dimanche 28 décembre 2014

Quand le requin dort de Milena Agus


Sardes depuis le Paléolithique supérieur, les Sevilla-Mendoza ignorent la normalité. Un père entiché de voyages lointains, une mère perdue devant la vie, une tante plongée dans des amours sans lendemain, un frère sourd à tout sauf à son piano. Celle qui décrit l’étrange et attachante ambiance familiale, avec une impassible candeur, est une adolescente engluée dans une liaison inavouable… Une liaison qu’elle cache à sa famille, où pourtant on parle d’amour et de sexe sans inhibitions. On y parle aussi de Dieu, dont on n’arrive pas à décider s’il existe ou pas. Plutôt qu’à lui, autant s’en remettre à la superstition pour affronter les dangers de l’existence. Celle-ci se déroule comme si on était dans la gueule d’un requin. Un requin qui vous enserre entre ses dents et vous empêche de vivre. On essaye d’en sortir quand il dort… (Liana Levi)

La famille Sevilla-Mendoza est loin de respirer l'harmonie et le bonheur, chacun dans cette famille doit apprendre à vivre avec ses démons et chacun cherche son idéal : "Chez nous, chacun court après quelque chose : maman la beauté, papa l'Amérique du Sud, mon frère la perfection, ma tante un fiancé.".
Quant à la narratrice, elle s'englue dans une relation sado-masochiste avec un homme marié tout en finissant par prendre conscience de la réalité du monde qui l'entoure : "Mais l'amour, c'était forcément autre chose.".
C'est ce personnage qui est le plus intéressant de tout le roman de par son évolution.
Esclave soumise aux désirs d'un homme, elle finit pars'émanciper, tombe amoureuse d'un jeune homme, pleure après leur rupture, assiste en spectatrice aux déboires des membres de sa famille et finit par sortir quelque chose de toutes ces contemplations, une révélation sur le sens de la vie et particulièrement celui du bonheur : "Et je mets à penser que dans la vie il n'y a pas comme seule possibilité de se laisser engloutir par la merde, ou d'y engloutir les autres, ou de mourir.".
J'ai envie de dire heureusement que cette prise de conscience arrive, car sinon je ne lui voyais pas un avenir radieux.
Ce roman est surtout un récit d'interrogations et d'initiation à la vie à travers le regard que porte sur le monde qui l'entoure et cette Sardaigne encore sauvage une jeune fille.
La galerie de personnages développés est intéressante de par le vent de folie qui semble animer cette famille et sans cesse la ramener vers le malheur.
Dans cette famille, tout est noir ou blanc : la passion, le drame, les secrets, les désirs, les démons, la mort; toutes ces émotions y sont amplifiées et enchaînent les personnages à leurs tourments.
C'est alors qu'intervient la très belle métaphore de cette vie avec un requin et qui donne son titre à ce livre : "Dieu était comme ça, avec nous les humains : tranquille et serein, et infiniment lointain. La merde, il fallait s'en sortir tout seul. Alors que moi j'aurais voulu un mode d'emploi. Pour sortir du ventre du requin, il faut attendre qu'il dorme, avait dit papa. Mais comment fait-on pour savoir s'il dort ? Et comment fait-on pour savoir ce qui est vraiment de la merde ?".
Malgré ces bons côtés, ce roman souffre néanmoins d'un détachement un peu trop marqué envers certains personnages.
La raison en est simple : il s'agit du premier roman de Milena Agus, et si le style et la plume sont là, j'ai ressenti de très légères faiblesses au cours de ma lecture.
Le terme chrysalide convient très bien à ce roman.
Car je dois reconnaître qu'il se cache derrière ce récit, qui pourrait presque être catalogué de conte, une grande auteur à la plume magnifique et qui sait retranscrire si joliment toute la beauté et la complexité du Sud de l'Italie.

"Quand le requin dort" de Milena Agus est un beau premier roman posant la problématique éternelle de la quête du bonheur et de l'amour dans une Italie du Sud chaude, sensuelle et rude.
Une auteur à découvrir.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2014 pour PAL en danger / Chute de PAL



Livre lu dans le cadre du Challenge Il Viaggio

2 commentaires:

  1. Une amie me le conseillait justement ce matin ! Cette chronique tombe à pique et ce livre m'intéresse beaucoup !
    Je viens justement de publier un article sur Mal de pierres ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce roman est intéressant sur plusieurs aspects, je confirme le conseil de ton amie.

      Supprimer