samedi 19 décembre 2015

La vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël Dicker


A New York, au printemps 2008, alors que l'Amérique bruisse des prémices de l'élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente : il est incapable d'écrire le nouveau roman qu'il doit remettre à son éditeur d'ici quelques mois. Le délai est près d'expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d'université, Harry Quebert, l'un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d'avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l'innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l'enquête s'enfonce et il fait l'objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d'écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s'est-il passé dans le New Hampshire à l'été 1975 ? Et comment écrit-on un roman à succès ? (Edition de Fallois)

Voilà un roman dont j'ai beaucoup entendu parler à sa sortie, recevant beaucoup de louanges et quelques prix dont le Grand Prix du roman de l'Académie Française; mais également de mauvaises critiques, particulièrement celle indiquant que Joël Dicker se serait très fortement inspiré (pour ne pas dire plus) du roman "La tache" de Philipp Roth.
Il se trouve que j'ai lu "La tache", et qu'avec tout ce que j'entendais, en bien comme en mal, je n'avais pas franchement envie de lire tout de suite "La vérité sur l'affaire Harry Quebert".
J'ai attendu, et j'ai fini par me lancer dans la lecture de ce beau pavé littéraire qualifié de "page turner" et qui soit disant une fois entre les mains est impossible à lâcher.
Bilan des courses : un livre plutôt moyen, avec quelques bons côtés et des faiblesses.

Ce récit est narré par Marcus Goldman, un jeune écrivain venant de rencontrer le succès avec son premier roman (bonjour le quasi sosie littéraire visionnaire de Joël Dicker !) et qui peine à écrire le second.
Pour tout dire, il souffre du syndrome de la page blanche, plutôt gênant pour un écrivain : "Car j'avais enfin pris la mesure du mal qui me frappait : écrire un livre en partant de rien m'avait semblé très facile, mais à présent que j'étais au sommet, à présent qu'il me fallait assumer mon talent et répéter la marche épuisante vers le succès qu'est l'écriture d'un bon roman, je ne m'en sentais plus capable.".
Je passe sur les atermoiements du personnage, ses doutes, ses interrogations, son lieu de naissance à Newark (tiens, bonjour la ville fétiche de Philipp Roth dans ses romans !), sa mère plus qu'envahissante et caricature plus que grossière de la mère Juive (tiens, Joël Dicker est allé encore plus loin que Philipp Roth pour qui, rappelons-le, la famille Juive est un thème cher); et donc pour retrouver l'inspiration, Marcus se rend chez son vieil ami Harry Quebert, son ancien professeur à la faculté et l'homme qui lui a tout appris, l'homme qui a fait de lui un homme en somme.
Harry Quebert, il a écrit un livre génialissime il y a des années de cela, un chef-d'oeuvre encensé par tout le monde : "Les origines du mal", depuis, il vit dans la petite ville d'Aurora, dans le New Hampshire.
Harry Quebert a toujours été de bon conseil pour Marcus Goldman, aussi lui prodigue-t-il moult conseils pour débloquer l'inspiration et la plume de Marcus afin qu'il ponde son second roman, car il cherche bien évidemment à en faire un chef-d'oeuvre : "Ne faites pas comme moi ... Ne vous laissez pas bouffer par votre ambition. Sinon votre cœur sera seul et votre plume sera triste.".
Mais Harry le poète est rattrapé par la patrouille, il se retrouve accusé du meurtre de la jeune Nola Kellergan à l'été 1975, dont le cadavre vient d'être retrouvé dans son jardin.
Harry clame son innocence, car Nola il l'aimait, il avait même prévu de fuir avec elle, et c'est pour elle qu'il a écrit "Les origines du mal", alors Marcus, tel un chevalier blanc, vole au secours de son ami.
Et fait le récit de sa quête de vérité et du coupable à travers son second roman, qui est celui que le lecteur tient entre les mains

