jeudi 12 février 2015

Petits oiseaux de Yôko Ogawa


Il est le seul à pouvoir apprendre la langue pawpaw afin de communiquer avec son frère aîné, cet enfant rêveur qui ne parle que le langage des oiseaux, n’emploie que ces mots flûtés oubliés depuis longtemps par les humains. 
Après la mort de leurs parents, les deux hommes demeurent ensemble dans la maison familiale. D’une gentillesse extrême, l’aîné, qui ne travaille pas, se poste chaque jour tout contre le grillage de la volière de l’école maternelle. Peu à peu, la directrice remarque son calme rassurant pour les oiseaux, sa façon subtile de les interpeller, et lui confie l’entretien de la cage. 
Quant au cadet, régisseur de l’ancienne résidence secondaire d’un riche propriétaire du pays, le jardin de roses, les boiseries des salons, la transparence des baies vitrées sont à la mesure de son attachement pour les lieux de mémoire. Parfois, les deux frères décident de “partir en voyage”. Valises en main, ils font halte devant la volière. Ravis de palabrer avec les moineaux de Java, les bengalis ou les canaris citron, ils oublient dans l’instant tout projet de départ. Un jour pourtant le calme du quartier semble en danger, une enfant de l’école disparaît. (Actes Sud)

D'habitude, la magie de Yôko Ogawa opère sur moi, avec force.
Ici, ça n'a pourtant pas été le cas, pas aussi fort que d'ordinaire, et je n'arrive pas à m'expliquer vraiment pourquoi.
"Petits oiseaux", c'est l'histoire de ce cadet qui est le seul à comprendre son aîné qui s'exprime dans la langue powpow, la langue des oiseaux, c'est leur histoire à tous les deux, un quotidien fait de gestes répétés inlassablement toujours aux mêmes heures, toujours aux mêmes endroits, leur passion pour les oiseaux en toute genre et leurs chants, un rituel ininterrompu qui va pourtant cesser le jour de la mort brutale du frère aîné, laissant un vide dans le cœur et la vie du cadet : "Avec la mort brutale de son frère avaient disparu toutes sortes d'habitudes qu'ils avaient établies ensemble : les sandwichs et la soupe du midi, la radio du soir et les bagages de leurs voyages imaginaires, de sorte que l'entretien de la volière vint combler ses lacunes.".
Mais c'est aussi l'histoire de la vie de ce cadet après la disparition de son frère, de son travail à la volière de l'école qu'il entretient avec passion et soin, mais là encore ce rituel va un beau jour s'interrompre après la disparition d'une petite fille; de sa soif de littérature sur les oiseaux et de l'étrange relation qui va se nouer entre lui et la bibliothécaire; de sa vie après la volière de l'école et de sa mise à la retraite, complètement désœuvrée jusqu'au jour où il sauvera un petit oiseau et qu'il lui apprendra tous les rudiments du chant de son espèce, un oiseau qu'il gardera précieusement avec lui en cage, car contrairement à l'enfermer celle-ci lui procurera la liberté : "La cage n'enferme pas l'oiseau. Elle lui offre la part de liberté qui lui convient.".

C'est joli tout cela, il n'y a que des bons sentiments, beaucoup d'amour, une vie simple faite de petits riens qui finissent par former une grande chose, un amour profond qui lie les deux frères entre eux mais également avec les oiseaux, sauf que je suis toujours à chercher le sens métaphorique de tout cela comme il est de coutume dans les récits de Yôko Ogawa, et que je n'arrive pas à mettre le doigt dessus, me laissant l'impression que j'ai raté quelque chose au cours de ma lecture.
"Tous les chants d'oiseaux sont des chants d'amour.", peut-être que dans le fond il n'y a rien d'autre que beaucoup d'amour et de poésie, ce qui n'est pas rien, et que je suis à chercher désespérément à voir plus loin que le bonheur présent sous mes yeux, un bonheur que les deux personnages principaux de ce récit ont su saisir dès leur plus jeune âge.
La Béatitude : "Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu", illustre finalement très bien ce roman mettant en scène deux hommes qui passeront leur vie repliés sur eux-mêmes, inconscients du monde extérieur qui les entoure et qui change, uniquement préoccupés par les oiseaux et leurs chants.
Dans ce roman, le temps n'existe pas, il n'a ni saveur, ni odeur, ni unité temporelle, il ne se mesure pas.
C'est sans doute cette inconscience qui préserve autant les deux frères, puis le cadet uniquement.
Il est seul mais ce n'est pas une solitude triste, c'est une solitude riche de voyages intérieurs et de moments partagés entre lui seul et la nature.
Bien sûr, j'ai espéré que sa solitude allait se rompre, j'ai espéré qu'il y aurait un petit déclic avec la bibliothécaire mais non, Yôko Ogawa a pris le parti de faire évoluer son personnage dans un monde où il est condamné à être seul, mais la peine est douce et ne semble pas avoir de prise sur lui.
J'ai fini par ressentir au cours de ma lecture une sensation de claustrophobie, ce personnage, et par ricochet cette histoire, sont bien trop autistes pour moi, à tel point que j'ai fini par avoir l’impression d'être enfermée avec lui dans sa vie, je n'étais plus lectrice mais l'oiseau en cage.
Et si je ne peux pas dire avoir été totalement transportée par cette histoire, la plume de Yôko Ogawa est tout de même assez poétique, bien que je l'ai connue plus inspirée dans d'autres de ses romans et dans un certain sens plus accessible que dans ce récit.

"Petits oiseaux" de Yôko Ogawa est un roman doux prônant la différence et les vertus de la solitude mais qui n'a pas la puissance et la portée d'autres œuvres de cette auteur dont ma lecture la plus forte reste à ce jour "Cristallisation secrète".

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015


Livre lu dans le cadre du Challenge Petit Bac 2015 - Catégorie Taille : PETITS

2 commentaires:

  1. Pour un loupé, tu en parles drôlement bien. On sent que tu aimes l'auteur et que tu es honnête dans ta critique. J'ai aimé le livre mais je comprends tout à fait ce sentiment d'enfermement, comme si l'auteur fermait peu à peu toutes les portes devant son personnage.

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    1. J'ai essayé de transcrire au mieux mes sentiments par rapport à cette lecture mitigée. Je mettrai ce livre à part dans l'oeuvre de Yôko Ogawa.

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