Depuis toujours (ou presque), j’ai été attirée par les sagas, notamment celles de l’été qui permettent de passer, en général, des soirées agréables.
Certes, la dernière en date, "La
maison des Rocheville", était un nanar que j’avais même proposé d’adopter
mais comme je n’ai pas dit "Fontaine – enfin saga de l’été – je ne boirai
plus de ton eau" je suis repartie en ce mois de juillet avec la saga
proposée par France 2 : "Inquisitio".
A noter que j’étais déjà repartie
dans les sagas en suivant "Rani", l’Angélique des Indes, cet hiver.
Pour situer le contexte, l’histoire
se passe au Moyen-Âge (dans les années 1370), en France, en Avignon plus
précisément, au moment du Grand Schisme d’Occident avec deux papes à la tête de
la Chétienneté : l’un à Rome et l’autre à Avignon ; mais également au
moment de l’Inquisition.
Il y a quelques années, la peste
noire a décimé une bonne partie de la population européenne, à commencer par la
France, et c’est avec crainte que les habitants redoutent le mal noir.
C’est sûr, j’ai un peu grincé des
dents en regardant le premier épisode vu les libertés historiques prises (la
Sainte Catherine de Sienne n’est tout de même pas transformée en putain mais en
fanatique religieuse n’hésitant pas à s’allier avec le Démon pour parvenir à
ses fins), mais au final j’ai fini par en prendre mon parti, en me disant qu’il
s’agissait d’une fiction et qu’il avait, de toute façon, bien fallu arranger
certaines choses pour faire cadrer l’histoire.
Et surtout, je n’ai pas compris le
déchaînement médiatique et sur internet des Catholiques, qui frisaient voire
dépassaient les bornes de l’intégrisme religieux, en dénonçant cette série,
disant qu’il s’agissait d’un brûlot anti-catholique.
Là c’est clairement du grand
n’importe quoi et ne même plus arriver à distinguer la réalité de la fiction
c’est franchement malheureux, en plus d’être inquiétant.
Cela voudrait donc dire qu’en France
on rejette viscéralement l’imaginaire et la fiction ?
Il ne faudrait donc faire que des
séries constituées exclusivement de faits véridiques, prouvés, en gros, des
documentaires ?
Et bien, c’est malheureux tout ça,
qu’en France on ne sache plus ce qu’est une fiction et qu’on ne le comprenne
plus.
Il est temps de réapprendre la
fiction.
A ce sujet il y a un article très
intéressant du site A-Suivre - Le
Village sur ce sujet : http://www.a-suivre.org/levillage/polemique-apres-inquisitio-france-et-fiction-le-divorce.html
Pour en revenir à Inquisitio, cette
série contient tous les ingrédients d’une saga de l’été : une famille
divisée avec un secret, une maison de famille, une sorcière (rousse, certes ça
fait un peu cliché mais toujours moins que Rani-la-belle-jeune-femme-en-détresse),
une histoire d’amour (très légère pour le coup), des méchants, un évènement
(ici la peste), de la magie, quelques pouvoirs surnaturels (don de prescience),
et un couple (plus qu’) improbable où je suis quelque peu frustrée par la fin.
Ah non, le dernier point ne fait pas
partie des ingrédients d’une saga de l’été, c’est juste mon ingrédient
personnel qui sert à alimenter ma frustration permanente et ma propension plus
qu’inquiétante à m’attacher/imaginer des couples improbables (pourtant là
j’aurai vraiment aimé le voir, je peux même rédiger une thèse sur le sujet s’il
le faut ! D’ailleurs s’il y a une saison 2, je peux écrire un courrier
pour justifier mon point de vue, ou simplement satisfaire mon imagination
débordante. Et si je pensais à un scénario ?).
Du côté des personnages ils sont tous
attachants, si, si, même les méchants (car, je vais y venir plus loin, le
méchant n’est pas celui que l’on croit).
