samedi 26 mars 2011

Journal de Hélène Berr


«J'ai porté la tête haute, et j'ai si bien regardé les gens en face qu'ils détournaient les yeux. Mais c'est dur. D'ailleurs, la majorité des gens ne regardent pas. Deux gosses dans la rue nous ont montrées du doigt en disant : «Hein ? T'as vu ? Juif.» Mais le reste s'est passé normalement. Je suis repartie pour la Sorbonne ; dans le métro, encore une femme du peuple m'a souri. Cela a fait jaillir les larmes à mes yeux, je ne sais pourquoi.»
«Pourquoi suis-je si inquiète ? Objectivement, il y a de quoi, parce que j'ai l'impression que nous sommes la dernière fournée, et que nous ne passerons pas entre les mailles du filet. Il ne reste plus beaucoup de juifs à Paris ; et comme ce sont les Allemands qui font les arrestations maintenant, il y a peu de chances d'y échapper, parce que nous ne serons pas prévenus.»
D'avril 1942 à février 1944, cette jeune fille française a tenu son journal au jour le jour. Un texte d'une qualité littéraire exceptionnelle, où se mêlent l'expérience quotidienne de l'insoutenable et le monde rêvé des lettres, où alternent à chaque instant l'espoir et le désespoir.
Ses derniers mots, le 15 février 1944, «Horror ! Horror ! Horror !», sont un pressentiment de l'inéluctable. Arrêtée le 8 mars 1944, elle est déportée à Auschwitz avec son père et sa mère. Elle survit presque jusqu'au bout à l'épreuve, succombant à l'épuisement à Bergen-Belsen en avril 1945, quelques semaines avant la libération du camp. (Tallandier)


"Horror ! Horror ! Horror !"
Ce sont sur ces mots que se termine brutalement le journal de Hélène Berr, faisant écho à Macbeth de William Shakespeare et comme un pressentiment des évènements tragiques à venir.
En 1942, lorsqu'elle commence son journal, Hélène Berr a 22 ans, elle est française, parisienne, étudiante à la Sorbonne, musicienne, et vient de récupérer un recueil dédicacé par Paul Valéry.
Mais voilà c'est aussi la guerre et Hélène Berr est juive.

Son journal est séparé en deux parties, la première couvre 1942, puis il y a un arrêt pendant plusieurs mois et il reprend en 1943.
Entre temps beaucoup d'évènements se sont passés,Hélène a changé, elle a mûri dans ses réflexions.

La première partie est écrite par une Hélène jeune, qui vit ses premiers émois amoureux et se pose beaucoup de questions sur ses relations avec les autres personnes, mais aussi sur la guerre et le contexte de plus en plus incertain dans lequel elle vit et évolue.
Avec elle le lecteur vit le durcissement des lois anti-juives, les brimades, l'antisémitisme grandissant, les rafles, notamment la grande rafle de juillet 1942 qui restera dans l'Histoire sous l'appellation "Rafle du Vél'd'hiv".
J'ai beaucoup aimé son écriture, sobre mais précise. J'ai eu l'impression par moment de lire une Anne Franck sortie de l'adolescence et entrant dans le monde adulte.
De plus elle est étudiante à la Sorbonne et se promène souvent dans ce quartier, le connaissant bien j'ai donc facilement pu visualiser Hélène évoluant dans ce monde.
J'ai apprécié son engagement également à l'UGIF, et j'ai trouvé très intéressant de découvrir la vie à cette époque grâce à ses yeux et son écriture.
Certains passages sont poignants, notamment lorsque son père est arrêté et interné à Drancy, où lorsque Hélène raconte les arrestations dont elle a entendu parler.
A partir de juillet 1942 il y a un basculement dans l'histoire et Hélène le met en évidence.

La deuxième partie est plus mûre, Hélène y écrit ses réflexions, et elles sont d'une terrifiante lucidité.
J'ai été très surprise par la clairvoyance de ses propos, par les questions qu'elle soulève et qui nous arrivent comme une grande claque dans la figure (je pense notamment à ses questions sur le pape et les chrétiens et leur silence et non réaction face aux évènements), d'autant qu'à aucun moment il n'y a de haine dans ses propos, à aucun moment elle ne renie l'humanité ou ne s'emmure dans une haine de l'espèce humaine.
Malgré la situation, malgré le piège qu'elle sent inévitablement se refermer sur elle, Hélène garde confiance dans la vie, elle continue à espérer, c'est également une formidable leçon de vie qu'est son journal.
Cette partie nous permet également de commencer à réaliser ce qu'a pu être la vie à cette époque, particulièrement pour les Juifs.

Ce journal de Hélène Berr me hantera certainement toute ma vie tant j'ai trouvé ce livre splendide, ce témoignage émouvant et poignant, et surtout, quelle lucidité et quelle finesse d'analyse de la part de cette jeune femme !
C'est une véritable leçon de vie que Hélène Berr nous fait partager grâce à son journal.
Je vous conseille par contre de ne pas faire comme moi et de lire la préface de Patrick Modiano après avoir lu le livre.

C'est un livre absolument splendide et je remercie Mariette Job, sa nièce, pour avoir travaillé sur les notes de Hélène et fait publier son journal.
C'est un bijou rare et pur qu'il aurait été dommage de ne pas faire connaître au monde entier.

Je vous conseille donc ce livre très intéressant et qui vous apportera également beaucoup sur un plan personnel.

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