jeudi 14 décembre 2017

Nos années folles d'André Téchiné

     
     

La véritable histoire de Paul qui, après deux années au front, se mutile et déserte. Pour le cacher, son épouse Louise le travestit en femme. Dans le Paris des Années Folles, il devient Suzanne. En 1925, enfin amnistié, Suzanne tentera de redevenir Paul. (AlloCiné) 


L'histoire étonnante de Paul Grappe, je l'ai découverte à travers la bande dessinée de Chloé Cruchaudet "Mauvais genre".
Elle surprend, cette histoire d'un homme qui par refus de retourner au front et pour pouvoir vivre à l'air libre va se travestir en femme, aidé par son épouse.
Et se perdre au passage, perdre son identité, ne plus savoir qui est Paul ou Suzanne, se perdre avec Suzanne dans les plaisirs de la nuit et une sexualité débridée où les interdits n'ont plus lieu d'être.
Alors, comment André Téchiné s'est-il emparé de cette histoire pour la montrer à l'écran ?


C'est en repensant au film que l'on se met à saisir les symboliques dont le réalisateur a parsemé les dialogues.
Ainsi, dans un scène où Paul, encore soldat, vient de rejoindre Louise dans une chambre miteuse, celle-ci le lave et il lui demande de frotter pour retirer l'odeur de boue, et si elle l'aimera encore quand il n'aura plus de peau.
Comprendre : m'aimeras-tu si je change de peau ?
Et plus tard : continueras-tu à m'aimer en femme ?
On voit souvent Paul boire un verre avant/pendant la guerre, ce qui laisse présager de son alcoolisme par la suite et des verres qu'il enfilera à la chaîne.
Il faut dire qu'André Téchiné a l'habitude de ne pas tout expliquer et de laisser le spectateur deviner.
Si sa Louise reste quasiment la même du début à la fin, il n'en est pas de même de Paul.
Il y a Paul l'homme, celui de 14-18, celui qui se travestit, celui qui se prostitue, celui qui joue son propre rôle sur une scène.
A la fin, Paul est un puzzle dont les pièces sont éparpillées aux quatre vents, pas étonnant que Paul ne sache plus qui il est ni ce qu'il veut être.
La folie de Paul se ressent à l'écran, tout comme la peur qu'il inspire à Louise, pourtant à l'origine de la création de Suzanne, une créature diabolique qu'elle ne maîtrise plus.


La mue de Paul n'est pas toujours très réussie, il faut bien le reconnaître, surtout si l'on compare à Romain Duris dans "Une nouvelle amie" de François Ozon, qui excellait dans ce rôle d'homme se transformant en femme.
Si Céline Sallette est juste dans son jeu, c'est d'ailleurs un vrai bonheur à voir  l'écran tant elle habite ce personnage de Louise et tant il semble avoir été fait pour elle, on ne peut pas toujours en dire autant de Pierre Deladonchamps que je découvrais à l'écran pour la première fois.
Il joue parfois bien, d'autres fois il est en-dessous, ou alors le problème vient de la direction par André Téchiné de ses acteurs.
J'ai eu l’impression qu'il pouvait donner bien plus, ce rôle n'était pas évident et ce n'est pas une mission complètement réussie.
Autant j'ai pu cerner Louise autant Paul reste une énigme, Suzanne serait presque plus compréhensible.
Heureusement que pour rehausser un tantinet l'ensemble il y a la très belle reprise de la chanson Auprès de ma blonde par Olivia Chaney qui vient ponctuer les scènes de ce film, sinon Céline Sallette n'aurait pas suffi à elle seule pour tenir le film.
C'est un bon André Téchiné mais j'ai connu mieux de ce réalisateur, je suis partagée sur ce film, surtout en y repensant après coup.


"Nos années folles", c'est d'abord l'histoire d'une passion entre un homme et une femme, et qui dit passion sous-entend évidemment drame; puis celle d'une mue qui aurait pu mieux réussir à André Téchiné.

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