samedi 28 janvier 2012
Le fantôme de Canterville et autres contes d'Oscar Wilde
Oscar Wilde bouscule les fantômes, rend comiques les assassinats.
Son humour rose ou zinzolin colore le genre noir. Dans une ambiance très chic, situations surprenantes et traits d'esprit se multiplient. Wilde enjôle l'Ange du Bizarre de Poe. Irrévérencieux à l'égard de la terreur et du mystère, il crée un fantastique fantasque avec l'élégance pince-sans-rire d'un dandy qui aurait pourtant de la tendresse à revendre. (Le Livre de Poche)
Je voulais relire depuis quelques temps déjà du Oscar Wilde, mon choix s'est porté sur ce recueil de contes qui contient, outre "Le fantôme de Canterville", "Le crime de Lord Arthur Savile", "Le Millionnaire modèle", "Le Sphinx sans secret".
Le fantôme de Canterville
"Lorsque Mr. Hiram B. Otis, le ministre américain, acheta le domaine de Canterville Chase, tout le monde lui dit qu'il faisait une folie car il n'y avait pas le moindre doute que le manoir fût hanté."
Et effectivement, le manoir est bel et bien hanté, mais qu'à cela ne tienne, Mr. Otis accepte de "prendre le mobilier et le fantôme à leur valeur d'estimation".
Il s'installe alors avec sa petite famille et ne tarde pas à croiser le fameux fantôme, Sir Simon de Canterville ayant assassiné sa femme dans le salon.
C'est dans ce même salon que se trouve une tache de sang qui dès le premier jour émeut Mrs. Otis : "Mais c'est abominable [...] je n'aime pas du tout les taches de sang dans une pièce où l'on se tient. Il faut la nettoyer tout de suite", nettoyage qui fut alors la première contrariété du fantôme car le : "Super-Kinettoy et Extra-Détersif Pinkerton enlèvera ça en un rien de temps".
Ce ne fut que le début, le fantôme ne cessant d'être contrarié dans ses plans par les jumeaux ou involontairement par les autres membres de la famille Otis.
Cette situation aurait pu durer encore longtemps, mais Virginia finit par percer à jour la vraie nature du fantôme en parlant avec lui. Elle découvre alors la dure réalité de sa vie et le pourquoi de son statut actuel d'entre les morts.
Si le reste de cette histoire m'a fait sourire à de nombreuses reprises, j'ai été particulièrement touchée par ce tête-à-tête entre Virginia et le fantôme de Sir Simon de Canterville, lorsque celui-ci lui confie toute sa détresse : "Comme la mort doit être belle ! Reposer dans une terre molle et brune, tandis que les herbes vous ondulent au-dessus de la tête, et écouter le silence ... N'avoir pas d'hier, et pas de demain ...Oublier le temps, oublier la vie, être en paix...".
Ce conte a certains aspects poétiques et sous couvert d'un récit fantastique et gothique, Oscar Wilde prend au contraire un malin plaisir à prendre ce genre littéraire à revers.
Ainsi, être spectre n'est plus un état mais un métier, d'ailleurs Sir Simon y goûte fort et prend sa tâche très au sérieux, aussi bien celle du salon que son état de spectre.
Il se retrouve finalement pris à son propre piège : au lieu d'effrayer il l'est, au lieu de jouer des tours aux occupants du manoir c'est lui qui est la victime de leurs pièges et de l'espièglerie des jumeaux.
Il y a également un côté très théâtral aux apparitions du fantôme, celui-ci passe d'ailleurs beaucoup de temps à réfléchir à ses prochaines apparitions et au personnage qu'il endossera alors. Il ne sera révélé à la fin qu'en réalité ce fantôme est bien malheureux de son état et a toujours un côté d'humanité en lui par le biais de regrets sur ses actes passés.
De plus, en prenant la famille Otis, l'auteur en profite pour écrire une satire sur les familles américaines de l'époque et n'hésite pas à les opposer avec les familles anglaises.
Pour preuve, les Otis sont qualifiés de "famille grossière" par le fantôme.
Le personnage de Virginia fait sans doute exception à cette satire, il tient plus du conte de fée, de l'apparition irréelle et de la bonne âme prête à rendre service au fantôme, la personne qui se soucie d'abord des autres avant elle-même.
Je trouve qu'il y a un côté "Tim Burtonien" à cette nouvelle, en tout cas c'est une histoire qui conviendrait assez bien à l'univers de ce réalisateur.
Il y a également beaucoup de scénettes amusantes, ce qui rend la lecture agréable et a sans doute contribué au succès de cet écrit d'Oscar Wilde.
Cette lecture fut un pur moment de bonheur.
Le crime de Lord Arthur Savile
J'avoue m'être demandée pendant un certain temps où l'auteur voulait en venir avec ce conte.
Tout commence par la rencontre entre Lord Arthur Savile et Mr. Podgers lors d'une réception chez Lady Windermere.
Cette dernière présente toute fière à ses amis sa nouvelle marotte : un chiromancien, Mr. Podgers.
