samedi 2 octobre 2010
Le non de Klara de Soazig Aaron
Ce récit se présente sous la forme d'un journal, celui d'Angélika, l'amie et belle-sœur de Klara qui revient d'Auschwitz à Paris après une déambulation à travers l'Europe en août 1945. Le journal s'organise autour de la parole de Klara qui, jour après jour, pendant un mois, dévoile ce qu'elle a vécu. Pas de lamentations, mais elle dit froidement, avec force et violence, sa stupeur et sa colère permanente, son incapacité à accepter les codes de la vie redevenue normale. Elle refuse de revoir sa fille de trois ans et partira, au bout d'un mois, en Amérique. Il existe peu de récits sur le retour des déportés et leur difficile réadaptation à la vie quotidienne. (Pocket)
Jamais récit fictif n'aura été aussi réel tant il est difficile de croire qu'il s'agit uniquement d'un roman, et non d'un témoignage.
C'est à chaque page, à chaque phrase, à chaque mot qu'il faut se faire violence et se dire "non, ce n'est pas un témoignage, c'est un roman".
C'est l'un des rares livres qui, à ma connaissance, aborde le sujet du retour des camps de concentration, du retour à la vie, des retrouvailles avec la famille, les amis, tous ces gens qui retrouvent une personne proche mais qui n'est plus la même que celle qu'ils ont connu, et qui ne le sera jamais plus.
C'est l'une des choses très fortes de ce roman, dès le début l'auteur écrit "Klara est revenue, mais Klara ne nous est pas revenue".
C'est Klara sans être Klara, c'est un être humain plus tout à fait humain, car Klara se confie par bribes, pendant un mois durant.
Elle va raconter ce qu'a été sa vie pendant 3 ans, ou plutôt sa survie, ce qu'elle a vécu, comment elle l'a vécu, et pourquoi aujourd'hui elle refuse de revoir sa fille, pourquoi aujourd'hui elle a décidé de partir, de ne plus revoir tous les êtres qui lui étaient proches, de tirer un trait définitif sur ce qui faisait sa vie jusqu'à ce jour de juillet 1942.
Elle le raconte de façon froide, j'ai ressenti cela comme le fait que Klara est une personne qui n'a plus de sentiments, qui ne peut plus se permettre d'en avoir, parce que là-bas avoir des sentiments c'était se condamner.
Et Klara est très lucide, elle sait ce qu'elle est devenue, et elle ne veut pas l'imposer aux autres, en premier lieu à sa fille.
Klara est en colère, mais une colère froide, comme elle le raconte plusieurs fois.
J'ai été fortement marquée par le moment où elle raconte à Angélika que là-bas elle l'a vu, elle a vu son père. Mais que lui ne l'a pas vue, ou que s'il l'a vue il ne l'a pas reconnue.
Klara est clairvoyante, j'ai admiré ce personnage qui est toujours réaliste, et qui va réussir à faire accepter ses choix à la fin du livre.
C'est dur, c'est un livre très dur.
L'auteur a fait le choix d'un vocabulaire froid, implacable par moment.
Mais ce qui marque également dans ce livre, c'est la pudeur, la pudeur des sentiments, la pudeur des récits de Klara couchés sur le papier par Angélika.
L'horreur des camps n'est qu'effleurée, c'est un livre qui se concentre vraiment sur l'aspect psychologique, qui pose de nombreuses questions et qui répond à ces questions, comment fait-on pour recommencer à vivre ? Pour revoir les gens qui nous étaient chers ? Pour se reconstruire ?
Car si survivre était difficile, une lutte de chaque instant, revivre l'est encore plus.
C'était un livre comme cela que je voulais lire, je n'ai pas été déçue, bien au contraire, car c'est fait, à mon avis, de façon intelligente et sensible.
Maintenant j'ai relevé quelques points un peu bizarres (juillet 1942 pour moi c'est la grande rafle des 16 et 17 juillet, il n'y a eu que très peu de survivants, alors qu'une femme ait survécu tout ce temps, c'est d'autant plus intriguant qu'elle est bien raflée du fait de sa confession religieuse et que la grande majorité des raflés ont été gazés dès leur arrivée), c'est un peu dommage, ça déséquilibre tout le travail derrière l'écriture de ce roman.
Malgré cela, j'ai été fortement impressionnée car l'écriture, par la justesse des propos.
C'est un livre formidable, je ne peux que vous conseiller de le lire.
Cela faisait longtemps qu'un livre ne m'avait pas laissé une si forte impression.
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