samedi 10 novembre 2012

Dans la maison de François Ozon



Un garçon de 16 ans s'immisce dans la maison d'un élève de sa classe, et en fait le récit dans ses rédactions à son professeur de français. Ce dernier, face à cet élève doué et différent, reprend goût à l'enseignement, mais cette intrusion va déclencher une série d'évènements incontrôlables. (AlloCiné)


Claude a 16 ans, il va à l’école à reculons, n’a pas une vie facile avec un père handicapé et au fond, rien ne l’intéresse vraiment, sauf qu’en ce début d’année, il va se lier avec Rapha, un garçon de sa classe, et réaliser son rêve pour ne pas dire fantasme : pénétrer dans la maison de ce dernier.
Jusque là il n’y a rien de troublant, là où le problème apparaît, c’est que Claude va faire le récit de cette immiscion dans ses rédactions à son professeur de français.


Ce film de François Ozon est multi-facettes, il traite à la fois de littérature, plus particulièrement du processus créatif, d'art, du fantasme, de la limite entre le rêve et la réalité, le tout dans une ambiance, il faut bien le reconnaître, particulièrement malsaine.
Claude ne se contente pas de rêver de pénétrer dans la maison, il l'écrit, et poussé par son professeur de français, il va retravailler ses textes, bâtir une histoire et des personnages, et c'est là que le réalisateur également scénariste décide d'égarer volontairement le spectateur.
En effet, ce dernier n'arrive plus à faire la part des choses entre la réalité : les évènements qui se sont vraiment passés ainsi que les phrases réellement prononcées, et l'imagination : les dialogues inventés, les situations provoquées pour permettre à l'histoire de prendre corps ainsi qu'un sens.
Ainsi, il est difficile de définir si le personnage de Claude est plutôt ange ou plutôt démon, pour ma part je le perçois comme définitivement démon et manipulateur.
J'ai beaucoup aimé le thème principal de ce film, avec son côté voyeur et malsain par moment, sans doute parce que j'aime, comme beaucoup de monde, observer ce qui se passe à côté de chez moi par la fenêtre.
De plus, le film montre de façon intelligente et sous forme de clin d'oeil la façon dont se bâtit une histoire et les orientations qui sont prises par l'auteur, et quand cela conduit à une impasse on recommence pour orienter différemment l'histoire.
Le scénario a été adapté à partir d'une pièce de théâtre mais il ne subsiste pas grand chose à l'écran de la pièce, en tout cas l'action n'est pas enfermée dans un lieu unique et elle vit tout au long du récit.


Du point de vue des personnages, ils sont tous très fouillés psychologiquement et ont tous une personnalité qui s'exprime à un moment donné de l'histoire.
Ainsi, Claude a beau avoir une gueule d'ange il est loin d'en avoir les qualités, Rapha n'est pas aussi benêt (dans le sens bonne poire) qu'il en a l'air, quant au professeur de français, c'est sans doute lui qui va subir le plus de changements au cours de l'histoire.
D'ailleurs, de manipulateur au début il finit victime : victime de sa propre création en quelque sorte, en greffant sur Claude son envie d'écrire un livre et surtout que celui-ci soit reconnu à sa juste valeur.
Il partage quelques points communs avec Claude au début du film : lui aussi est désabusé, il enseigne le français mais sans réel plaisir, sachant à l'avance qu'il aura devant lui une classe non intéressée par ces sujets.

L'ironie est également présente tout au long du film, par le biais du personnage de Claude, et c'est aussi l'un des aspects que j'ai énormément appréciés.
Claude ne se contente pas de vouloir pénétrer dans la maison, ni de raconter lorsqu'il le fait, mais il porte un regard hautement ironique sur les occupants de la maison, désignant la maîtresse de maison, Esther, comme "une femme de la classe moyenne" et s'en moquant ouvertement.
Par la suite, il change de point de vue quand il apprend à la connaître, elle devient ainsi "la femme qui s'ennuie le plus au monde".
C'est la personne pour laquelle il ressent le plus de sentiment et d'émotion, et pour laquelle il finit par adoucir son jugement et sa perception.


Quant à Rapha père et fils, il n'est pas tendre non plus.
L'ironie est également présente dans le scénario, à travers le couple formé par Germain, professeur de français plutôt terre à terre, et Jeanne, dirigeant une galerie d'art contemporain.
Ces deux personnages sont en opposition, à tel point que l'on se demande à un moment donné comment leur couple tient depuis autant d'années.


J'en arrive aux acteurs, et là, comme d'habitude avec François Ozon, le casting est un sans faute.
Il y a bien entendu Fabrice Luchini, excellent, Kristin Scott Thomas, dont le jeu est toujours aussi bon, Emmanuelle Seigner qui campe à merveille cette femme au foyer de la classe moyenne éveillant un fantasme sexuel chez l'ami de son fils et tout en fragilité, et puis il y a la révélation : Ernst Umhauer, campant un Claude machiavélique sous un air angélique.
Je ne sais pas d'où il sort, mais il incarne en tout cas de façon très juste ce personnage difficilement abordable.
Découverte aussi de Denis Ménochet dans le rôle de Rapha père.
De plus, l'alchimie entre les acteurs fonctionnent à merveille, et j'ai bien aimé également les scènes où un tiers personnage intervient, en observateur (ou en voyeur, au choix) pour dire ce qui ne va pas ou non dans la route prise par l'histoire.
Encore une fois, François Ozon se permet des libertés dans la façon de filmer ses acteurs et fait mouche.


Un dernier mot sur la musique originale de Philippe Rombi, particulièrement réussie et collant très bien aux images.
Là aussi du point de vue musical François Ozon ne laisse rien au hasard et soigne toujours la bande musicale de ses films.

François Ozon est un réalisateur que je suis depuis de nombreuses années avec toujours le même plaisir, il sort environ un film par an et se renouvelle à chaque fois, ne se laissant jamais enfermer dans une histoire ou dans une façon de filmer ses personnages.
C'est à mon avis l'un des réalisateurs les plus doués de sa génération et c'est toujours avec plaisir que je vais voir l'un de ses films, "Dans la maison" n'est pas une exception : ce film hautement intrigant est réussi et vouloir pénétrer dans la maison d'inconnus n'a jamais été aussi alléchant.


3 commentaires:

  1. je serais bien aller le voir mais il n'est pas passer à coté de chez moi .
    Il faut dire qu'on est pas gatés coté ciné pour Noel ormis "populaire " et "argo" je suis restée 6 mois sans aller au cinéma ce qui me navre .
    En plus ce genre de film ne tient malheureusement pas longtemps l'affiche dommage

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  2. @ Marie : il a relativement bien marché, mais c'était presque un "coup de chance" qu'il passe, je ne suis pas gâtée non plus côté programmation.

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  3. il n'est pas passé prés de chez moi et on ne peut pas dire que les télés françaises fassent beaucoup de promotion pour les film.
    J'ai reçu la news letter de mon cinéma pour me demander d'aller voir "populaire " car ce film fait peu d'entrées " je l'ai vue mais idem il y a eu trés peu de promotion ce qui est vraiment dommage donc le cinéma français pourrait faire un effort déjà qu'il se porte mal si en plus il ne défend pas ses films .
    quand aux autres sorties franchement je ne suis pas attirée !

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