mercredi 13 juin 2012
La belle amour humaine de Lyonel Trouillot
Dans un petit village côtier d'une île des Caraïbes, une jeune Occidentale est venue, sur les traces de son père, éclaircir l'énigme aux allures de règlement de comptes qui fonde son roman familial. Au fil de récits qu'elle recueille et qui, chacun à leur manière, posent une question essentielle – "Quel usage faut-il faire de sa présence au monde ?" –, se déploie, de la confrontation au partage, une cartographie de la fraternité nécessaire des vivants face aux appétits féroces de ceux qui tiennent pour acquis que le monde leur appartient. (Actes Sud)
Parce qu'elle a à peine connu son père et qu'elle voudrait en apprendre plus sur lui et aussi pour comprendre son passé familial, Anaïse se rend dans un petit village côtier d'Haïti.
C'est Thomas qui sera son guide pendant son voyage, mais il la met tout de suite en garde "Qu'il est des faits sans importance qui ne valent pas le bavardage, et d'autres dont les causes sont d'une telle profondeur qu'elles échappent à toute analyse, et qu'il convient pour être heureux de les laisser à leur mystère."
Ainsi, sur la mort mystérieuse de son grand-père le même jour que son meilleur ami elle n'apprendra rien et personne ne lui dira quoi que ce soit à ce sujet, parce qu'il y a des choses plus importantes dans la vie que de chercher à éclaircir et comprendre le passé, que cela peut même empêcher de vivre le présent, et puis de toute façon : "Rien, mis à part la cruauté, ne pouvait justifier l'amitié qui lia jusque dans la mort le colonel Pierre André Pierre et l'homme d'affaires Robert Montès."
Ecrit en quasi totalité sous la forme d'un monologue de Thomas à l'adresse d'Anaïse, "La belle amour humaine" est un livre qui touche et qui remue au plus profond du coeur.
Il se dégage de chaque ligne une ambiance bien particulière, j'ai eu l'impression tout au long de ma lecture de me trouver en Haïti, j'ai ressenti les émotions, senti les odeurs, vu les paysages, je faisais le voyage en même temps qu'Anaïse et je me suis laissée bercer par la narration de Thomas.
Ce récit est très humain et prône la fraternité ainsi que la justice.
Anaïse en repartira changée, et je crois aussi que chaque lecteur l'est à la fin de cette lecture.
Parce qu'il y a une question récurrente à ce récit, et qui sera abordée de différentes manières par les différents personnages : quel usage faut-il faire de sa présence au monde ?
Et sans aucun côté moralisateur, l'auteur pose aussi les questions de pourquoi naît-on dans un endroit et pas dans un autre, en l'occurrence au Nord ou au Sud ? Pourquoi naît-on blanc ou noir ? Riche ou pauvre ? Puissant ou non ?
Finalement, c'est le personnage de Thomas qui aide à trouver une forme d'équilibre dans la vie, en apportant des clés pour se forger soi-même les réponses à toutes ces questions.
J'ai également apprécié les deux derniers chapitres, plus courts, écrits pour le premier du point de vue d'Anaïse et pour le deuxième développant la thèse de la belle amour humaine qui donne son titre au livre.
C'est non seulement très bien écrit, mais il y a une ambiance plaisante qui se dégage de ce livre et l'auteur rappelle au lecteur que le bonheur tient à peu de choses et qu'il ne faut pas s'encombrer du passé pour pouvoir vivre le présent.
En voilà une belle leçon sur un concept finalement simple et pas aussi complexe que l'on cherche à le rendre.
"La belle amour humaine" est un formidable moment de lecture, c'est un livre qui prend et avale le lecteur pour le recracher changé, plus humble et plus conscient du bonheur.
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