Mildred et Richard Loving s'aiment et décident de se marier. Rien de plus naturel – sauf qu'il est blanc et qu'elle est noire dans l'Amérique ségrégationniste de 1958. L'État de Virginie où les Loving ont décidé de s'installer les poursuit en justice : le couple est condamné à une peine de prison, avec suspension de la sentence à condition qu'il quitte l'État. Considérant qu'il s'agit d'une violation de leurs droits civiques, Richard et Mildred portent leur affaire devant les tribunaux. Ils iront jusqu'à la Cour Suprême qui, en 1967, casse la décision de la Virginie. Désormais, l'arrêt "Loving v. Virginia" symbolise le droit de s'aimer pour tous, sans aucune distinction d'origine. (AlloCiné)
Tout commence en soirée, deux jeunes gens sont assis, très proches l'un de l'autre, quand la femme lui annonce qu'elle est enceinte.
Lui, tout de suite, s'émerveille, se réjouit. Quelques jours plus tard, il l'amène sur un terrain qu'il vient d'acheter et l'informe qu'il va lui construire une maison.
Puis il va l'épouser, dans le district voisin de Columbia.
Et là, les ennuis commencent pour l'un comme pour l'autre.
Car lui c'est Richard Loving (Joel Edgerton), un homme blanc, et elle Mildred Jeter (Ruth Nega), une femme noire.
Ils habitent l'Etat de Virginie, état ségrégationniste, nous sommes en 1958, ils n'ont ni le droit de s'aimer, ni de se marier, ni de vivre sous le même toit, ni d'avoir des enfants.
Condamnés à de la prison par l'Etat de Virginie, suspensive si les Loving quittent l'Etat et n'y reviennent jamais, c'est ce qu'ils choisissent.
Mais ne voulant pas vivre en ville et loin de leur famille, ils finissent par porter l'affaire devant les tribunaux.
Parce que Mildred a écrit au sénateur Bobby Kennedy, son cas a été rapporté à l'American Civil Liberties Union qui offre, gratuitement, au couple deux avocats pour défendre leur cause : Bernie Cohen (Nick Kroll) et Phil Hirschkop (Jon Bass).
Richard et Mildred Loving portent donc leur affaire devant les tribunaux, ainsi que devant la presse pour laquelle le couple sera photographié par Grey Villet (Michael Shannon), jusqu'à la Cour Suprême qui, en 1967, casse la décision de l'Etat de Virginie dans un arrêt portant le nom de Loving vs. Virginia, l'Amour contre la Virginie, un arrêt qui autorise désormais le mariage inter-racial, et surtout le droit de s'aimer pour tous.
"We may loose small battles but win the big war."
La vie des Loving fut effectivement pendant près de 10 ans un combat, ou plutôt une somme de combats dont ils ont fini par remporter la victoire ultime.
J'ai découvert Jeff Nichols l'année dernière avec le très beau "Midnight Special", depuis la présentation de son dernier film à Cannes je trépignais d'impatience qu'il sorte enfin en salle, d'autant plus lorsque j'ai découvert qu'il était tiré d'une histoire vraie malheureusement trop peu connue.
Evidemment, je prenais le risque d'être déçue et bien non, ce film est une pure merveille et je vous rassure, la bande annonce, au passage très bien faite, ne dévoile pas toute l'histoire.
Cette histoire touche par sa beauté, surtout sa pureté : ces deux êtres s'aiment, ils se connaissent depuis toujours, Richard Loving a toujours vécu dans cette petite communauté au milieu des personnes de couleur, il ne comprend pas pourquoi des personnes jugent ce qu'il fait mal.
Richard Loving a une forme de naïveté pure qui dans ce cas n'est pas un défaut, au contraire de Mildred qui elle a plus le sens de la réalité.
D'ailleurs, elle fait mouche auprès des médias, elle est charismatique, brave sa peur et sa timidité pour parler simplement de son histoire d'amour, et elle fait mouche dans le cœur des gens.
Jeff Nichols change une nouvelle fois d'univers cinématographique et une fois de plus, il s'en sort haut la main.
Sa mise en scène est impeccable, il n'a pas besoin de donner une chronologie à son histoire, le spectateur comprend de lui-même les années qui filent.
Il filme de près ses deux acteurs principaux et rend parfaitement à l'image leur amour : Richard et Mildred sont souvent proches d'un de l'autre, tactiles, et lorsqu'ils ne le sont pas, ils échangent des regards qui en disent longs.
A les voir à travers la caméra de Jeff Nichols leur histoire d'amour est évidente, pourtant dans le contexte historique elle ne l'était pas.
Le réalisateur s'est aussi attaché à être le plus proche possible de ces personnes ayant réellement existé, il suffit de regarder des photographies du film et de les comparer à celles des Loving pour être frappé par la ressemblance physique.
Il est là le génie de Jeff Nichols, au lieu de filmer du pathos ou une lutte pour obtenir des droits il propose la vie somme toute ordinaire d'un couple, à travers leurs gestes quotidiens et leur tendresse mutuelle.
Et c'est avec cette simplicité qui n'était pourtant pas gagnée de prime abord qu'il rend le plus bel hommage possible à ce couple.
"Tell the judge I love my wife."
Ce film ne brille seulement par sa mise en scène, il doit également beaucoup aux acteurs dont un Joel Edgerton formidable dans son interprétation du taciturne Richard Loving, un homme d'action plus que de parole mais d'honneur envers sa femme et ses enfants.
Mais la révélation, pour ne pas dire la perle de ce film, c'est Ruth Nega, formidable de retenue et qui pourtant impose sa présence face à la caméra.
Il n'est pas étonnant qu'elle soit nominée à l'Oscar de la meilleure actrice, son interprétation est saisissante et ce fut une révélation pour ma part.
Je ne saurai dire si Jeff Nichols est un génie, il est en tout cas un réalisateur très talentueux à qui il a suffi d'un premier jet pour finaliser son scénario et qui a opté pour le réalisme dans sa façon de filmer et de recréer les personnages.
Certains jugeront peut-être ce film comme classique, pour ma part j'ai été touchée par sa mise en scène et par l'interprétation des acteurs dans une histoire qui évidemment ne peut que toucher, d'autant que lorsque l'on y réfléchit bien, cela se passait il n'y a pas si longtemps que ça.
A travers "Loving", Jeff Nichols ne se contente pas de faire connaître la très belle histoire des Loving, il continue d'ausculter les différentes facettes de l'Amérique comme dans son précédent film, et peut-être ses deux premiers qu'il me tarde de découvrir.
Dans tous les cas, "Loving" mérite bien le déplacement et restera longtemps dans mon cœur.
Richard et Mildred Loving, The Crime of Being Married, Life Magazine du 18 mars 1966, photographiés par Grey Villet
Richard et Mildred Loving en 1967