La famille De Naples est
particulièrement attachante, avec une relation forte entre le père, Samuel, et
sa fille, Aurore, la mère étant morte en la mettant au monde, mais également
avec David, le grand-père d’Aurore.
Tandis que son autre grand-père,
rabbin, reproche toujours à Samuel et à Aurore la mort de sa fille unique.
C’est une grande douleur qui habite
ce personnage et Samuel n’en prendra la mesure qu’à la fin.
Le personnage du grand Inquisiteur,
le redoutable Guillermo Barnal, apparaît comme le méchant de l’histoire.
En fait, il n’en est rien et c’est
presque le personnage le plus attachant car il condense à lui seul toute la
complexité humaine : il est sûr de ses convictions et a voué sa vie à Dieu
mais dans le même temps il est rongé par une faute qu’il porte depuis petit et
pour laquelle il s’est mutilé en se crevant un œil, en guise de punition et
pour ne pas oublier.
Et c’est un homme qui détient un
grand savoir et qui s’y connaît en science.
Même s’il s’oppose à Samuel de Naples
qui défend une forme de science et la médecine, il est lui-même un homme de
science, dans une autre mesure.
Et si la relation père/fille chez les
de Naples est forte, je trouve que celle entre l’Inquisiteur et Silas, son
novice, l’est tout autant mais dans une autre dimension.
Si le spectateur développe une empathie immédiate pour le personnage de Samuel de Naples, elle se développe sur la durée pour celui de Guillermo Barnal, c’est là l’une des réussites des scénaristes.
Si le spectateur développe une empathie immédiate pour le personnage de Samuel de Naples, elle se développe sur la durée pour celui de Guillermo Barnal, c’est là l’une des réussites des scénaristes.
Le vrai méchant de l’histoire, c’est
Turenne, et même si on déteste le personnage, il faut bien avouer que
l’histoire serait un peu creuse sans lui. Et dans les deux derniers épisodes,
il a des remarques amusantes, il apporte une légère touche d’humour à une série
sombre.
Quant à Madeleine, la sorcière, je ne
dirai pas que je n’ai pas aimé le personnage, au contraire il apporte un quelque
chose à l’histoire, et sa relation avec Aurore est intéressante : sans
enfant elle lui transmet son savoir car cette dernière a un don de
voyance ; mais j’ai une légère impression que ce personnage n’a pas été
exploité à fond, ou alors trop tardivement.
Ce qui m’a intéressé avec ce
personnage, comme pour celui d’Aurore d’ailleurs, c’est que ce sont deux femmes
en avance sur leur temps, qui veulent être traitées à égalité des hommes et qui
ne comprennent pas pourquoi elles n’ont pas les mêmes droits (à l’époque elles
n’en ont même pas beaucoup voire pas). Elles ne se laissent pas dicter leur
conduite par les hommes, c’est vrai pour Madeleine et on sent bien que cela
sera aussi le cas pour Aurore, qui d’ailleurs malgré son jeune âge comprend
très bien des notions de trahison ou de rejet et qui un père plutôt
compréhensif, l’absence de mère y étant sans doute aussi pour quelque chose
dans cette relative liberté qui lui est accordée.
Cette série permet de montrer à la
fois le monde Chrétien divisé avec deux papes, et le quartier Juif de
Carpentras, la Carrière.
Le réalisateur de la série le
reconnaît lui-même, il présente une version du Moyen-Age telle qu’il l’a
imaginée, c’est-à-dire un mélange entre l’historique, la science-fiction et le
jeu vidéo.
Dis comme cela, ça pourrait faire
peur mais au final, le résultat visuel est plus que réussi et ça ne choque pas
outre mesure, d’autant plus que c’est complètement assumé par Nicolas Cuche.
Il se dégage de l'histoire des relents du "Nom de la rose" mais j'ai interprété ça comme un hommage, ça fait clin d'oeil plutôt que pâle copie.
Il se dégage de l'histoire des relents du "Nom de la rose" mais j'ai interprété ça comme un hommage, ça fait clin d'oeil plutôt que pâle copie.
