jeudi 3 mai 2012

Un village français - Saison 4 - 1942 L'heure du choix



Nouvelle saisons d’ "Un village français", nouvelle année de l’Occupation.
Cette saison-ci porte sur l’année 1942, comporte 12 épisodes et deux périodes réalisées par deux réalisateurs différents : la première avec les six premiers épisodes couvre la période de juillet, la deuxième celle de novembre.
Le fil conducteur de cette nouvelle saison est une devinette : « Je suis invisible mais sans moi on ne peut pas vivre. Qui suis-je ? »

Cette première partie est ambitieuse et pourrait s’intituler « Penser l’impensable ».
Les scénaristes ont décidé de montrer les rafles de juifs qui ont eu lieu pendant l’été 1942, en insistant bien sur l’aspect novateur de ces rafles, les premières ayant déjà eu lieu en 1941, à savoir que les femmes aussi sont arrêtées ainsi que les enfants, et pour aller encore plus loin dans l’indescriptible les enfants sont même séparés de leurs parents.
Pour cela, l’histoire commence avec l’arrivée d’un train en gare de Villeneuve.


Il comporte des familles juives ayant été arrêtées et devant être conduites en région parisienne, suite à un problème technique le train ne peut pas repartir, le maire Daniel Larcher propose alors de loger ces familles à l’école.
Elles vont ainsi se retrouver parquées dans la cour de l’école et la salle principale et gardées par les gendarmes français.




Très vite, les conditions de vie se dégradent : les toilettes sont bouchées et n’ont pas été conçues pour être utilisées par autant de personnes, il n’y a pas à manger pour ces personnes (souvenez-vous, c’est en pleine période de rationnement) et l’eau se fait rare.
Voilà que même le sous-préfet demande à Jean Marchetti d’organiser des rafles de juifs étrangers sur la ville de Villeneuve pour satisfaire une demande des allemands afin que ces personnes soient elle aussi amenées à l’école et partent lorsque le train arrivera.
Tout cela ne vous rappellerait pas quelque chose ?
Et oui, les scénaristes ont transposé à l’échelle de Villeneuve la grande rafle de juillet 1942 connue sous le nom de "Rafle du Vel d’Hiv’".
Une bonne partie de l’intrigue de ces épisodes se passe en huis-clos, l’ambiance et l’atmosphère sont oppressantes, l’Occupant n’est pas trop présent mais le téléspectateur ressent à chaque instant sa présence, le durcissement de sa politique d’occupation et le climat de terreur qui peu à peu va s’installer.


Le sujet principal de cette première partie était hautement intéressant et difficile à traiter et à retranscrire à l’écran, pourtant j’ai été quelque peu agacée par des invraisemblances lors des premiers épisodes.
Déjà Sarah, l’ancienne bonne des Larcher fait son grand retour ! Elle avait juste été arrêtée en 1942 et envoyée au camp de Pithiviers or il est impossible qu’elle en soit libérée ainsi puisque tous les détenus des camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande (d’ailleurs il me semble qu’il n’y avait que des hommes) de 1941 ont été déménagés de ces camps en juin/juillet 1942 et déportés pour laisser la place aux futurs raflés de l’été.
Certes, les scénaristes la font revenir pour mettre en place un triangle amoureux quelque peu pervers chez les Larcher : Daniel ne pardonne pas à Hortense, nie en bloc ses soi-disant sentiments pour Sarah puis se jette dans les bras de Sarah au passage plus que ravie de récupérer ainsi ce cher docteur (l’oie blanche n’était pas si blanche que ça pour moi, elle en avait bien envie depuis longtemps) avec la bénédiction de Hortense, qui lui fera comme un don biblique en se sacrifiant pour lui ramener Sarah arrêtée une deuxième fois.
Parmi les détenus il est vite question de partir en Pologne, là encore ce n’est pas crédible, à ce moment-là il n’était pas possible que les détenus soient au courant de leur destination finale. Pour preuve, à Drancy c’est à partir de cette période que le mot de Pitchipoï a circulé parmi les détenus, plus particulièrement les enfants, pour désigner la destination inconnue vers laquelle ils allaient.
Lucienne l’institutrice est en gestation d’un éléphant, cela fait juste plus de 9 mois qu’elle est enceinte et elle n’a toujours pas accouché (d’où l’éléphant).


Les protagonistes ont une tendance quelque peu agaçante à balancer leur bicyclette sans ménagement dans les fourrés, à cette époque, vu le prix d’un tel engin, les gens en prenaient surtout grand soin.
Hortense fera libérer Sarah en échangeant ses papiers avec les siens et en lui donnant son laissez-passer. Elles restent cachées trop longtemps et Hortense est extrêmement bien équipée : elle a toujours sur elle son vernis à ongle qui sert en même temps de colle !
Décidément, les scénaristes ne savent pas trop ce qu’ils veulent faire avec le personnage de Sarah !
Et puis, les scénaristes ont aussi décidé d’offrir une histoire d’amour à Jean Marchetti, en le faisant tomber amoureux d’une juive étrangère qu’il allait arrêter en compagnie de sa mère.
Ce coup de foudre n’est pas trop crédible et je trouve que ce couple vient un peu trop polluer la première partie de la saison.


