jeudi 21 décembre 2017

Gen d'Hiroshima - Tome 1 de Keiji Nakazawa


Dans le Japon en guerre, le jeune Gen Nakaoka et sa famille survivent, tant bien que mal, entre la faim et les persécutions dues au pacifisme militant du père, dans une ville curieusement épargnée par les bombardements, jusqu'au matin du 06 août 1945, lorsque l'enfer nucléaire se déchaîne soudain sur Hiroshima. (Vertige Graphic)

Nous sommes au Japon en 1945.
Le jeune Gen Nakaoka vit à Hiroshima avec sa famille, son père étant un pacifiste ils sont rejetés par leurs voisins et méprisés, car au Japon à cette époque il est très mal vu d'être contre la guerre, et donc contre l'empereur : "La guerre avait appris aux japonais que mourir pour l'empereur était un honneur. De ce fait, ils n'avaient plus peur de la mort.".
Victime de brimades, la famille Nakaoka a du mal à trouver de quoi se nourrir, et se divise, l'un des garçons décidant de s'enrôler dans l'armée.
Cette division dans la famille Nakaoka n'est que le reflet du Japon à cette époque : "Il faut que les japonais, tous autant qu'ils sont, se respectent. Sinon, la guerre ne finira pas.".
Et ce que Gen et sa famille ne soupçonnent pas, c'est que bientôt, le 6 août précisément, va s'abattre du ciel la première bombe atomique de l'Histoire : "Pour la ville d'Hiroshima où vivaient Gen et les siens, le compte à rebours du moment fatal avait commencé.".

"Gen d'Hiroshima" est l'oeuvre la plus connue de Keiji Nakazawa et également une autobiographie, l'auteur ayant perdu son père, un frère et sa sœur dans l'explosion de la bombe à Hiroshima.
Il a donc créé son alter ego en la personne de Gen pour raconter l'avant bombe et l'après bombe dans une oeuvre aujourd'hui majeure de la littérature Japonaise, et sans doute l'une des plus précises sur ce que les Japonais ont vécu.
Trop facilement vient à l'esprit l'image des Japonais kamikazes, prêts à tout pour gagner la guerre, mais on a tendance à oublier à oublier la population qui, pour une majorité, soutenait les décisions de l'empereur et du gouvernement mais qui dans le même temps payaient un lourd tribu à la guerre en termes de pertes humaines et de restrictions alimentaires.
Alors les pacifistes comme le père de Gen, n'en parlons pas, et apprenons au passage que les Coréens étaient également mis au ban de la société, ce qui est le cas d'un voisin de la famille Nakaoka.
La majeure partie de ce premier tome est consacré aux quelques jours avant la bombe, période plutôt heureuse pour Gen qui fait les quatre cent coups avec son jeune frère Shinji, et permet de dresser un portrait précis des conditions de vie quotidienne en 1945.
La fin est évidemment consacrée à la bombe : "Ce fut comme le cri fou d'un démon. Le champignon atomique monta jusqu'à 10 000 mètres de hauteur en trois minutes et s'étendit à une vitesse incroyable.", les images de l'explosion sont saisissantes mais celles qui frappent le plus sont celles après, avec des personnes brûlées, dont la chair part en lambeaux et qui se traînent misérablement dans les décombres en agonisant et en mourant dans les minutes qui ont suivi l'explosion : "La chaleur de l'explosion fit fondre la peau de ceux qui étaient dehors. Les gens habillés en noir furent plus gravement brûlés. Les gens se retrouvèrent quasiment nus, le souffle ayant arraché leurs vêtements.".
Je crois bien que c'est la première fois qu'il m'était donné de voir de telles horreurs, car les Américains ont pris soin de préserver les photographies et vidéos ayant été faites à l'époque après les deux bombardements atomiques, mieux valait cacher l'atroce vérité à la face du monde.
Outre ces humains en décomposition, l'image la plus forte de ce récit est un cheval en feu devenu fou qui déambule dans les rues.
Visions d'apocalypse malheureusement réelles, l'horreur a atteint son paroxysme une première fois dans la matinée du 6 août 1945.
Si "Gen d'Hiroshima" est historiquement le premier manga publié en France en 1983 il rencontrera un échec cuisant, tout comme la deuxième tentative de publication en 1990 et il faudra attendre 2003-2007 pour qu'il soit enfin publié dans son intégralité.
Et si le style de Keiji Nakazawa est plutôt simple, c'est sa violence graphique qui a révulsé le public Occidental.
Je crois qu'il était plus que temps que nous autres Occidentaux nous prenions en pleine face ce qui s'est passé au Japon en 1945, toute l'horreur qui en a découlé, la misère, et le rejet des personnes victimes des bombardements atomiques, connues sous le nom d'hibakusha.
La préface de cette oeuvre est signée Art Spiegelman, très marqué par cette histoire publiée avant que lui-même ne sorte son oeuvre majeure : Maus.

"Gen d'Hiroshima" est l'une des œuvres les plus belles et les plus dures de la littérature Japonaise qu'il m'ait été donné de lire, mais une lecture indispensable et ô combien passionnante.





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