Du point de vue de la mise en scène
c’est très bien fait, il y a mêmes de très jolies scènes qui n’ont rien à
envier aux séries américaines, notamment une de mise à nu de Barnal dans une
Eglise face au Dieu qu’il sert.
Et puis le réalisateur a su créer une
ambiance, c’est une histoire relativement sombre et brumeuse, qui se passe
souvent de nuit et/ou en forêt.
L’un des atouts est un tournage
exclusif en décors réels et non en studio, et de surcroît uniquement dans des
sites français.
A l’heure où les séries ou films
partent tourner à l’étranger des histoires se passant en France, il est bon de
le souligner.
Certes, on voit un peu trop de rats
pendant les premiers épisodes, inutile d’en montrer tout le temps, tout d’abord
car nous ne sommes pas à Fort Boyard et surtout on sait très bien que la peste
va finir par arriver.
Quelques rats une ou deux fois, le
message est tout aussi clair.
Le prologue peut apparaître long mais il est nécessaire pour comprendre la suite de l'histoire.
Le prologue peut apparaître long mais il est nécessaire pour comprendre la suite de l'histoire.
Du point de vue des dialogues, je
reconnais que certains peuvent être catalogués en "culte" tant ils
sont prévisibles et téléphonés.
Ils sont aussi parfois un peu trop
modernes.
Mais le scénario se tient et se
déroule au fil des épisodes.
Je viendrai vous parler d’ici
quelques temps du livre, histoire de comparer et de donner mes impressions.
Les acteurs sont tous bien choisis,
Aurélien Wiik attire tout de suite la sympathie, Hubert Saint-Macary campe un
David de Naples patriarche et protecteur, Annelise Hesme a enfin un premier
grand rôle sur mesure, mais LA révélation de cette série, c’est Vladislav
Galard interprétant Guillermo Barnal.
Totalement inconnu jusqu’à alors, il
explose littéralement l’écran et je pense que l’on reverra cet acteur, en tout
cas je le souhaite vraiment car il joue particulièrement bien et s’est
approprié le personnage d’une façon intelligente pour le retranscrire à
l’écran, ce qui n’était pas gagné d’avance.
Du côté des jeunes, ça fonctionne bien aussi pour Lula Cotton-Frapier (Aurore) et Quentin Merabet (Silas), premiers rôles importants et prestations toujours justes.
Ca détonne un tantinet avec Anne Brochet, j'adore cette actrice et je ne remets pas en cause la qualité de son jeu, elle n'a juste absolument pas l'âge de Catherine de Sienne (mais comme d'un autre côté il n'y a aps grand chose à voir avec la vraie ça n'est pas si grave).
Du côté des jeunes, ça fonctionne bien aussi pour Lula Cotton-Frapier (Aurore) et Quentin Merabet (Silas), premiers rôles importants et prestations toujours justes.
Ca détonne un tantinet avec Anne Brochet, j'adore cette actrice et je ne remets pas en cause la qualité de son jeu, elle n'a juste absolument pas l'âge de Catherine de Sienne (mais comme d'un autre côté il n'y a aps grand chose à voir avec la vraie ça n'est pas si grave).
Pour finir, je dirai quelques mots
sur la bande son, particulièrement soignée de Christophe La Pinta.
Elle est à la fois
classique/religieuse et moderne avec des guitares électriques, elle se marie à
merveille avec les images, je n’ai rien à dire de ce côté-là.
"Inquisitio", c’est fini, mais
cette série fut une découverte intéressante, j’ai pris du plaisir à la
regarder, loin des polémiques et des déchaînements d’une minorité.
A l’origine tout de même, je tiens à
le préciser, cette série n’était pas prévue pur une diffusion durant l’été, son
thème ne se prêtant pas vraiment à cette période de l’année.
Maintenant ça va me manquer de ne
plus avoir ma petite dose de tortures hebdomadaires, promise que j’étais au
bûcher … .
A revoir ou à découvrir pour passer
un agréable moment.