jeudi 16 février 2017
L'amie prodigieuse - Celle qui fuit et celle qui reste d'Elena Ferrante
Pour Elena, comme pour l’Italie, une période de grands bouleversements s’ouvre. Nous sommes à la fin des années soixante, les événements de 1968 s’annoncent, les mouvements féministes et protestataires s’organisent, et Elena, diplômée de l’École normale de Pise et entourée d’universitaires, est au premier rang. Même si les choix de Lila sont radicalement différents, les deux jeunes femmes sont toujours aussi proches, une relation faite d’amour et de haine, telles deux sœurs qui se ressembleraient trop. Et, une nouvelle fois, les circonstances vont les rapprocher, puis les éloigner, au cours de cette tumultueuse traversée des années soixante-dix. (Gallimard)
Lila a donc quitté son mari avec son fils pour partir vivre avec Enzo et travailler dans une usine de salaison, quand Elena le découvre elle en est catastrophée : "Et je souffre en pensant à comment elle se gâche !".
Car Elena, malgré la publication et le succès de son livre, souffre toujours de cette comparaison qu'elle s'impose par rapport à Lila et dont elle ressort toujours vaincue : "Pour sûr, Lila était fausse et ingrate, et quant à moi, malgré tout ce qui avait changé, je continuais à lui être inférieure.".
Si Elena et Lila vont connaître des tourments, se rapprocher pour mieux s'éloigner, il en va de même de l'Italie des années 60 où s'amorcent les mouvements féministes et protestataires.
La toile de fond de ce nouveau tome est l'Italie connaissant des bouleversements dans les années 60, à l'image de ce qui se passe à Paris en mai 1968, avec tout d'abord le parti communiste qui se renforce puis l'arrivée d'organisations marxistes dont les Brigades Rouges qui n'hésitent pas à frapper avec des actions terroristes.
C'est le premier reproche que je ferai à ce roman : la trame historique est intéressante mais pas assez explicitée pour qui ne connaît pas bien l'histoire de l'Italie dans les années 60/70, ce qui est mon cas.
On sent qu'il se passe des choses, on comprend à demi-mot mais pour une fois Elena, la narratrice, aurait pu s'attarder un peu plus longuement sur les événements politiques.
Et voilà le deuxième reproche que je ferai à ce récit, Elena est trop bavarde, elle s'enlise à raconter les mêmes événements et dans sa vie de femme mariée avec enfants : "Je languissais dans mon lit, frustrée par ma condition de mère de famille et de femme mariée; tout avenir me semblait prisonnier de la répétition des rites domestiques, que ce soit dans la cuisine ou dans le lit conjugal, et ce jusqu'à la mort.".
Si le personnage d'Elena se languit il en va malheureusement de même pour le lecteur pendant la première partie du récit.
Elena n'est plus que l'ombre d'elle-même, elle a écrit un livre et puis plus rien, elle devient une bonne épouse au foyer, puis a une première fille, puis une deuxième, et elle raconte ses longues journées chez elle à s'occuper de deux enfants et d'un mari qui ne lui consacre guère de temps tout comme à ses filles car il s'obstine à vouloir publier un deuxième roman, une obstination vaine car il reste campé sur ses positions, ne s'entend pas avec ses collègues, et ne laisse pas de temps à sa femme, je soupçonne d'ailleurs une jalousie de sa part à l'égard d'Elena.
Elena s'est transformée en femme au foyer désespérée, cherchant à séduire quelques hommes, mais c'est qu'elle a fini par me désespérer et limite m'exaspérer.
Pourtant, au début du roman j'avais bon espoir pour Elena qui venait de publier un roman et de couper quasi définitivement avec son ancien quartier de Naples : "Une fois mes études universitaires achevées, et après avoir écrit d'un trait un récit qui, à ma plus grande surprise, était devenu en quelques mois un livre, j'eux l'impression que le monde d'où je venais ne faisait que se détériorer davantage.".
Mais pour le coup Elena aussi se détériore, elle souffre même d'une dépression et finit par voir sombrement le monde : "Et aujourd'hui, c'est ainsi que je vois les choses : ce n'est pas notre quartier qui est malade, ce n'est pas Naples, c'est le globe terrestre tout entier, c'est l'Univers, ce sont les univers ! Le seul talent consiste à cacher et à se cacher le véritable état des choses.".
Sa relation avec Lila étant désormais téléphonique, l'interaction entre les deux personnages manquent finalement et n'offrent pas le même rythme que les deux précédents romans.
Il faut attendre le retour de Nino Sarratore pour que l'histoire reprenne vie ainsi qu'une nouvelle tournure avec une fin qui laisse sur sa faim, comme les deux fois précédentes.
Je ne sais si c'est parce que l'auteur commençait un peu à s’essouffler mais ce troisième tome n'a pas la saveur et le cynisme des deux précédents, ou alors c'est parce que le personnage d'Elena est presque plus âgé que moi et n'a pas la même vie que je ne m'y retrouve plus autant qu'avant.
La seule qui demeure fidèle à elle-même, c'est Lila, qui va une nouvelle fois rebondir et se découvrir une nouvelle passion pour les ordinateurs, domaine dans lequel elle va bien évidemment briller car rien ne peut résister à son intelligence.
La relation amour/haine entre les deux personnages est moins présente que dans les précédents volumes, disons que l'âge faisant elles ont fini par jeter un voile sur leur relation, particulièrement Elena qui cesse de vouloir découvrir la véritable nature du lien qui l'attache à Lila.
Après réflexion, il y a pourtant de belles scènes dans ce roman, notamment un repas avec la famille Solara digne des grands films Italiens, mais il lui manque toutefois un petit quelque chose qu'il y avait dans les deux précédents.
Mais avec la fin que nous a réservée Elena Ferrante je n'ai tout de même qu'une hâte : que le quatrième et dernier tome paraisse afin de découvrir ce qu'il advient d'Elena et Lila.
"Celle qui fuit et celle qui reste" est le tome de la maturité mais aussi celui qui prépare, et parfois un peu trop longuement, l'ultime tome de cette superbe fresque Italienne signée par Elena Ferrante.
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