samedi 30 juillet 2016

L'amie prodigieuse - Enfance, adolescence d'Elena Ferrante


Naples, fin des années cinquante. Deux amies, Elena et Lila, vivent dans un quartier défavorisé de la ville, leurs familles sont pauvres et, bien qu'elles soient douées pour les études, ce n'est pas la voie qui leur est promise. Lila, la surdouée, abandonne rapidement l'école pour travailler avec son père et son frère dans leur échoppe de cordonnier. En revanche, Elena est soutenue par son institutrice, qui pousse ses parents à l'envoyer au collège puis, plus tard, au lycée, comme les enfants des Carracci et des Sarratore, des familles plus aisées qui peuvent se le permettre. Durant cette période, les deux jeunes filles se transforment physiquement et psychologiquement, s'entraident ou s'en prennent l'une à l'autre. Leurs chemins parfois se croisent et d'autres fois s'écartent, avec pour toile de fond une Naples sombre mais en ébullition, violente et dure. Des chemins qui les conduiront, après le passage par l'adolescence, à l'aube de l'âge adulte, non sans ruptures ni souffrances. (Gallimard)

Tout commence par un coup de téléphone du fils de Lila à Elena, parce que sa mère a disparu et qu'elle demeure introuvable.
Mais Elena a vite fait de l'envoyer paître, car elle sait que c'est ce que Lila a toujours voulu : "Cela fait au moins trois décennies qu'elle me répète vouloir disparaître sans laisser de trace, et il n'y a que moi qui sache vraiment ce qu'elle veut dire.".
Puis elle se souvient, de leur enfance dans un quartier défavorisé de Naples à la fin des années cinquante, de leur rencontre, de la rivalité qu'il y a toujours eu entre elles puis des chemins qu'elles ont suivi au sortir de l'enfance et durant l'adolescence.
Lila la surdouée n'a pas continué ses études, elle a rapidement abandonné l'école pour travailler avec son père et son frère dans la cordonnerie.
A contrario, Elena, poussée par son institutrice, a continué à apprendre, à fréquenter le collège, puis le lycée, malgré la pauvreté de ses parents.
Tout le temps le chemin de ces deux filles se croisent, parfois elles s'affrontent, rivalisent entre elles, à d'autres moments elles s'entraident, mais elles grandissent et changent, aussi bien physiquement que mentalement et c'est ensemble qu'elles vont franchir le seuil de l'adolescence à l'âge adulte.

Ce livre m'a été chaudement recommandé par un collègue de travail, je l'en remercie.
J'aime l'Italie, ceci n'est pas un scoop, j'aime également la littérature Italienne, là encore rien de neuf, mais alors comment ai-je pu passer à côté de ce roman qui agite l'Italie et bien d'autres pays depuis sa sortie ?
Fort heureusement j'ai comblé cette lacune et c'est avec grand plaisir que j'ai découvert les personnages attachants d'Elena et de Lila ainsi que la ville de Naples dans les années cinquante/soixante.
Ce roman se focalise sur la vie et le destin de ces deux filles qui s'attirent autant qu'elles se rejettent.
Si l'histoire est racontée par Elena il n'en demeure pas moins que Lila est toujours au centre, elle n'est pas un faire-valoir d'Elena elle est au contraire le personnage qui la pousse dans ses derniers retranchements.
Lila n'a pas froid aux yeux, elle a du caractère et sait ce qu'elle veut, elle n'hésite pas à tout bousculer autour d'elle mais surtout elle se nourrit de la curiosité et de la découverte de nouvelles choses, qu'elle abandonne dès qu'elle en a compris le mécanisme, à l'image du latin qu'elle apprend toute seule très facilement ou du grec.
Lila aime les nouvelles expériences, sa devise est : "Si on n'essaie pas, rien ne change jamais.".
Contrairement à Elena, qui n'aime pas être mise hors de sa zone de sécurité et de confort.
Lila est une jusqu'au-boutiste, elle n'hésite pas à tout broyer autour d'elle pour mieux reconstruire : "Elle était comme ça, elle rompait les équilibres seulement pour voir de quelle autre manière elle pouvait les recomposer.".
Lila et Elena sont les deux facettes d'une même pièce, parfois elles ne se parlent pas, parfois elles se disent tout, parfois elles s’affrontent, parfois elles s'associent.
Mais elles n'arrivent jamais à s'accorder l'une à l'autre : "C'était comme si, par quelque vilain tour de magie, la joie ou la douleur de l'une impliquaient la douleur ou la joie de l'autre.".
Je vois Elena et Lila comme des personnages miroir, l'une est le reflet inversé de l'autre et vice-versa.
Il y a la reine blanche, Elena, et la reine rouge, Lila.
Pourtant elles ne peuvent pas vivre l'une sans l'autre.
Cette forte relation est l'un des atouts majeurs du livre et elle m'a tout simplement fascinée, d'autant que c'est remarquablement écrit.
Et puis il y a aussi l'arrière-fond, la ville de Naples tout d'abord, au début peu présente car limitée au quartier où vivent les jeunes filles, puis qui se découvre au fur et à mesure qu'elles grandissent et sortent hors des frontières de leur monde.
Pour qui connaît Naples, cette ville est à la fois fascinante et rebutante, un peu à l'image des deux personnages féminins.
Mais il y a aussi le contexte historique, le roman commence à la fin des années cinquante, l'Italie se remet de la guerre, il y a beaucoup de pauvreté et l'économie n'est pas florissante, mais ce pays va se redresser en même temps que les deux héroïnes grandissent.
En lisant ce roman je n'ai pu m'empêcher de penser au film "Affreux, sales et méchants" d'Ettore Scola pour les conditions de vie dans les quartiers pauvres dans les années soixante-dix.
L'intrigue se passant à Naples il est bien entendu question de mafia, de clan, de jalousie, "L'amie prodigieuse" est un roman complètement napolitain.
Ce n'est qu'après cette lecture que j'ai découvert l'engouement suscité par ce livre, le premier d'une série de quatre dont seuls les deux premiers ont été traduits en Français pour l'instant, car nul ne sait qui se cache derrière Elena Ferrante, et autant dire que les spéculations vont bon train qui tenter de percer le mystère.
Car oui, Elena Ferrante n'est qu'un pseudonyme, la personne l'utilisant se cache derrière depuis plus de vingt ans, mais alors quelle plume !
C'est brillant, c'est magnifique, c'est beau à en pleurer (la traduction est donc réussie, mon niveau d'Italien ne me permettant pas de découvrir cette série dans sa langue d'origine), c'est hautement féministe, car le "je" est systématiquement une femme chez Elena Ferrante, et selon moi c'est tellement réaliste que l'auteur ne peut qu'être originaire de Naples et y avoir vécu de nombreuses années (voire même y vivre toujours).
Je trouve également que cette histoire ferait une merveilleuse adaptation télévisuelle.
Mais je dois surtout vous dire que ce roman m'a tellement transportée qu'en lisant la dernière phrase je n'ai pu m'empêcher de m'esclaffer haut et fort dans une rame de train un "Oh !" de surprise tant ce premier tome se conclut sur une chute qui donne irrémédiablement envie de se précipiter sur le second.
Et je crois bien que de mémoire de lectrice ceci ne m'était jamais arrivé.

Qui est Elena Ferrante ?
Sincèrement je m'en fiche, mais "L'amie prodigieuse" est un roman tout simplement prodigieux, profondément napolitain et viscéral et une formidable claque littéraire.


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