dimanche 25 octobre 2015

Sauvage - Biographie de Marie-Angélique le Blanc 1712-1775 de Gaëlle Hersent, Aurélie Bévière et Jean-David Morvan


1720. Âgée de huit ans, une petite fille, partie du Canada, fuit l'esclavage. Arrivée à Marseille, après avoir subi viols et brimades, elle se réfugie dans les forêts de Champagne. Ainsi débutent dix années d'errance jusqu'à sa capture et sa progressive réhabilitation. Mêlant nature et culture, bestialité et aristocratie, violences et douceurs, cet album de contrastes raconte l'histoire extraordinaire de Marie-Angélique, l'enfant sauvage. (Delcourt)

Marie-Angélique Memmie le Blanc, Amérindienne devenue religieuse augustine et figure marquante du Siècle des Lumières après avoir été pendant plusieurs années une enfant sauvage, a connu une certaine notoriété durant sa vie et a fait l'objet d'une abondante documentation.
Considérée par le philosophe Écossais James Burnett qui la rencontre en 1765 comme "le personnage le plus extraordinaire de son temps", cette femme est tombée dans l'oubli aux 19ème et 20ème siècles.
Détrônée par d'autres cas d'enfants sauvages qui ont depuis lors été démontrés comme faux, elle n'en demeure pas moins le seul cas d'enfant sauvage réellement avéré qui après avoir vécu dix ans en forêt sans utiliser de langage articulé a pu se ré-acclimater, après de nombreuses difficultés, à la vie civile et apprendre à lire et à écrire, ce qui en fait un cas unique.
C'est à ce personnage au destin si particulier qu'ont décidé de consacrer un roman graphique Gaëlle Hersent, la dessinatrice, Aurélie Bévière et Jean-David Morvan, les scénaristes.

Je ne connaissais absolument pas l'existence de Marie-Angélique le Blanc avant d'ouvrir ce roman graphique sur lequel j'avais lu un article élogieux dans un magasine.
Aujourd'hui, j'en sais plus ce personnage qui a connu une certaine notoriété à l'époque des Lumières, notamment parce qu'elle tenait salon chez elle, et qui a eu une vie tout simplement fascinante : Amérindienne arrachée à son pays, une traversée en mer pour arriver à Marseille en pleine épidémie de peste noire, la fuite d'un patron l'ayant vraisemblablement abusée sexuellement avec une compagne Noire, la vie en forêt avec celle-ci pendant 10 ans puis le retour à la civilisation à Songy, l'éducation religieuse, la découverte du Seigneur et de la Vierge Marie, la vocation de religieuse, puis la femme instruite tenant salon chez elle, publiant son histoire et partageant son immense savoir des plantes avec autrui, et enfin cette femme recluse chez elle, ne cessant de déménager parce qu'elle a peur de se replonger dans son passé et d'affronter un acte qu'elle pense avoir commis.
Marie-Angélique est passée de l'ombre à la lumière avant de retourner dans l'ombre et de sombrer pendant plusieurs décennies dans l'oubli.
J'ai été touchée par l'histoire de cette femme, à la fois par la cruauté qui s'en dégage mais aussi par le sublime : "C'est incroyable qu'une sauvagesse ait pu apprendre si vite à lire et à écrire !".
J'ai été intriguée par bien des aspects de cette personne, notamment son aversion pour toute nourriture cuite qui perdurera pendant plusieurs années après son retour à la vie dite civilisée : "Effectivement le pain la fait vomir et elle mange surtout de la viande crue mais jamais des humains !", mais surtout par le regard qu'elle porte sur elle-même plusieurs années après et la justesse d'analyse qu'elle fait de son vécu passé : "Je ne pense pas que seul mon corps s'était adapté au mode de vie sauvage. C'est tout mon esprit qui était alors dans un état animal.".
Il est tout simplement incroyable qu'elle ait pu se réadapter ainsi à la vie, apprendre à lire et à écrire, et finir par devenir une femme très instruite pour son époque, mais aussi très libre, car bien peu de femmes pouvaient se vanter au 18ème siècle d'habiter seule chez elle.
Cette histoire vraie a donc été une révélation et a contribué pour beaucoup au plaisir que j'ai pris à lire ce roman graphique.
Mais au-delà de l'histoire, il y a également le graphisme qui joue un rôle important.
J'ai apprécié les contrastes que l'on y trouve, particulièrement dans le choix des couleurs, et le mouvement qui est donné à Marie-Angélique lorsque celle-ci retourner à la nature.
La nature et l'ambiance feutrée des salons sont en constante opposition, tout comme la violence de Marie-Angélique sauvage et la douceur de Marie-Angélique femme instruite.
Il y a certaines illustrations assez violentes par leur côté cru, la couverture en est un bel exemple, les auteurs n'ayant pas hésité à reproduire l'aspect bestial et animal de Marie-Angélique lorsqu'elle est dans sa période de vie sauvage; tandis que d'autres sont très royales et aristocrates.
En somme, il y a autant de contrastes à l'image qu'il y en a eu réellement dans la vie de Marie-Angélique le Blanc.
Là où je suis un peu plus partagée, c'est sur le dessin en lui-même.
Si j'aime l'aspect aquarelle du roman je suis un peu moins enthousiaste sur les traits des personnages, un peu trop simplistes à mon goût.
C'est bien le seul point que je reproche à ce roman graphique qui reste par ailleurs très intéressant à lire.

"Sauvage" a été une véritable découverte, ne serait-ce que pour le personnage de Marie-Angélique le  Blanc qu'il contribue à mettre en lumière.
Un roman graphique à la fois beau et cruel à découvrir pour tou(te)s les féru(e)s et curieu(ses)x de faits divers historiques.

4 commentaires:

  1. Merci pour la découverte ça en effet l'air passionnant ce parcours si atypique ! Je vais ajouter ça à mes futur lectures :)

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  2. Heureuse de lire que vous avez passé un bon moment. :-)

    Si vous avez envie de creuser un peu le sujet, je vous invite à découvrir notre blog : http://marieangelique.blogspot.be/

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    1. Merci pour votre message, je note le blog et je ne manquerai pas d'aller le lire !

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