur et un perdant, reste à savoir comment les cartes seront rebattues par les auteurs.
J'avoue que ce repos était bien mérité et appréciable, mais j'ai surtout hâte de connaître la suite.

"Un monde parfait", douzième tome de la série "Walking Dead", porte extrêmement bien son nom et pour en deviner l'ironie il faut avoir lu ce tome qui propose un semblant de calme, mais à quand la prochaine tempête ?

dimanche 5 avril 2015

Une année douce-amère de Pascale Maret


En 1943, sous l'Occupation, l'école du village accueille des têtes nouvelles, venues de loin : des citadins que les parents mettent à l'abri des restrictions et des bombardements, des Juifs aussi. Le village et ses environs sont un de ces lieux où l'on accueille les réfugiés sans poser de questions, et où l'on protège les enfants des rafles successives. La majorité des habitants, protestants, a gardé le souvenir amer des persécutions passées. Parce qu'il est amoureux d'Édith, Émile se lance dans la résistance active et, malgré les dangers, la vie prend les couleurs de l'aventure... (Editions Thierry Magnier)

L'histoire se passe en 1943, dans la région de la Haute-Loire, dans un petit village en apparence tranquille qui accueille pourtant depuis plusieurs mois des personnes réfugiées et des Juifs dont certains, comme Edith, ont vu leur famille arrêtée et partie pour une destination inconnue.
Emile est un jeune garçon pour qui la guerre est quelque chose de loin car ne le touchant pas directement, hormis par le biais de son frère qui appartient à un groupe de résistance, mais qui va changer de position et décider de s'engager lui aussi dans la résistance car le charme et la fragilité d'Edith ne le laissent pas indifférent.
Il commence par effectuer des transmissions de messages : "Va pas croire que tu fais partie du groupe, sous prétexte que tu as donné un coup de main avant-hier.", puis de petites missions : "Tout cela n'était guère héroïque, et semblait n'avoir de rapport que très loin avec le sort d'Edith. Néanmoins, en me couchant ce soir-là, j'ai eu le sentiment d'avoir accompli quelque chose pour elle.", jusqu'à être arrêté.
Mais malgré le danger, la vie prend alors pour lui la couleur de l'aventure et lui permet aussi de grandir et d'apprendre à imposer ses choix : "J'avais décidé de ne plus renoncer à mes rêves, à aucun de mes rêves.".

Ce roman pour la jeunesse est particulièrement intéressant car l'auteur s'est documentée pour la trame de fond sur des faits s'étant passés au Chambon-sur-Lignon durant la Seconde Guerre Mondiale.
Outre l'amourette entre Edith et Emile qui donne naissance à l'histoire, c'est surtout le prétexte pour faire découvrir à un jeune public les conditions de vie durant les années 1939-1945, les implications des engagements dans la résistance, particulièrement pour les jeunes gens, et des répressions faites sur ces mêmes résistants par le IIIè Reich ou la milice.
Ce roman propose un point de vue intéressant et plaira sans doute aux jeunes gens dans la tranche d'âge d'Emile, ils peuvent assez facilement s'identifier à lui et même si ses soucis ne sont plus les mêmes que ceux d'aujourd'hui son acte d'engagement est lui universel et intemporel.
Le personnage d'Emile évolue au cours du récit, il s'engage, à sa façon défend son pays, grandit, arrive à imposer ses envies et non plus subir celles de ses parents.
Il se découvre surtout lui-même, sa période d'emprisonnement l'aidant à mûrir, reste attaché à sa terre d'origine mais a aussi des envies d'ailleurs qui le titillent : "Je sentais que j'appartenais à cet endroit et que toujours, quoi qu'il arrive, j'y reviendrais. Mais je savais aussi que j'avais soif d'autres horizons. Je me suis promis à cet instant, assis au bord du petit ruisseau, de connaître un jour les villes, de faire de grands voyages, de vivre autrement. "Quand la guerre sera finie" avait dit Lucien. Je n'arrivais pas à imaginer l'avenir.".
S'il n'arrive pas à imaginer l'avenir il l'incarne en tout cas très bien, il est à la fois ouvert sur les autres et sans a priori sur les Allemands, dont il va croiser la route de certains; il incarne ainsi la réconciliation et les premières esquisses de l'Europe.
A mon sens, ce livre doit être intéressant à étudier en classe, à partir de 12/13 ans.
Maintenant je l'ai aussi lu avec un regard d'adulte et donc un peu plus critique. Et s'il présente assez bien la résistance et les maquisards, ce récit ne rentre toutefois pas trop dans les détails, par contre l'auteur fait dire un peu trop souvent à mon goût aux personnages que les Juifs sont déportés dans des camps et exterminés.
Si les gouvernements Britannique et Américain savaient, beaucoup d'informations plus ou moins fiables ont circulé pendant la guerre et si des Français le savaient et/ou avaient des doutes, beaucoup se refusaient à y croire, alors j'imagine que dans un coin de France aussi reculé il y avait peu de chance pour que tout le réseau de résistance et le maquis soient aussi bien informés (surtout lorsque l'on sait les difficultés qu'ont eu les maquis pour obtenir des parachutages d'armes de la part des Britanniques notamment).
Dommage que l'auteur n'ait pas pensé en écrivant à se projeter à l'époque et non aujourd'hui avec la connaissance que nous avons désormais de l'Histoire.
C'est le seul bémol qui vient nuancer mon avis sur ce livre, et il passera sans doute inaperçu de la part d'un public jeune, après tout l'important c'est de permettre de leur faire découvrir cette période de l'Histoire de la France et d'en parler avec eux.

