mardi 9 avril 2013

Lira bien qui lira le dernier - Lettre libertine sur la lecture de Hubert Nyssen


La fin du livre ? On l'annonce pour demain depuis le berceau des incunables. S'adressant à une lectrice (imaginaire) qui s'inquiète de l'avenir de la lecture, Hubert Nyssen, fort de sa double expérience d'écrivain et d'éditeur, passe au tamis, avec humeur et humour, les craintes, les espérances, les prévisions et les prophéties qu'inspire le spectre continuellement brandi de la crise du livre. D'autres plumes, sur ce sujet, eussent été sentencieuses, moroses ou usurpatrices. De la sienne, l'encre a coulé de source. (Actes Sud)

Cher Monsieur Nyssen,

A travers cette longue lettre, qui n'est au final pas si libertine que cela, et dans laquelle vous vous adressez à une demoiselle imaginaire, Esperluette de son nom, vous dressez un état des lieux du livre, de la lecture, que vous décrivez fort judicieusement comme amants : "C'est pourquoi il me paraît urgent de vous rappeler que livre et lecture sont en quelque sorte les amants rivaux d'une belle capricieuse qui se nomme écriture.", et par la même occasion du lecteur.
Force m'est de constater qu'énoncer il y a déjà quelques années de cela, votre point de vue est toujours ô combien d'actualité.
Oui, il est toujours question que la fin du livre soit pour demain, oui, il m'arrive parfois d'entendre une voix étonnée me dire : "Quoi ? Tu lis encore des livres papier ?", voire pire : "Les livres ? La lecture ? Ca ne sert à rien.".
Je pourrais alors me lancer dans un discours enflammé pour défendre ardemment le livre, le plaisir que revêt la découverte d'un auteur, de quelques heures passées en compagnie de personnages qu'il est très difficile de quitter, mais je préfère ne rien dire et laisser cette personne dans son ignorance d'un plaisir si simple et si enrichissant à la fois.
Mais tout ça, c'était avant de lire votre livre, et aujourd'hui je serai donc en mesure de rétorquer à toutes ces personnes : "Lira bien qui lira le dernier".
Vous le dites très justement : "Le livre n'est que le support actuel de la chose écrite, il n'est rien d'autre que l'outil utilisé dans un moment de l'histoire dont nous sommes encore les acteurs.", ainsi aujourd'hui le livre vit toujours dans sa version papier, mais il se développe aussi dans une version électronique et qui sait si demain il ne sera pas appris par coeur et raconté oralement comme le font les personnages de "Fahrenheit 451".
Je vous avoue que c'est avec curiosité que j'ai commencé à lire votre ouvrage, puis très rapidement par intérêt.
Je me suis reconnue dans beaucoup de vos propos et votre livre a eu le mérite de pousser un peu plus loin ma réflexion sur la lecture, les rôles à la fois du livre et du lecteur.
C'est un aspect que j'aime dans la lecture, lorsque ce qui est écrit me pousse dans mes retranchements et m'ouvre les yeux sur des aspects jusque là ignorés, ou qui étaient tellement évidents que je ne me posais aucune question.
La curiosité, surtout littéraire, n'est décidément pas un vilain défaut.
Et puis, cela a un côté rassurant de ne pas se savoir seule par rapport à ce que l'on pense, mais aussi dans l'état de fébrilité que peut nous mettre la lecture.
Vous ne laissez rien de côté et vous abordez tous les aspects de la question, n'hésitant pas à dire des vérités qui ne sont pas toujours bonnes ni plaisantes à entendre, notamment celles concernant les Prix Littéraires : "Après tout, mademoiselle Esperluette, il vaut mieux vous dire qu'un prix littéraire, ça ne fait pas plus le talent qu'une hirondelle ne fait le printemps.".
Votre expérience est d'autant plus intéressante que vous avez eu à la fois la casquette d'éditeur mais également celle d'écrivain, et que c'est fort de vos expériences personnelles que vous avez mené vos réflexions.
Quant à votre plume, elle est tout simplement savoureuse et délectable à lire et j'aime à dire que j'ai passé un agréable moment en votre compagnie.
Malheureusement, vous êtes de ces personnes que je ne pourrai pas rencontrer ici-bas afin de pouvoir prolonger la discussion sur votre ouvrage et plus généralement sur l'avenir de la lecture, et vous dire tout le bien que je pense de votre livre et des réflexions que vous y avez couchées sur papier.
Il me reste la consolation de savoir qu'il y a en chacun des lecteurs/trices de ce livre un peu de votre demoiselle Esperluette et que le dernier lecteur n'est pas encore né.

Une modeste lectrice.

Un grand merci à George pour le prêt de ce livre ! 

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices


5 commentaires:

  1. Je dois donc être la seule fille du club à trouver que ce texte transpire le paternalisme et la condescendance à l'égard de cette Esperluette...
    Le fond m'a convaincue, mais la forme m'a agacée au plus haut point !!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne sais plus si toutes les filles l'ont lu, mais de toute façon il faut de tout pour faire un monde et le débat n'en sera que plus riche !

      Supprimer
  2. Belle idée ce billet en forme de lettre et je suis ravie que ce "petit" livre t'ait autant plu !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci, c'est venu naturellement après la lecture et c'était l'occasion de faire un billet sous une forme différente.

      Supprimer
  3. Amusante l'idée d'écrire ce billet. Il est vrai qu'elle nous pique tout du long de la lecture : paternalisme, non point. Condescendance, assurément ! pour rejoindre Lili Galipette. Forme qui n'en fait pas moins perdre un peu de clarté à la critique.

    RépondreSupprimer