Hormis ces quelques éléments, cette première partie est très bonne, avec une forte intensité dramatique, des scènes très difficiles qui restent dans l’esprit des téléspectateurs.
Le point de vue vient essentiellement de Madame Morhange, revenue à Villeneuve et arrêtée par Marchetti.
Ce dernier avec cette saison prend une dimension de salaud inégalée jusqu’à présent !
Ce qui est sans doute pire, c’est qu’il est extrêmement tordu et retors et pas franc du collier pour deux sous contrairement à Heinrich Müller qui est pervers mais direct, difficile de s’attacher à un tel personnage, pour moi il n’a pas grand-chose d’humain et c’est une "belle crevure" comme le dit la mère de Rita.
Le personnage de Hortense accomplit des actes éblouissants, elle cherche à se faire pardonner, elle est en dépression complète (elle traîne en robe de chambre à midi elle d’ordinaire si élégante), elle n’a plus envie de rien et pourtant, pour faire plaisir à son mari, elle ira jusqu’à échanger sa place avec Sarah. Elle sera reconnue par Servier juste avant de monter dans le train.


C’est là qu’une nouvelle facette de Daniel apparaît : il est un peu salaud sur les bords lui aussi, dans le sens où lorsqu’elle revient, il ne lui dit pas merci, il la dispute même parce qu’elle a agi sans réfléchir et la plante aussitôt pour filer rejoindre Sarah. Hortense a un passif lourd, certes, mais elle se retrouve reléguée à occuper la chambre de l’ancienne bonne, en bref elle n’est que tolérée dans la maison et vit une sorte de "collaboration" avec Daniel.
Marie Germain reprend du service avec un réseau de résistance et l’un des personnages qui prend son envol est sans nul doute Bériot. A la fois sur un plan personnel : groupe de résistance … mais aussi affectif : sa relation avec Lucienne commence à prendre une tournure un peu plus sentimentale, enfin, cela reste difficile d’éveiller l’intérêt de Lucienne.
Albert Crémieux n’est pas non plus en reste et son personnage prend une importance considérable dans cette saison, c’est presque celui qui subira le plus de transformation et qui sera le plus marqué.


D’une façon générale, il est souvent question de devinette, des contes des Mille et une nuits, de comptines pour enfant, comme si cet arrière plan tentait de dédramatiser quelque peu le côté sombre dans lequel l’histoire vient de plonger.

La deuxième partie se situe en novembre et s’intéresse aux agents de Londres par le biais d’un radio parachuté, seul rescapé de son groupe et qui sera recueilli par le réseau gaulliste de Villeneuve.
Il cherchera à rentrer en contact avec "Dominique" et aura quelques surprises quant à l’identité de celui-ci (ou celle-ci, en l’occurrence il s’agit de Marie Germain).
Globalement, la deuxième partie voit le retour de nombreux personnages pour le plus grand plaisir des téléspectateurs.
Et, en tête de liste celui que j’attendais de pied ferme : Heinrich Müller !


Non seulement il est de retour à Villeneuve, auréolé de gloire pour son action dans l’Est (ça il le racontera à Hortense au cours d’un repas, elle en quittera la table complètement abasourdie), bien décidé à en découdre avec Daniel Larcher (c’est un peu à cause de lui qu’il avait été muté), plus puissant que jamais car chef du renseignement pour tout l’Est de la France et les SS viennent de prendre l’ascendant et surtout fermement décidé à reconquérir Hortense.


Mais voilà, problème, et pas des moindres : elle lui résiste !
Pour ceux qui avaient encore des doutes sur son attachement à Hortense, là il n’y en a plus aucun. Il demande dès son arrivée de ses nouvelles à son ordonnance, il apprend à demi-mot qu’elle a voulu se suicider, il lui fait porter un magnifique bouquet de fleurs (qu’elle lui réexpédie sans un mot) et là il se met à la suivre, mais même emmenée de force dans sa voiture elle refuse, il lui faudra donc user de subterfuges pour l’amener à avoir un dîner avec lui (je m’interroge d’ailleurs comment Hortense a pu croire à l’histoire de l’italien lui achetant toutes ses toiles et lui promettant une exposition à Florence).
Oui c’est une relation bizarre, je vous l’accorde, mais qui a tenu tout le monde en haleine lors de la troisième saison et récidive lors de celle-ci (et pour ceux me connaissant, vous savez ma propension exceptionnelle à m’attacher aux couples les plus improbables, ceci ne vous étonnera donc point).
C’est aussi le retour de Suzanne, de Marcel, de Madame Morhange et même un passage éclair de De Kervern (tout le village ou presque avait donc rendez-vous dans cette deuxième partie).

