lundi 23 février 2015

L'Ambulance 13 Tome 4 Des morts sans nom d'Alain Mounier et Patrick Cothias


En plein cœur de la bataille de Verdun, la religieuse Isabelle de Ferlon est condamnée au peloton d’exécution pour être intervenue en faveur du sous-lieutenant Bouteloup, accusé de haute trahison. Parallèlement à ce drame personnel, l’horreur collective de la guerre continue. Mais une lueur d’humanité apparaît en la personne de Marie Curie, mandatée sur le front pour y présenter son invention de radiographie mobile destinée à soulager blessés et médecins d’opérations inutiles : l'autochir .L’Ambulance 13 est choisie pour l’expérimentation. C’est l’occasion pour Émilie, la dessinatrice montmartroise auteure des plans de l’appareil, de revoir son amour, Bouteloup. (Bamboo Editions)

"Sainte mère de Dieu, où est passé votre fils ?", telle est la question tandis que la bataille de Verdun fait rage, que les morts s'accumulent dans les tranchées et qu'Isabelle de Ferlon attend le peloton d'exécution qui doit mettre fin à sa jeune vie : "C'est mieux de mourir un matin de pluie. On a moins de regrets.".
Isabelle a-t-elle peur à la pensée de mourir exécutée ? Sans doute, mais elle se dit aussi que ce n'est rien comparé à la mort qui attend les soldats dans les tranchées boueuses : "Il n'y a pas de vrai courage sans peur véritable.".
Des morts, il ne va presque y avoir que ça dans ce nouveau tome qui s'avère sombre, très sombre.

Après l'entrée en jeu de Marie Curie dans le tome précédent, cette fois-ci elle se rend sur le front avec sa machine et c'est l'occasion pour la jeune et dégourdie Emilie de revoir son sous-lieutenant Bouteloup.
Et c'est là que je me rends compte que je n'ai jamais abordé cette seconde figure féminine qui entoure le personnage principal, Emilie, la jeune fille pauvre qui se débrouille dans la vie, qui n'a pas sa langue dans sa poche et qui n'a aucune illusion quant à son amour non réciproque pour ce jeune homme de la haute société.
Emilie, c'est aussi la femme à la morale irréprochable qui sait si bien mettre leurs torts à la face des hommes, mais je le pressens, même si elle est droite dans ses bottes comme on dit, elle ne fera pas partie du clan des vainqueurs.
Disparition également de la première figure féminine entourant le sous-lieutenant Bouteloup, Isabelle de Ferlon disparaît, sacrifiée sur l'autel de la politique.
Alors que reste-t-il dans cette guerre ?
L'entente entre les hommes de l'Ambulance 13, qui va pourtant être mise à mal par la dureté des combats, et celle plus générale des soldats sur le front.
Première fois que les soldats des colonies intégrés aux bataillons français apparaissent dans l'histoire, et un constat : le racisme vis-à-vis d'eux des dirigeants des bataillons, mais la mort elle ne fait pas de distinction : "C'est sûr, la mort elle s'en fout. Arabe, juif, nègre, socialiste, elle met tout le monde d'accord.".
Un autre constat est fait également en fin de volume, les soldats gênent des civils restés à l'arrière qui aimeraient bien que l'on arrête de parler d'eux, de les glorifier, sans doute parce que cela leur renvoie à leur condition d'hommes plus en âge ou pas en capacité de partir combattre : "Faites donc attention, jeune homme. Ce n'est pas parce que vous portez un uniforme que vous pouvez prendre toute la place ! Vous, les poilus, vous devenez encombrants, vous savez ?".
Je ressors de cette lecture bouleversée et triste, avec un monde qui ne sait plus qui le dirige ni où il va, simplement que les morts s'accumulent et que bientôt toute la terre ne sera qu'un vaste champ de ruines.
Un sentiment sans doute partagé par le personnage principal qui a vu en peu de temps disparaître des personnes auxquelles il s'était attaché, des personnes de valeur connues par le passé qui étaient brillantes et promises à un bel avenir et dont le destin s'est brutalement arrêté dans une tranchée de Verdun ou fusillé par un peloton d'exécution.
Une nouvelle fois, le scénario est de grande qualité, tout comme les dialogues; et les dessins sont irréprochables et mettent en valeur de façon saisissante la dureté et l'horreur des combats.
Il y a des têtes qui volent, des membres arrachés, du sang, un ciel gris qui crache une pluie discontinue qui transforme en bourbier la moindre parcelle de terre.
Parce que c'était ça les tranchées, parce que c'était ça la Première Guerre Mondiale.

"Des morts sans nom" est un quatrième tome au titre tristement évocateur de l'envers de celle sale guerre qui clôt avec brio le deuxième cycle de "L'Ambulance 13", une série littéraire de qualité qui s'attache à retracer le quotidien des soldats de la Première Guerre Mondiale, une lecture de circonstance en cette période de commémoration.

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