jeudi 24 mai 2012
Du domaine des murmures de Carole Martinez
En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui » : elle veut faire respecter son vœu de s’offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe. Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et son souffle parcourra le monde jusqu'en Terre sainte. Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d’une sensualité prenante. (Gallimard)
"Je suis celle qui s'est volontairement clôturée pour tenter d'exister. Je suis devenue la vierge des murmures."
Parce qu'Esclarmonde le jour de son mariage a refusé de dire "Oui" pour se faire entendre dans sa volonté de consacrer sa vie à Dieu, elle est emmurée vivante dans une cellule attenante à la chapelle du château de son père et n'en sortira que morte.
Mais loin de vivre en recluse, le monde au contraire vient à elle et même elle réussit par l'esprit à franchir les barrières de sa cellule de pierre.
Autant le dire tout de suite, je ne suis pas autant enthousiaste que l'ensemble des critiques sur ce livre, et même si je lui reconnais beaucoup de qualités je lui ai trouvé quelques défauts qui viennent contrebalancer mon appréciation de ce récit.
Pour les aspects très positifs du livre, il faut bien le dire, le style narratif de Carole Martinez est admirable et elle utilise et abuse de formulations très poétiques pour le plus grand plaisir du lecteur.
L'entrée en matière du livre revêt d'ailleurs un côté particulièrement enchanteur et j'ai beaucoup aimé certaines remarques de l'héroïne, notamment celle-ci : "La douleur est une saison en soi.".
De plus, avec cette histoire l'auteur dresse une étude précise et ciselée du personnage féminin d'Esclarmonde, présentée dans un premier temps comme une sainte, puis dans un deuxième temps sous un jour plus sombre, particulièrement lorsqu'elle découvre le pouvoir qu'elle a sur les autres derrière ses murs : "A défaut de croire en Dieu, j'ai commencé à croire en moi, en la force de ma parole dont je voyais chaque jour croître l'incroyable pouvoir."
Esclarmonde est sans nul doute le personnage le plus travaillé et le plus précis de tout le récit, c'est en tout cas celui qui connaît le plus d'évolution basculant de la lumière à l'ombre pour revenir à la lumière : "Comment pouvait-on tant apprendre, tant changer, tant souffrir, tant vieillir, en si petit espace ?"
Ce basculement s'explique au regard de l'histoire et même si l'issue de ce personnage était attendue et connue, il n'en reste pas moins que c'est celui qui cristallise en lui les différentes facettes de la personnalité humaine.
J'ai également aimé la dimension fantastique que l'auteur apporte à son histoire, notamment avec une mystérieuse et puissante femme de vert vêtu, ainsi que son inspiration de légendes bourguignonnes.
Maintenant pour les quelques aspects négatifs, je n'ai pas apprécié le traitement du personnage de Lothaire qui bascule trop facilement et sans explication aux deux extrémités, passant du tout méchant au tout gentil.
Ensuite, la réclusion d'Esclarmonde est un peu trop douce et arrangée à la convenance de l'auteur à mon goût.
Dans la réalité, ces femmes ne communiquaient plus avec le monde extérieur, la nourriture leur était jetée car leur fenestrelle était aménagée suffisamment haut pour que la recluse ne puisse y accéder.
A partir de là, la majorité de l'intrigue de l'auteur s'écroule.
Certains dénouements concernant le secret d'Esclarmonde sont sans grande surprise, en tout cas il n'y en a pas eues pour moi.
A travers ce récit oscillant entre poésie et fantastique, Carole Martinez y dévoile un très beau portrait de femme vouant sa vie à Dieu et surtout une très belle plume avec une palette d'émotions.
Certes, sa magie n'a pas totalement agi sur moi, mais je reconnais de grandes qualités à ce récit et à cette auteur.
Une découverte intéressante à approfondir.
Ce livre a été lu dans le cadre d'une lecture commune du club de lecture de Babelio de Mai 2012
Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices
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