"Une année douce-amère" de Pascale Maret est un roman jeunesse assez bien écrit s'intéressant à la résistance, au maquis et à l'engagement de jeunes gens dans la lutte pour la libération de la France durant la Seconde Guerre Mondiale, il prône des valeurs de courage, de solidarité, je le conseille à partir de 12/13 ans.

Big Eyes de Tim Burton



BIG EYES raconte la scandaleuse histoire vraie de l’une des plus grandes impostures de l’histoire de l’art. À la fin des années 50 et au début des années 60, le peintre Walter Keane a connu un succès phénoménal et révolutionné le commerce de l’art grâce à ses énigmatiques tableaux représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. La surprenante et choquante vérité a cependant fini par éclater : ces toiles n’avaient pas été peintes par Walter mais par sa femme, Margaret. L’extraordinaire mensonge des Keane a réussi à duper le monde entier. Le film se concentre sur l’éveil artistique de Margaret, le succès phénoménal de ses tableaux et sa relation tumultueuse avec son mari, qui a connu la gloire en s’attribuant tout le mérite de son travail. (AlloCiné)


Pour son grand retour au cinéma, Tim Burton a choisi de présenter un biopic, c'est-à-dire un film inspiré d'une histoire vraie.
Ici, il s'agit de raconter la scandaleuse imposture des années 50 et 60 dans le milieu de la peinture américaine, où le peintre Walter Keane (Christoph Waltz) a connu le succès avec des toiles représentant des enfants malheureux avec des yeux immenses, alors que les peintures étaient en réalité l'oeuvre de sa femme, Margaret Kean (Amy Adams).
Alors, grand retour au cinéma de Tim Burton ou échec ?


J'ai bien envie de dire ni l'un ni l'autre, clairement ce n'est pas un film majeur de Tim Burton, il n'a pas pris de risques avec, d'ailleurs cela fait quelques années que ce n'est plus le cas, mais ce film n'est pas non plus bon à jeter aux orties, il y a tout de même quelques aspects sympathiques dedans.
Tim Burton, ou les conseilleurs marketing qui l'entourent, présente(nt) ce film comme racontant la plus grande escroquerie de l'histoire de l'art, en étant très honnête je n'en avais jamais entendu parler jusque-là, et je pense que c'est aussi le cas dans beaucoup de pays, voire même dans une bonne partie des Etats-Unis.
Mais tout l'intérêt du biopic ne réside pas dans ce scandale mais plus dans l'analyse qui est faite de la personnalité de Margaret.
De femme fuyant son premier mari avec sa fille et emportant avec elles ses premières toiles, elle tombe vite sous le joug d'un autre homme qu'elle épouse pour se sortir d'une situation délicate, poussée par ce dernier elle peint de plus en plus et s'éveille à son art, ses tableaux connaissent et un succès fou et s'arrachent comme des petits pains, enfin surtout les reproductions en papier dont son mari a la géniale idée de lancer le concept.
La relation tumultueuse qu'elle entretient avec son mari est au cœur de l'histoire, d'ailleurs j'ai plus vu ce film comme l'histoire de l'émancipation d'une femme tombée entre les mains d'un manipulateur, pour ne pas dire pervers narcissique, que comme un manifeste en faveur de l'art de Margaret Keane.
Ils sont jolis les tableaux de Margaret Keane, ils ont une forme d'expression très particulière, mais ça s'arrête là.
Par contre le parcours de la femme en elle-même est très intéressant et c'est sans doute l'aspect le plus intéressant de ce film.
Si j'ai pu retrouver au début quelques touches de l'univers de Tim Burton, notamment la jolie ville de banlieue qui n'est pas sans rappeler celle d' "Edward aux mains d'argent", il n'y a pas grand chose dans ce film de la magie si chère à ce réalisateur lors de ses débuts.
Hormis à un moment où Margaret se met à voir les gens avec les mêmes grands yeux qu'elle peint, il n'y a pas de côté fantastique à ce film, pas de moments de grande tendresse et d'émotion, et c'est regrettable car Tim Burton finit par s'installer dans des pantoufles bien confortables et reste assis dans son fauteuil au coin du feu, dommage car il a montré par le passé qu'il pouvait faire bien mieux et plus original.
D'ailleurs, la mise en scène est tout ce qu'il y a de plus classique.
Et c'est une grosse erreur que d'avoir choisi en voix de narration un personnage secondaire qui n'a que peu d'importance dans le récit (à moins que d'autres scènes où il apparaissait ait été coupées au montage).
Là où le film se reprend, c'est du côté du casting.
J'ai apprécié la prestation d'Amy Adams, tout comme celle de Christoph Walt dont certains pourraient dire qu'il surjoue mais pour ma part il livre une bonne prestation donnant lieu à quelques scènes hilarantes, notamment celle du procès à Hawaï.
Et il y a des rôles secondaires intéressants, je pense particulièrement à celui de DeeAnn (Krysten Ritter), l'amie de Margaret Keane qui l'héberge à son arrivée à Los Angeles.
En somme, Tim Burton a su être bien conseillé pour le casting, pour le scénario j'espère qu'il saura faire preuve d'un peu plus d'imagination pour son prochain film.


"Big Eyes" est un cru moyen de Tim Burton, un film sympathique sans prétention aucune mais manquant d'un grain de folie saupoudré de tendresse comme le réalisateur a su le faire par le passé.
Un moment de divertissement au cinéma mais qui ne restera pas forcément dans les annales.