Cette deuxième partie tranche avec la première par une action omniprésente, les personnages ne sont plus enfermés ils sont au contraire souvent en plein air, il y a beaucoup de mouvements et la part belle est faite au réseau gaulliste, le personnage central étant celui de Marie Germain.
L’un des points d’orgue de cette deuxième partie, outre le parachutage d’un radio, est l’unification des mouvements de résistance avec le rapprochement des communistes et des gaullistes.


Le romanesque se mêle sans problème à l’historique et la petite histoire rejoint la grande.
Si la relation Rita/Jean était globalement ratée, celle de Marie/Vincent (le radio, interprété par Jérôme Robart, mais si, ce petit sourire vous rappelle quelqu’un : Nicolas Le Floch !) est réussie.


L’un des personnages qui m’a le plus marquée est Albert Crémieux.
Il sombre doucement dans la folie après la disparition de sa femme et de sa fille, il trahit en partie le réseau pensant ainsi sauver sa femme et sa fille (Marchetti ayant pris soin de falsifier la lettre pour lui faire croire qu’il pouvait les sortir de là) et se sacrifiera pour aider leur évasion lorsque la ferme de Marie sera encerclée.
J’ai trouvé son traitement remarquable, voilà un personnage particulièrement bien abouti dans sa construction et bien révélateur des sentiments qui pouvaient habiter les résistants, notamment sous la torture (physique et psychologique).
Il y a aussi l’introduction d’un nouveau personnage redoutable car ayant des entrée partout : Chassagne.
Non seulement il est l’amant de Jeannine, mais en prime il est un collabo à fond et a des entrée partout y compris au gouvernement de Pétain, bref, une véritable pieuvre redoutable et dangereuse.

La fin de cette saison est encore plus troublante que la précédente et sur bien des aspects.
Déjà, pour la première fois depuis le début de la série, des personnages meurent et pas forcément des secondaires (Madame Morhange par exemple).
Il était temps de nous montrer des morts, tout n’était pas rose à cette époque, loin de là.
Jean Marchetti conduit Rita en Suisse, enceinte, mais celle-ci ne veut plus rien avoir à faire avec lui depuis qu’elle a appris que c’est lui qui a arrêté sa mère volontairement pour l’éloigner d’elle (charmant garçon, comme je vous disais précédemment), il est désespéré, abat un soldat allemand pour la laisser partir mais il est difficile de savoir comment il va basculer et ce qu’il va advenir de lui.
Quant à Daniel, il n’est plus maire de Villeneuve mais (comme à son habitude) il n’a pas réagi, il a cru naïvement qu’il pourrait renouer avec Hortense après une simple nuit et tandis que celle-ci le quitte pour rejoindre Heinrich il se retourne vers Sarah, en goujat. Il apparaît un peu bête, et que fait-il au final ? Et bien il s’enfuit !
Le revirement de Hortense est là aussi très surprenant et déstabilisant. Je suis incapable d’expliquer son geste, a-t-elle une idée bien précise en tête ? Le fait-elle pour protéger Daniel et leur enfant ? Ou plus généralement pour protéger Villeneuve ? Ou elle-même ? (Elle a quand même constaté jusqu’à où Heinrich était prêt à aller pour la reconquérir) Sait-elle qu’elle sera incapable de résister et finira immanquablement par retomber dans les bras de Heinrich ?
Elle rejette presque Tequiero, Daniel ne cherche pas non plus à la retenir, pourtant le récit des atrocités auxquelles a participé Heinrich Müller dans l’Est l’a remuée et elle va vers lui, décidément, c’est un mystère.
J’ai tendance à croire qu’elle a, contrairement à son impulsivité habituelle, une idée en tête et qu’elle cherche à se protéger et à protéger les siens.
Et si elle basculait dans la résistance en fournissant des informations ?

Cette quatrième saison est plus sombre, elle est dense en thèmes traités et les personnages, très riches, sont définitivement établis tandis que le jeu des acteurs est comme toujours parfait.
En somme, elle est encore plus addictive et place la barre haut pour la cinquième saison.


Détail des épisodes

1)     Le train (20 juillet 1942)
2)     Un jour sans pain (21 juillet 1942)
3)     Mille et une nuits (22 juillet 1942)
4)     Une évasion (23 juillet 1942)
5)     La mission (24 juillet 1942)
6)     La libération (25 juillet 1942)
7)     Le visiteur (8 novembre 1942)
8)     Tel est pris qui croyait prendre (9 novembre 1942)
9)     Baisers volés (11 novembre 1942)
10) Des nouvelles d'Anna (12 novembre 1942)
11) La souricière (1942)
12) La frontière (1942)





Interview Robin Renucci

  
Interview Audrey Fleurot

  
Interview Nade Dieu

  
Making-of


3 commentaires:

  1. gwen je vais acheter les dvd je ne veux pas que tu te pendes aprés un bonzaie pitiée pour la plante !!!

    bisous

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  2. J'aime le "pitié pour la plante" lol

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  3. c'est vrai quoi pauvre plante lol non mais sérieusement je regarderais en dvd et merci ces vidéos
    bisous

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