jeudi 19 janvier 2017

The Collection créée par Oliver Goldstick


Parlons un peu télévision et chiffons avec la série The Collection, une production Britannique (Amazon et BBC) et Française (France Télévisions).
On va tout de suite parler du sujet qui fâche : l'audience.
Elle n'a pas été au rendez-vous, en France en tout cas, et c'est dommage car cette série a un réel potentiel.
Normal dirons certains, elle a coûté la bagatelle de 22 millions d'euros.
Oui mais reconstituer le Paris de l'après-guerre et avoir quelques créations pour une série traitant d'une maison de haute couture ça a un coût.
Il ne reste plus qu'à espérer une saison 2 car la fin est vraiment (mais vraiment) frustrante.


Le pitch de départ est le suivant : l'histoire se passe en 1947, dans le Paris de l'après-guerre qui peine à se relever.
Pour conserver Paris comme capitale de la mode et faire renaître la haute couture Française, le gouvernement choisit une toute jeune maison de couture, la Maison Sabine.
A sa tête Paul (Richard Coyle), l'aîné, excellent dans les affaires et secondé par sa femme Américaine Helen (Mamie Gummer), sa première vendeuse Charlotte (Alix Poisson) et sa chef d'atelier Marianne (Irène Jacob), ainsi que par Victor (Alexandre Brasseur), son mystérieux homme à tout faire, mais devant traîner le poids de sa mère, Yvette (Frances de la Tour), qui s'immisce dans toutes les affaires, et jamais de façon heureuse.
Dans l'ombre il y a son cadet Claude (Tom Riley), le véritable génie de la famille, celui qui dessine toutes les collections et qui a ce qui manque cruellement à son frère : du talent, et qui manque ce dont a son frère de façon inné : le sens des affaires et la patience de traiter avec des femmes bourgeoises cherchant à rentrer dans des robes qui ne leur vont pas.
Mais Claude est un homme torturé, complexe, un peu comme tous les artistes direz-vous,
Il se trouve qu'au même moment, Nina (Jenna Thiam), la fille de Marianne et l'une des rares personnes que Claude apprécie, revient d'un séjour de plusieurs mois soit-disant auprès de sa tante, mais cette jeune femme porte en fait un secret.
Quant à Billy (Max Deacon), c'est un jeune photographe Américain venu se perdre à Paris et qui va flasher sur la belle mais énigmatique Nina ainsi que sur la Maison Sabine et son créateur Paul de façon plus générale.
Mais alors qu'un avenir glorieux s'annonce pour la Maison Sabine, certains cherchent au contraire à la salir en fouillant dans le passé trouble de Paul, car à cette époque en France les blessures de la guerre sont encore vives et la traque des collaborateurs n'est pas finie.


"L'important n'est pas ce qu'ils portent mais ce qu'ils cachent", telle est l'accroche de cette série en partie vraie, car il faut l'avouer, ce qu'ils portent est aussi intéressant.
Les costumes sont tout simplement magnifiques, il y a quelques robes que j'aurai volontiers essayées, mais outre cet aspect esthétique, ils sont aussi très fidèles au style de l'époque, à la façon de faire.
Pour être tout à fait franche, l'histoire s'inspire librement de celle de la Maison Dior, c'est pourquoi les créations de la Maison Sabine sont quelque peu en avance sur leur temps.
Il y a ainsi une scène plutôt légère de retouche d'une robe où Claude, le créateur (mais ça personne ou presque ne le sait) s'amuse à noter la longueur de tissu nécessaire et confronte ensuite son calcul avec ce que lui demande sa chef d'atelier.
Seul petit bémol, je doute qu'à cette époque les ateliers de couture, ou quel qu’autre corps de métier, employait des personnes de couleur mais là c'est un peu du détail et je chipote.
Ou encore lorsque Claude apprend à Nina, nouveau visage de la Maison Sabine, à marcher et à défiler avec des talons, en la faisant notamment valser pour qu'elle s'habitue au rythme et à la façon d'évoluer.
Le tout sur des musiques d'époque, notamment une chanson de Charles Trenet.