J'ai bien aimé cette mise en abîme, cet écrivain qui écrit sur un autre écrivain, qui pourrait presque être son double fictif d'ailleurs.
Ce postulat était plutôt plaisant, par contre j'avoue avoir eu du mal à me détacher des propos des détracteurs de Joël Dicker qui compare ce livre à une pâle resucée de "La tache", car il est vrai qu'il y a beaucoup de parallèles entre ces deux romans : la ville dont est originaire le personnage, la famille Juive, ce vieux professeur qui cache un très lourd secret et qui se refuse à le révéler, préférant aller en prison, l'histoire repose sur la tromperie et les faux-semblants, et puis Joël Dicker a même poussé l'humour jusqu'à donner le nom de Roth à un personnage, l'avocat de Harry Quebert.
Car il ne s'en cache pas, il admire Philipp Roth et son oeuvre a certainement influencé la sienne, mais il faut aussi savoir s'en détacher, ce qu'a mis un certain temps à faire Joël Dicker ici.
J'ai trouvé que l'intrigue mettait beaucoup de temps à se mettre en place, on m'avait vendu un roman que je ne lâcherai plus une fois commencé, j'ai dû attendre la page 300 pour que mon intérêt commence à être sérieusement titillé.
Autant vous dire que j'étais prête à jeter l"éponge et à l'arrêter, mais je me suis accrochée.
Il a aussi été dit qu'il y avait de nombreux rebondissements, que l'auteur promenait le lecteur jusqu'à la révélation finale, pour ma part j'ai eu de gros doutes dès la page 200 environ sur la personne responsable du meurtre de Nola Kellergan.
Niveau suspens ça repassera, à mon avis des personnes habituées aux ficelles auront de gros doutes dès le début et trouveront une partie du dénouement.
Il n'en demeure pas moins que le récit finit par être prenant, presque quand il commence à se détacher de l'univers de Philipp Roth, et que la curiosité du lecteur est piquée.
Il y a une bonne intrigue policière et certains personnages sont bien traités, j'ai notamment beaucoup souri avec les joutes verbales entre Marcus Goldman et le sergent Perry Gahalowood.
Dans la structure de son roman, Joël Dicker a innové en déclinant son intrigue tant présente que passée avec des chapitres numérotés à rebours, je n'ai pas été insensible à cette originalité.
L'autre point fort c'est qu'il a créé une galerie de personnages et qu'il a su donner à chacun un rôle, avec le recul et par rapport à l'épaisseur de l'histoire cela a dû représenter un sacré travail.
L'auteur a également beaucoup recours aux flash-backs, si certains sont judicieux j'en ai trouvé d'autres plus maladroits, par exemple l'ouverture du roman.
Quant au style, il y a beaucoup à dire dessus et malheureusement pas en bien.
Je suis très surprise que ce roman ait été primé par l'Académie Française, parce que d'un point de vue grammatical, style et tournure de phrases non seulement il n'innove pas mais c'est même écrit de façon très simpliste la plupart du temps.
J'ai particulièrement détesté les reprises qui sont faites, l'auteur usant et abusant de la redite, notamment lorsque Marcus rédige une partie de son roman qui est reprise juste après sous la forme du manuscrit qu'il envoie à son éditeur, ceci n'étant qu'un exemple parmi d'autres.
L'éditeur n'a pas relu le roman ? Il y avait de quoi faire des coupes dans le texte et gagner en fluidité plutôt que d'alourdir le récit et de le faire traîner en longueur avec des répétitions qui ont eu le don de m'agacer. Et de me conforter dans mon opinion qu'aujourd'hui les maisons d'édition ne prennent vraiment plus la peine de faire relire et corriger les romans qu'elles publient.
Je suis partagée sur le fait d'avoir écrit un roman Américain à la francophone, car cela se ressent parfois à la lecture.
Soit on est expert en littérature Américaine et on peut se permettre sans problème d'écrire un tel roman même sans être Américain, soit on ne l'est pas et on retombe fatalement par moment dans la forme d'écriture francophone.
Désolée Joël Dicker, mais vous n'avez pas réussi à me bluffer sur ce coup-là.
J'ai en tête un point particulier qui m'a marquée, Harry tutoie Nola alors qu'elle le vouvoie, certes en anglais le "tu" et le "vous" s'expriment de la même manière mais ce n'est pas le cas en Français, et pourquoi Nola ne tutoierait-elle pas elle aussi Harry ? Ou alors l'inverse ? Cet aspect m'a fait penser à de la mauvaise traduction, sauf que le roman a été écrit en Français à l'origine et non en Anglais.
J'ai été marquée à plusieurs reprises par des tournures maladroites, j'en suis presque venue à me demander si je n'étais pas en train de lire un brouillon du roman et non la version publiée.
Finalement, dans la balance il y a plus d'aspects négatifs que positifs, ou plutôt les côtés positifs de ce roman ne permettent pas d'effacer ceux négatifs.

Fort heureusement, "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" n'a pas attendu mon avis pour avoir du succès, d'ailleurs, cela a mieux valu pour lui car si certaines choses dans ce roman m'ont plu d'autres m'ont particulièrement agacée et je ressors mitigée de cette lecture.
Une nouvelle fois les promesses alléchantes vantées de partout n'étaient pas toutes au rendez-vous, au moins j'ai pu me forger ma propre opinion sur ce livre et je vous invite à en faire de même car ce qui m'a déplu pourra vous plaire et vice-versa.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015


4 commentaires:

  1. Ah le style... ou son absence...
    Je ne connais pas du tout Philip Roth, rien lu de lui.
    J'ai réussi à sortir quelques points positifs sur ce livre, malgré tout. S'il n'avait pas reçu le prix de l'Académie, j'aurais eu moins d'attente et je l'aurais simplement apprécié pour ce qu'il est : un page-turner.

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    1. Philipp Roth c'est une écriture exigeante je dirai, un beau style en tout cas. Et encore, pour un page-turner j'ai dû attendre la page 300 pour avoir du mal à le lâcher. J'y ai aussi trouvé quelques points positifs mais je ne suis pas prête de relire du Joël Dicker (d'autant plus lorsque j'entends les avis sur "Le livre des Baltimore").

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  2. Très intéressante analyse d'un bouquin qui m'a déçue également. Je n'avais jamais lu de Philip Roth donc cet aspect m'avait totalement échappé.

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    1. Finalement il y a pas mal de monde qui n'a pas aimé ce livre. Je conseille Philipp Roth.

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