dimanche 18 novembre 2012

De flammes et d'argile de Mark Spragg


Au coeur d'une nature saisissante, Ishawooa, dans le Wyoming, est de ces villes dont l'âme marque au fer rouge le quotidien de ses habitants. Depuis l'eau glacée d'Owl Creek jusqu'aux vastes étendues du ranch d'Einar Gilkyson, les destinées de plusieurs familles s'entremêlent. Il y a Kenneth, le gamin épris des grands espaces, partagé entre son père et l'homme qui lui a appris à aimer la terre où il vit. Griff, la jeune femme passionnée de sculpture, prête à renoncer à ses études pour rester auprès de son grand-père. Et le shérif Carlson qui découvre un cadavre dans un laboratoire clandestin de méthamphétamine pendant que sa femme Jean s'adonne aux plaisirs du bourbon sans même remarquer la maladie qui le frappe. 
Entre drames, vérités inaudibles et apaisements difficiles, Mark Spragg a l'art de faire surgir des instants de drôlerie, de tendresse et de beauté. Dans la lignée des romans de Jim Harrison ou Kent Haruf, De flammes et d'argile est à la mesure des espaces grandioses de l'Ouest. (Gallmeister)

"Des vies de désespoir, de beauté, d'honnêteté, de charité, les corps consumés les uns après les autres par le feu.", cette phrase résume assez bien l'esprit de ce roman et des personnages qui le peuplent.
Il y a tout d'abord Einar, un vieil homme rattrapé par la vieillesse qui profite de ses derniers moments dans la nature qu'il aime tant auprès des gens qu'il aime : "La pluie sifflait sur les flammes, l'air s'animait d'étincelles, et il se demanda combien de fois il avait déjà été un vieillard assis devant un feu la nuit, sous les yeux d'un cheval, dans une pluie sombre.", Griff, sa petite fille, sur le point de renoncer à ses études pour s'occuper de son grand-père et de son ranch et dont la passion pour la fabrication de squelettes en argile donne le titre au roman : "Elle entendit les flammes se précipiter à travers toutes ces pièces d'argile et elle songea à la cendre volante qui, en se déposant sur les surfaces, allait produire des variations de couleur inattendues, cacao, ocre et terracotta.", McEban le voisin avec son fils Kenneth qui n'est pas vraiment son fils, Jean, la mère de Griff qui se noie dans l'alcool sans se rendre compte que son mari, le shérif, est frappé par une terrible maladie.

"De flammes et d'argile" est à la fois un roman humain grâce à sa galerie de personnages tous plus touchants les uns que les autres et dont les histoires se mêlent et s'entremêlent, donnant ainsi une dynamique au récit; et un roman sur la nature, sur ce Wyoming si sauvage qui donne tant de beauté, de grâce et de poésie à l'histoire : "Il n'y avait pas de vent, rien que le bruit de leur respiration. Ils semblaient flotter, comme on flotte dans un rêve.".
L'auteur, en choisissant d'alterner chacun des chapitres sur un personnage, a créé une dynamique dans sa trame narrative qui fait que le lecteur est d'emblée plongé au coeur de l'histoire et se laisse prendre par celle-ci.
De plus, j'ai trouvé tous ces personnages touchants et attachants, même ceux qui n'ont pas le beau rôle, comme Jean ou la femme de McEban.
Einar représente le grand-père idéal en ce qu'il concentre en lui toutes les qualités que l'on attend d'une personne de son âge, et j'ai été touchée par l'amour qu'il y a entre lui et sa petite-fille ainsi que leur complicité.
L'autre belle relation est celle entre McEban et Kenneth, même s'ils ne sont pas liés par les liens du sang, ils sont aussi proches et complices que peuvent l'être un père et son fils et ils tiennent autant l'un à l'autre, d'autant plus que Kenneth est une forme de double masculin de Griff en ce sens qu'il éprouve un amour réel et puissant du Wyoming et de la ville d'Ishawooa où se déroule l'action.
Le point fort de l'auteur, c'est de réussir à écrire sur une palette aussi large d'émotions.
Il passe de moments drôles à des moments tristes, de la joie à l'abattement, du drame au bonheur, de secrets à des vérités avouées, de la colère à l'apaisement, en somme, tous ces moments qui jalonnent la vie d'un être humain.
Et que dire de la nature si présente dans ce roman, elle est à elle seule un personnage à part entière du roman.
Les descriptions ne sont pas omni-présentes ni trop détaillées, mais elles sont suffisamment précises pour permettre au lecteur d'imaginer les lieux et les paysages, tout en lui conservant une part propre à son imagination.
Mark Spragg est né dans le Wyoming et cela se ressent dans son écriture, rien n'est forcé et c'est une forme d'amour et d'hommage à cet état qu'il rend à travers son livre.
Son style littéraire est d'ailleurs très fluide et la traduction me semble assez fidèle, j'ai été tout de suite prise par l'histoire et il m'était difficile de m'arrêter tant la continuité de l'histoire se fait à chaque chapitre alors que les personnages alternent.
Mark Spragg m'a en tout cas permis de m'évader et de vivre cette histoire dans la nature sauvage au milieu de sa galerie de personnages si humains et proches de chacun.

"De flammes et d'argile" est une belle découverte de cette rentrée littéraire 2012 et la maison d'édition Gallmeister me séduit de plus en plus avec sa collection Nature Writing.
C'est un très beau livre rempli d'émotions, qui passe de la tristesse à la tendresse, du rire aux larmes, avec en toile de fond le côté sauvage des verts pâturages du Wyoming, en somme une représentation littéraire fidèle aux grands espaces de l'Ouest américain.

Livre lu dans le cadre du challenge Babelio de la rentrée littéraire 2012


Livre lu dans le cadre du challenge ABC Critiques 2012/2013 - Lettre S


2 commentaires:

  1. Réponses
    1. Pareillement ! Je n'ai jamais été déçue jusqu'à présent, ce qui est plutôt rare vis-à-vis d'une maison d'édition.

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