Car c'est aussi ça la révolution à la Maison Sabine, le nouveau visage de cette maque est issu des ouvrières de la Maison, le personnage de Nina saisissant cette opportunité qui lui est offerte, en grande partie grâce à Billy qui, rappelons-le, à eu un coup de cœur pour elle et n'a pas hésité à la photographier dans Paris de façon moderne pour l'époque.
Là encore, le scénario s'est inspiré de faits réels en narrant l'agression dont est victime Nina sur un marché alors qu'elle se fait photographier dans une somptueuse robe rouge.
C'est effectivement arrivé, il faut replacer les choses dans leur contexte : même deux ans après la fin de la guerre il y a encore des tickets de rationnement en France, une partie de la population a faim et chercher à vivre et se reconstruire, alors ce n'est pas avec grand plaisir que les gens voient débarquer de jolies filles paradant dans de somptueuses robes tandis qu'eux ont le ventre vide ou presque.
Cette série a eu le souci du détail, ce qui explique en partie son coût mais aussi sa qualité.


Paris est admirablement bien reconstituée, même si au final l'action a lieu à peu près dans les mêmes endroits : l'atelier de la Maison Sabine, le salon où l'on y reçoit les clientes, l'appartement de Claude et la terrasse où les ouvrières, comme Nina et son amie Juliette, se retrouvent le temps d'une petite pause bien méritée.
J'ai également apprécié la mise en scène, finement travaillée avec des jeux avec les miroirs - le reflet, l'importance de l'apparence mais aussi l'envers du décors et ce que cache le reflet - mais aussi via l'objectif de l'appareil photographique de Billy.
Une nouvelle fois, l'apparence est importante, tout comme le maquillage pour se parer d'un masque avant de faire sa prestation.
La mise en scène a su utiliser habilement et subtilement toutes ces références, j'ai énormément apprécié ce travail, malheureusement j'ai l'impression qu'il a été relégué au second plan dans les avis que j'ai pu lire.
Quant au casting, il est international car la production a fait appel à des acteurs Français (parlant évidemment parfaitement l'Anglais, langue dans laquelle la série a été tournée), Anglais et Américains.
Pendant les trois premiers épisodes l'actrice Mamie Gummer me faisait penser à quelqu'un, mais alors beaucoup, et puis j'ai fini par rechercher et là ça a fait tilt : c'est la fille de Meryl Streep.
Mais oui, voilà à qui elle me faisait penser ! (si, si, regardez la photo juste au-dessus)
Son rôle lui va très bien et elle a une certaine classe, ce qui est un plus non négligeable lorsque l'on tourne dans une série où la mode est à l'honneur.
Je ne connaissais au final que peu d'acteurs mais j'ai eu quelques belles surprises notamment Tom Riley (hum, oui, j'ai eu un petit coup de cœur), Jenna Thiam ou Richard Coyle.
Il est aussi plaisant de voir des acteurs comme Alix Poisson dans des rôles qui les changent de l'ordinaire.


L'histoire m'a séduite de par le contexte dans lequel elle se passe.
L'après-guerre est finalement peu évoqué dans les films ou les téléfilms, ici c'est abordé par le prisme de la mode et le milieu de la haute couture mais une bonne partie du quotidien des Français s'y retrouve : la peur encore présente pour les Juifs même si la guerre est finie, ces personnes disparues dans des camps d'où elles ne sont jamais revenues, les tickets de rationnement.
D'ailleurs, la guerre est finie mais certains journalistes sont à fouiller le passé pour y déterrer des cadavres
Mais la relation entre les deux frères est également intéressante car complexe et omniprésente tout au long de la série, avec comme trouble-fête leur mère.
Voilà un autre aspect qui m'a plu dans cette série : les relations entre les personnages, qu'il s'agisse des deux frères, d'une mère et de sa fille, d'un couple, ou d'amis (ou plus).
Le personnage le plus solaire, mais aussi le plus complexe, est bien évidemment Claude, le charme (voire même l'intérêt) de cette série repose en grande partie sur lui, sur son caractère, sa façon de voir les choses mais aussi dans les relations qu'il entretient avec autrui.
Même s'ils se crient parfois l'un sur l'autre, Claude aime son frère, sincèrement, tout comme le spectateur finit par découvrir qu'il s'entend bien avec sa belle-sœur.
Mais la relation qui intrigue le plus, pour ma part en tout cas, et pour de nombreuses raisons, c'est celle qu'il entretient avec Nina.
A mon avis, c'est quasiment l'une des seules personnes qu'il respecte véritablement et dont l'avis compte, mais c'est aussi plus que cela, et je ne peux pas en dire plus afin de ne pas dévoiler l'intrigue.
Nina est aussi un personnage qui m'a beaucoup touchée, le spectateur voit une jeune femme quasi éteinte, qui a perdu en grande partie sa joie de vivre, et ce n'est pas qu'à cause de la guerre.
Mais avec son innocence, sa candeur, elle est aussi un souffle de fraîcheur et ce n'est pas sans raison qu'elle devient le nouveau visage de la Maison Sabine.
Billy ne s'y trompe pas non plus, il s'éprend de ce personnage qui pourtant lui demeure en grande partie inconnu.
Nina est un personnage sensible, déchirée entre un homme qui ne sera jamais complètement à elle et un qui ne la comprendra jamais tout à fait, déchirée entre un choix fait par sa mère alors que son cœur lui dicte l'inverse, difficile de rester insensible et de ne pas s'y attacher.


