jeudi 14 juillet 2016

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit de Celeste Ng


Lydia Lee, seize ans, est morte. Mais sa famille l’ignore encore… 
Sa mère, Marylin, femme au foyer, rêve que sa fille fasse les études de médecine qu’elle n’a pas pu accomplir. Son père, James, professeur d’université d’origine chinoise, a tant souffert de sa différence qu’il a hâte de la retrouver parfaitement intégrée sur le campus. 
Mais le corps de Lydia gît au fond d’un lac. 
Accident, meurtre ou suicide ? Lorsque l’adolescente est retrouvée, la famille Lee, en apparence si soudée, va devoir affronter ses secrets les mieux gardés. Des secrets si longtemps enfouis qu’au fil du temps ils ont imperceptiblement éloigné ses membres, creusant des failles qui ne pourront sans doute jamais être comblées. (Sonatine Editions)

Tout commence un beau matin lorsque Lydia, seize ans, n’apparaît pas pour le petit déjeuner. Elle n’est pas dans sa chambre, elle n’est pas à l’école, elle a tout simplement disparu, s’est évaporée comme si elle n’avait jamais existé. Sa famille s’inquiète : la mère, Marylin, femme au foyer est rongée par l’inquiétude, le père part travailler comme tous les jours, son frère s’interroge et soupçonne bien vite un voisin d’être lié à cette disparition, quant à la petite sœur elle ne dit rien mais continue d’essayer d’attirer l’attention et l’affection de ses parents. Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que le corps de Lydia gît au fond du lac. Lorsque son cadavre est retrouvé toutes les pistes sont évoquées : accident, suicide, meurtre, et tandis que la police s’oriente bien vite vers la thèse du suicide la mère refuse d’y croire et décide de découvrir ce qui est arrivé à sa fille chérie : "Elle découvrira ce qui est arrivé à Lydia. Elle découvrira qui est responsable. Elle découvrira ce qui est allé de travers.".

L’intrigue de ce roman n’est pas policière, l’important n’est pas de savoir le fin mot de l’histoire sur la mort de Lydia mais de comprendre ce qui a pu se passer et l’amener à se retrouver au fond du lac. En apparence, les Lee sont une famille soudée bien que différente des autres. Le père est d’origine Chinoise, il s’agit donc d’un couple mixte, chose rare dans l’Amérique des années 60 et faisant d’eux une sorte de phénomène de foire. Ils s’aiment tous les uns les autres mais là encore ce ne sont que des apparences, la question "Comment tout était-il autant allé de travers ?" est donc légitime. En grattant le vernis les failles apparaissent : si le père et la mère aimaient Lydia, ils le faisaient de façon exclusive et rejetaient les deux autres enfants, n’ayant de regard et d’aspiration que pour la belle et troublante Lydia, au physique Chinois avec de superbes yeux bleus hérités de sa mère. Et Lydia n’en pouvait plus de tout cet amour porté sur elle, et exclusivement sur elle, de ses parents qui s’imaginaient tant de choses sur elle alors qu’elle était bien différente de cette fille qu’ils avaient idéalisé : "Sauf que tu n'es jamais ce qu'ils croient.". Son frère partageait ce fardeau avec Lydia, mais il était aussi sur le point de partir à l’université et de quitter cette maison dans laquelle les parents ne voyaient et ne juraient que par Lydia, laissant cette dernière toute seule avec une petite sœur qu’elle ne connaissait pas vraiment et qui se confond avec les meubles tant elle tient à rester discrète, tout en quémandant un peu d’amour maternel. La disparition puis la mort de Lydia sont l’événement catalyseur de l’histoire, ils vont entraîner des révélations et déterrer des secrets trop longtemps enfouis. J’ai beaucoup aimé la façon dont cet événement tragique va amener la famille Lee à exploser en plein vol et à révéler leur vrai visage. Marylin la belle et gentille mère au foyer est en réalité une femme rongée par les remords d’avoir arrêté ses brillantes études pour cause de mariage et de grossesse, à tel point que plusieurs années auparavant elle avait fui le domicile et disparu sans crier garde pour reprendre le fil de sa vie suspendu des années plus tôt. Aujourd’hui, elle se retrouve de nouveau seule et désemparée, car en plus de la mort de sa fille c’est aussi celle de son couple, elle qui avait renoncé à tant de choses pour sa famille se retrouve seule et désemparée : "Vous aimiez si fort et espériez tant, et vous finissiez sans rien. Des enfants qui n'avaient plus besoin de vous. Un mari qui ne voulait plus de vous. Rien que vous, seule, et du vide.". Cette histoire est somme toute assez cruelle, en premier lieu pour Lydia, mais aussi pour sa famille, car chacun à tour de rôle va souffrir de cette disparition, mais également se révéler grâce à elle et ouvrir les yeux sur bien des choses. Le contexte est également intéressant, dans une Amérique qui n’accepte pas bien le métissage et reste raciste. Pour un premier roman je l’ai trouvé particulièrement bien réussi, l’histoire est bien amenée et développée de façon intelligente, j’ai aimé comment chacun se dévoile au fur et à mesure et finit par se révéler. La psychologie de tous les personnages est bien travaillée et maîtrisée, particulièrement celle de Lydia et de sa mère Marylin, sans doute les deux personnages les plus poignants de ce roman. Je regrette juste la fin de cette histoire tragique, un peu trop plate et d’un niveau inférieur au reste du roman. Une fin qui personnellement ne m’a pas complètement convaincue car j’attendais à ce qu’elle soit amenée autrement et surtout ne tombe pas aussi lourdement tel un caillou jeté négligemment dans l’eau. Légère déception car tout le reste faisait de beaux ricochets sur une eau limpide, ce qui explique pourquoi je ne qualifierai pas cette lecture de coup de cœur.

"Tout ce qu’on ne s’est jamais dit" est un beau premier roman qui explore les secrets enfouis d’une famille qui vole en éclat après la mort de l’un des enfants, une belle découverte littéraire.

Livre lu dans le cadre du Prix Relay 2016

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire