samedi 24 novembre 2012

Une vie inachevée de Mark Spragg


Dans un ranch délabré d'Ishawooa, Wyoming, le vieil Einar vit reclus dans une tranquille solitude depuis la mort de son fils, dix ans plus tôt. Aussi voit-il d'un mauvais œil resurgir sa belle-fille, Jean, qu’il tient pour responsable de l’accident de voiture qui a coûté la vie à Griffin. Fuyant son compagnon violent, la jeune femme vient se réfugier chez lui. Einar découvre alors l'existence de sa petite-fille Griff, âgée de neuf ans. Le tempérament bien trempé de l'enfant et la fascination qu'exerce sur elle la vie au ranch ne laissent pas le vieil homme indifférent. Mais tandis qu'un équilibre fragile semble s’instaurer, l'ex-amant de Jean débarque en ville. Cette flamboyante histoire d'amour, d'amitié et de rédemption est une véritable ode aux espaces de l’Ouest américain. Une vie inachevée a été porté à l'écran avec Robert Redford dans le rôle d'Einar. (Gallneister)

"Chaque être humain a une mère qui possède un don particulier. La sienne a le don de se trouver le même homme, où qu'elle soit.", et pour la jeune Griff, sa mère ne se trouve que des hommes violents qui la maltraitent, hormis son père Griffin qu'elle n'a jamais connu et qui est mort dans un accident de voiture alors que Jean conduisait.
Le dernier homme en date, c'est Roy.
Il habite dans une caravane et a une drôle de conception de la femme et d'une relation amoureuse : "C'est la femme qu'il aime. Il l'a laissée se sentir supérieure, parce que de toute façon c'est ce qu'elle voulait. Lui dire de se faire chauffer sa soupe, ça suffit pas, loin de là, pour qu'il sorte de ses gonds. Mais s'il y a une chose qui lui tape sur le système, c'est quand elle se met à aboyer, à énumérer toutes les petites conneries qui sont arrivées et à les lui balancer dans la tronche. Qu'est-ce qu'il y peut ?", aussi, après avoir pris des coups au visage la veille au soir, Jean se décide enfin, poussée par sa fille, à s'enfuir et à s'éloigner de cet homme.
Parce que sa voiture tombe en panne et qu'elle n'a plus beaucoup d'argent, elle décide de retourner dans le Wyoming, à Ishawooa, la ville dont elle est originaire, dans laquelle habite Einar, son beau-père, qui ne sait même pas qu'il a une petite fille de neuf ans.

Ishawooa, c'est à la fois une ville où des personnes paumées dans la vie se retrouvent mais également où des personnes découvrent qu'ils ont de la famille, et que, peut-être, ils pourraient bien s'entendre avec cette famille, se mettre à aimer les gens et où finalement tout le monde pourrait vivre dans une forme de bonheur, un bonheur construit jour après jour, après avoir mis de côté les rancoeurs et la haine et appris à pardonner.
Ishawooa, c'est la ville où tout a commencé et où l'espoir renaît.
Dans ce récit, l'espoir est porté par une petite fille qui va réussir à se faire aimer de son grand-père et de son meilleur ami, mais également à réconcilier sa mère avec ce grand-père qu'elle vient de découvrir et qu'elle n'a plus envie de quitter, parce que pour la première fois de sa vie, elle a vraiment un "chez elle".
Et même si les morts sont présents : "Les morts, ce n'est pas comme s'ils vous avaient dit qu'ils ne supportaient plus le Wyoming et qu'ils étaient partis à Tucson, pourtant ça fait cet effet-là. Comme s'ils étaient très loin, qu'ils ne téléphonaient et n'écrivaient plus, comme s'ils l'avaient abandonné.", ils apparaissent dans le récit de façon apaisée.

Ce livre se distingue par bien des aspects, tout d'abord par des personnages forts et charismatiques qui portent le récit sur leurs épaules, qu'il s'agisse d'Einar, un vieil homme touchant, de Mitch, son vieil ami quasi mourant suite à une grave blessure causée par un ours, de Griff, cette petite fille si sage et si réfléchie; mais également par des personnages plus faibles que le lecteur apprend à découvrir et à apprécier, notamment Jean, cette trentenaire complètement paumée dans sa vie sentimentale et dans la vie de façon générale, qui peut agacer au début par une forme de légèreté et d'inconséquence mais qui se révèle au final plus forte que frêle et pas si mauvaise tout bien considéré.
Ce qui m'a également frappée au cours de ma lecture, c'est le côté très pudique de l'histoire, où les personnages n'expriment jamais leurs sentiments pourtant bien présents, où ils ont peu de geste d'affection les uns envers les autres pourtant ils s'aiment avec force.
D'ailleurs, il n'y aucune discussion superflue ou inutile entre les personnages, ils n'ont pas besoin d'échanger de paroles pour se comprendre et le lecteur n'a pas non plus besoin de pages de dialogues pour saisir la profondeur des sentiments entre eux.
Ainsi, j'ai trouvé la fin du récit particulièrement touchante et émouvante, avec Mitch qui espère depuis le début que Griff reste sans trop y croire pourtant : "Elle voulait dire vivre ici, tu crois ?", et où Einar au moment de lui répondre ne cherche plus à s'en convaincre car il en a désormais la certitude : "Je crois que c'est exactement ce qu'elle voulait dire.".
Le titre est également bien choisi, il peut s'appliquer aussi bien aux morts dont la vie restera à jamais inachevée, particulièrement celle de Griffin, le fils d'Einar mort jeune dans des conditions tragiques; mais aussi aux vivants, aux personnages qui sont jeunes et qui ne font finalement que débuter leur vie mais aussi à ceux plus âgés pour qui la vie aurait été inachevée sans cette rencontre, notamment Einar qui n'aurait jamais connu sa petite fille et la puissance du lien qui existe entre eux..
Et puis, il y la nature sauvage en toile de fond de l'histoire, avec des descriptions du Wyoming qui invitent au voyage et font travailler l'imagination du lecteur.
Les personnages sont à l'image de cet état de l'Ouest américain : à la fois sauvages et forts.

"Une vie inachevée" est un très beau roman de Mark Spragg qui parle d'amour, d'amitié, de pardon, de rédemption, des drames de la vie mais aussi de ses joies, avec en toile de fond la nature sauvage et indomptée de l'Ouest américain, à l'image des personnages donnant vie à cette histoire.

Je remercie Babelio et les éditions Gallmeister pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.

Livre lu dans le cadre du challenge Babelio de la rentrée littéraire 2012


2 commentaires:

  1. Réponses
    1. L'adaptation cinématographique qui en a été faite n'est pas trop mal. Il y a une suite à ce livre d'ailleurs !

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