Afin de ne pas lasser le spectateur, chaque épisode a été construit d'une façon bien particulière.
Le première épisode est construit sur le système du flashback, tout comme le quatrième.
Certains sont sombres dans la mise en scène, d'autres plus lumineux, le réalisateur a vraiment su adapter son scénario afin de ne pas lasser le spectateur.
Il y a ce que l'on voit, mais il y a aussi tout ce que l'on ne voit pas et qui est suggéré.
Néanmoins, c'est parfois un peu trop suggéré et certaines choses ne restent que survolées.
C'est dommage car cela n'aurait pas nui à la qualité de l'histoire.
Je pense notamment au personnage de Victor, énigmatique, qui malheureusement reste une énigme et n'est pas exploité comme il aurait dû l'être.
Il sort de l'ombre un peu trop tard dans le scénario, alors que le spectateur l'avait repéré depuis un moment déjà.
Mais l'apothéose des non-dits est atteinte dans le dernier épisode qui traîne trop en longueur et finit de façon très frustrante, car ne répondant quasiment à aucune question et laissant beaucoup de portes ouvertes quant au devenir des personnages.
Je ne m'attendais pas à une fin aussi ouverte, c'est regrettable car la réaction après huit épisodes est presque du dépit.
C'est pourquoi j'espère sincèrement qu'une deuxième saison verra le jour, sinon c'est beaucoup trop frustrant et même si j'ai une imagination débordante et que j'adore me faire des scénarii dans ma tête je trouverai dommage que cette série de qualité finisse ainsi.


"The Collection" est une série qui à mon avis n'a pas eu l'accueil qu'elle méritait, ou alors c'est la période de diffusion qui est en cause, alors qu'elle avait pourtant tout pour être un succès.
Qu'importe, car pour ma part j'ai énormément apprécié et il ne faut pas que le thème vous rebute.
Ça n'est pas une série parlant de chiffons à l'attention de princesses rêvant de belles tenues, non, c'est bien plus que cela, c'est une série sur les relations entre les êtres humains, qu'ils soient d'une même famille ou non, sur les secrets et les impacts qu'ils engendrent lorsqu'ils restent enterrés trop longtemps, mais aussi sur l'ambition, l'aveuglement, la sincérité et l'honnêteté.
J'espère qu'une saison 2 viendra répondre aux nombreuses interrogations soulevées et finalement laissées en suspens pour beaucoup.

2 commentaires:

  1. Je suis beaucoup moins enthousiaste que toi...
    Je trouve le jeu de certains acteurs absolument mauvais.
    Et la mode n'est qu'un prétexte, quelques belles robes par-ci par-là, des photos, des magazines... Pas de quoi casser trois pattes à un canard.
    Quant à l'intrigue sur fond de secret de seconde guerre mondiale, c'est vu et revu...
    Pour moi, la fin est à l'image de la saison : décevante de bout en bout.

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    1. Avec un peu de recul, cette série pêche par son scénario, le dernier épisode est à ce titre révélateur.
      Il en faut pour tous les goûts, fort heureusement !

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