mercredi 12 décembre 2018

La vraie vie d'Adeline Dieudonné


Chez eux, il y a quatre chambres. Celle du frère, la sienne, celle des parents. Et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. Un prédateur en puissance. La mère est transparente, amibe craintive, soumise à ses humeurs. 
Avec son frère, Gilles, elle tente de déjouer ce quotidien saumâtre. Ils jouent dans les carcasses des voitures de la casse en attendant la petite musique qui annoncera l’arrivée du marchand de glaces. Mais un jour, un violent accident vient faire bégayer le présent. Et rien ne sera plus jamais comme avant. (Editions Iconoclaste)

La rentrée littéraire me laisse souvent de marbre, et puis il y a eu ce livre dont j'ai vu de la réclame dans le métro et qui très vite a fait parler de lui.
Ce livre à la couverture si étrange, dont la quatrième de couverture laisse à penser que c'est une sorte de "Desperate Housewife" à hauteur d'enfant, dans une famille plus qu'étrange et un quartier aseptisé.
Pour son premier roman Adeline Dieudonné a réussi à créer une oeuvre singulière à l'atmosphère si malsaine qu'elle finit par se ressentir au cours de la lecture.
Il y a cette narratrice qui observe sa famille : son père violent dont une pièce de la maison est consacrée aux trophées de chasse, sa mère qu'elle compare à une amibe et qui rase les murs pour se faire le plus discrète possible, et son frère Gilles qu'elle aime très fort mais qui finit par pencher du côté obscur du père suite à la mort violente du glacier.
J'étais loin d'imaginer en ouvrant ce livre qu'il se déroulerait sur plusieurs années, c'est là l'une des forces de cette écriture : l'intrigue se déroule sur plusieurs années et uniquement pendant les vacances d'été, tout le reste est elliptique.
Il n'est pas difficile d'imaginer le quartier dans lequel habite la narratrice, toutes les maisons qui se ressemblent, tous les couples avec enfants, les beaux trottoirs, la nature à proximité.
L'écriture d'Adeline Dieudonné a le mérite d'être très visuelle et d'imaginer sans problème les lieux où se déroulent l'intrigue, même si la description des personnages reste floue.
Son héroïne est également forte, elle va se battre pour son frère, pour le sauver d'un péril qu'elle sent imminent, elle va redoubler d'efforts et se révéler surdouée, mais aussi finir par sortir au grand jour la part sombre qui vit en elle, comme pour le reste des membres de la famille : "Celle-là était hideuse. Son visage abject vomissait d'autres créatures, ses enfants. Cette bête-là voulait manger mon père. Et tous ceux qui me voulaient du mal. Cette bête m'interdisait de pleurer.".
Cette narratrice, c'est presque une super-héroïne des temps modernes, un personnage rare dont je n'avais pas croisé la route depuis un bout de temps.
Il y a véritablement quelque chose qui se dégage de ce roman, il ne peut pas laisser indifférent et quelle bouffée d'oxygène il représente parmi les sorties en masse de livres.
Et quel beau coup de projecteur sur la maison d'édition Iconoclaste qui a su repérer ce nouveau talent et oser le publier.

Il n'est pas étonnant que ce roman ait reçu autant d'éloges et de prix, il en aurait même mérité d'autres, car "La vraie vie" est sans doute le seul vrai roman et véritable découverte de cette rentrée littéraire d'automne 2018.

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