mardi 12 décembre 2017

Chère brigande - Lettre à Marion du Faouët de Michèle Lesbre


La silhouette libre et rebelle de Marion du Faouët, « Robin des bois » bretonne qui, dans les premières années du XVIIIe siècle, prenait aux riches pour redistribuer aux pauvres, a toujours fasciné Michèle Lesbre. 
Parce qu’une femme aux cheveux roux prénommée Marion, qui avait élu domicile dans une boutique désaffectée en bas de chez elle, a soudain disparu, les traits de l’autre Marion, la « chère brigande », se superposent à ceux de la SDF parisienne. L’écrivain décide alors de partir sur les traces de l’insoumise bretonne, qui mourut sur le gibet à trente-huit ans, lui adressant, pour conjurer l’injustice du monde et sa propre impuissance, une longue lettre. 
À la faveur du trajet en train vers Quimper, les souvenirs d’une autre époque de sa vie resurgissent, quand, jeune militante, elle manifestait contre la guerre d’Algérie ou, institutrice, elle apprenait à lire aux enfants. La vie de Marion agit comme un miroir tendu à ses utopies et à ses révoltes passées : à dix-huit ans, Marion, elle, créait une bande de brigands. Avec des comparses recrutés parmi ses proches, elle allait écumer les bois et redresser les torts. Le Faouët, les monts d’Arrée, Quimper : tous ces lieux, où Marion a vécu et que l’enquêteuse arpente, ravivent la vaillance et l’impétueuse générosité de son héroïne. (Sabine Wespieser)

Je ne cacherai pas que de savoir qu'un roman sortait sur Marion du Faouët m'a rendue joie et bonheur.
Voilà une femme qui j'aime, découverte il y a vingt ans cette année, et dont l'histoire mérite d'être racontée et connue.
Il se trouve que Michèle Lesbre aussi l'apprécie, et que tout a commencé d'une femme aux cheveux roux SDF dont le prénom serait Marion et qui a mystérieusement disparu un jour : "Les yeux dans le vague, elle semblait suivre la litanie des conflits ici ou là avec une sorte de détachement méprisant, elle avait des soucis d'une autre nature, chaque jour était sans doute un combat dérisoire et vital.", réveillant en l'auteur cette autre Marion bien connue des bretons.

Michèle Lesbre s'est laissée porter par ses réflexions, d'abord par rapport à cette femme sans domicile puis par un voyage vers Quimper, sur les traces de Marion du Faouët, tout en se remémorant l'homme qu'elle aimait et avec qui elle déambulait dans les rues de Quimper.
Michèle Lesbre le dit : "Je te parle simplement, je suis une femme qui écrit à une femme.", et c'est aussi avec son âme de femme qu'elle parle à Marion, qu'elle raconte son histoire tout en faisant des parallèles avec la sienne et ses engagements : "La jeune femme révoltée et rebelle que tu es, dont la vie est un palimpseste que le temps colporte, après des générations de conteurs qui se la sont appropriée comme je me l'approprie, me rappelle mes propres colères, mes propres engagements, les blessures que laisse l'Histoire.".
Mais c'est aussi un triste constat que l'auteur fait, en plusieurs siècles la condition féminine n'a malheureusement pas évolué tant que cela et ce qui était vrai à l'époque de Marion du Faouët l'est encore à notre époque : "Je dois te dire qu'aujourd'hui le corps des femmes est toujours en proie à tous les affronts sexuels, toutes les violences, et parfois, dans certains pays, elles sont brûlées lors de mensongers accidents domestiques, lapidées, partout prisonnières des fantasmes masculins.".
J'ai aimé cette navigation entre le passé plus ou moins lointain, le présent, sans chronologie mais uniquement écrite au fil des pensées de l'auteur.
C'est une belle réflexion que mène Michèle Lesbre, qui montre à la fois que l'on peut être touché par une situation sans pouvoir rien y faire, et même lorsque l'on se décide à franchir le cap et essayer de faire quelque chose la fierté de la personne en face nous en empêche.
C'est aussi un constat de notre époque, de la vie personnelle et amoureuse de l'auteur, et des parallèles que l'on peut faire lorsque l'on se retrouve dans un lieu chargé d'Histoire.
En somme, des réflexions comme il nous est déjà arrivé d'en faire, c'est sans doute pourquoi ce livre m'a autant parlé, outre l'héroïne qui exerce sur moi une certaine fascination.
Et puis, il y a le style de Michèle Lesbre, poétique, engagé, personnel, un style qui m'a portée tout au long de cette lecture, certes courte mais intense.

Que voilà une belle lettre pleine d'humanité adressée à Marion du Faouët, brigande au grand cœur née dans la pauvreté et la misère et qui refusât sa vie durant que cela soit le cas pour les personnes qui étaient proches; mais aussi à toute personne un tant soit peu sensible et ouverte aux autres.

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