samedi 13 février 2016
L'inconnu du Nord-Express de Patricia Highsmith
La suite me plut encore davantage : « Une idée formidable ! Supposez que chacun de nous tue pour le compte de l’autre ? Nous nous sommes rencontrés dans le train et personne ne sait que nous nous connaissons. Nous avons chacun un alibi parfait. Un alibi sans la moindre fissure ! » Cette fois, je sentis que je tenais un beau sujet, car chacun n’a-t-il pas, au moins une fois dans sa vie, souhaité tuer quelqu’un, à condition bien entendu d’être sûr de l’impunité. Le crime parfait ! Tout le monde s’y intéresse !
Alfred Hitchcock. (Le Livre de Poche)
Guy et Bruno sont dans un train.
Ils ne se connaissent ni l'un ni l'autre, mais Bruno finit par engager la conversation avec Guy et à l'écoute des ennuis de ce dernier - Miriam sa femme dont il est déparé depuis quelques années fait traîner le divorce et ne cesse de l'importuner - il est frappé d'une idée qu'il juge de génie : "Bon sang, quelle idée formidable ! Ecoutez : chacun de nous tue pour le compte de l'autre, vous comprenez ? Je tue votre femme et vous tuez mon père ! Nous nous sommes rencontrés dans le train et personne ne sait que nous nous connaissons ! Nous avons chacun un alibi parfait !".
Car pour Bruno : "N'importe qui est capable d'assassiner.", et il ne va pas s'embarrasser de remords, car Bruno ne ressent rien, hormis un profond sentiment envers Guy qu'il ne connaît pourtant pas si bien que ça.
Et voilà les deux compères embarqués dans cette histoire de manipulation et de crime parfait.
Ce roman n'est pas un policier, ou alors pas au sens classique du terme, mais plus un thriller psychologique.
Partant du principe qu' "Un assassin ça ressemble à tout le monde.", et Bruno étant persuadé d'avoir eu l'idée du crime parfait, il va dès lors s'accrocher à Guy, le manipuler, le harceler, jusqu'à parvenir à ses fins, et même son but atteint il continuera à le coller et à s'incruster dans sa vie, au grand dam de Guy qui pourtant n'arrive pas à lui en vouloir totalement et à l'envoyer valser pour le sortir définitivement de sa vie.
Guy, à l'inverse de Bruno, n'est pas une créature sans âme et il est rongé intérieurement, ne serait-ce que par les paroles et les idées de Bruno : "Jamais, lui semblait-il, créature humaine n'avait supporté, n'avait eu à supporter un tel poids de culpabilité, et sans doute aurait-il été lui-même incapable de l'endurer et de vivre si son âme n'était déjà morte et s'il avait été autre chose qu'une coque vide.".
La relation entre les deux hommes est sans doute l'aspect le plus intéressant, pour ne pas dire fascinant, de ce roman.
Bruno connaît à peine Guy et il va s'accrocher à lui, fasciné qu'il est par cet homme, ses réalisations, voire même sa vie et sa nouvelle fiancée qu'il s'apprête à épouser.
Hormis sa mère, Bruno n'aime pas les femmes, une relation amoureuse, et plus particulièrement en son aspect charnel, lui fait horreur.
Je me suis posée la question de savoir si cette fascination qu'il ressent envers Guy n'était pas plus que de l'amitié masculine ou virile, voire même s'il ne jalousait pas les personnes gravitant autour de Guy car lui-même en est exclu, hormis lorsqu'il s'impose.
Bruno a également un problème relationnel avec son père qu'il déteste royalement et qu'il rend responsable de bien des maux; et pour finir il a une dépendance à l'alcool qui ne cesse de s'accroître, jusqu'à le plonger dans une sorte de crise de delirium tremens.
Bruno est un personnage profondément détestable, il n'a cessé de me faire penser à une limace bien baveuse mâtinée d'un serpent venimeux.
Quant à Guy, j'ai été fascinée par la métamorphose de ce personnage qui tombe sous la coupe de Bruno et n'est plus qu'un pantin entre ses mains.
Il a beau lutter rien n'y fait, il finit par obéir à ce dernier et développe même un attachement qui pourrait s'apparenter à un syndrome de Stockholm.
La relation entre les deux hommes est pertinemment analysée et a su maintenir mon intérêt éveillé tout au long du récit, j'ai également apprécié les liens qui se tissent entre les personnages gravitant autour des deux principaux ainsi que la tension qui ne cesse de monter tout au long du récit.
Il me tarde désormais de voir l'adaptation qu'en a fait Alfred Hitchcock, il n'est en tout cas pas étonnant que ce roman lui ait plu et qu'il l'ait adapté au cinéma, cela correspond tout à fait à l'esprit de son oeuvre.
A travers "L'inconnu du Nord-Express" Patricia Highsmith a su analyser et retranscrire finement la fascination que l'on peut ressentir envers le crime, et dire que c'était son premier roman policier et bien chapeau !
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