Alors que celui-ci prédit l'avenir à tous les invités, il blêmit quand vient le tour de Lord Arthur. Car il lui prédit un crime, et pour Lord Arthur Savile : "Cette lui causa une nausée d'horreur".
Mais surtout à partir de ce moment, ce personnage perd complètement pied et élabore sa vie en fonction du crime qu'il doit commettre.
Pour lui il ne sera pas heureux tant qu'il n'aura pas commis ce crime, il suspend alors ses fiançailles, choisit sa cible, tente de l'assassiner et prend du recul.
Oui mais voilà, il est tout sauf aisé d'assassiner quelqu'un et ce pauvre Lord Arthur Savile connaîtra quelques revers avant de réaliser son forfait.
Le sous titre de ce conte est "Une étude du devoir", il est assez drôle de constater que l'auteur a voulu traiter par là le fait de devoir faire quelque chose, en l'occurrence un crime, pour atteindre le bonheur et connaître la satisfaction du devoir accompli.
Car finalement, le coeur de la vie d'Arthur Savile va être ce crime à perpétrer pour pouvoir être heureux, et il construira un bonheur illusoire, perdant toute confiance en lui et croyant devoir son bonheur à un crime plutôt qu'à lui-même.
Ce personnage vivre désormais en étant superstitieux : "Il ne faut pas dire du mal de la chiromancie dans cette maison, Lady Windermere; c'est le seul sujet sur lequel Arthur n'aime pas qu'on plaisante. Je vous assure qu'il la prend on ne peut plus au sérieux."
Oscar Wilde livre avec ce conte une vue particulièrement aiguisée de la société victorienne, tout en jouant avec l'ironie : l'évidence échappe totalement à celui qui émet la préduction et à celui qui la reçoit.
Il livre là un personnage intéressant vivant une sorte de dédoublement de la personnalité : mondain sous certains aspects et mauvais garçon de l'autre, fréquentant les quartiers louches et cherchant à homicider un proche.
C'est une nouvelle finalement assez sombre mais intéressante à découvrir.
Le Millionnaire modèle
"A moins d'être riche, il est absolument inutile d'être un garçon charmant."
Au moins comme cela, tout est dit dès la première phrase et le décor est planté.
J'ai retrouvé dans ce conte une certaine droiture morale déjà rencontrée dans d'autres contes de ce recueil, la gentillesse et la bonté finissent par être récompensées : "Les modèles millionnaires, fit observer Alan, sont passablement rares; mais grand Dieu, les millionnaires modèles le sont encore davantage !"
L'autre tour de force de ce conte, c'est qu'il est entièrement écrit à partir d'un jeu de mot sur le modèle millionnaire.
Ce dernier a décidé de se faire peindre habillé de guenilles et c'est par un geste de pitié envers celui qu'il prend pour un pauvre que Hughie Erskine va trouver la voie de son bonheur et pourra épouser la jeune femme qu'il aime.
C'est court, bien tourné, et résolument optimiste, un vrai régal à lire.
Le Sphinx sans secret
"J'étais assis, un après-midi,à la terrasse du Café de la Paix, contemplant la splendeur et la misère de la vie parisienne, et m'émerveillant, tout en buvant lentement mon vermouth, du panorama étrange d'orgueil et de pauvreté qui défilait devant mes yeux"
Ce conte pourrait être sous titré "Où comment rendre une histoire somme toute banale captivante".
Ici, Oscar Wilde décide de peindre par le biais de son narrateur l'histoire d'une femme, Lady Alroy, on ne peut plus mystérieuse et qui ne cessera d'intriguer le narrateur.
Mais au lieu de s'adresser directement au lecteur, le narrateur raconte son histoire à Murchinson, un ami qu'il revoit.
L'histoire tend vers le mystère, le lecteur ne peut s'empêcher de faire des suppositions sur cette femme et le secret qu'elle cache, mais Oscar Wilde finit par réduire ce mystère au simple besoin de mystère : "Lady Alroy était simplement une femme qui avait la manie du mystère."
Malgré cette résolution, la dernière phrase est ouverte et continue de soulever des interrogations : "Je me le demande ?", compensant ainsi le sentiment de déception que pourrait avoir le lecteur à la lecture de ce conte.
Car finalement, Lady Alroy n'a peut être pas révélé tous ses secrets ... .
En conclusion, j'ai pris beaucoup de plaisir à relire ce recueil de contes d'Oscar Wilde.
Néanmoins, je ne peux me départir du sentiment d'être passée à côté de quelques subtilités de langage de la part d'Oscar Wilde du fait que je l'ai lu en français et non en anglais.
Ce livre a été lu dans le cadre d'une lecture commune du club de lecture Babelio de Janvier 2012
Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre W
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j'ai gardé un trés bon souvenir de ce livre je l'ai lu et relu j'aime beaucoup
RépondreSupprimerbisous
Il paraît qu'il existe un film, tu ne l'aurais pas vu par hasard ?
RépondreSupprimeroui il y a un film que j'ai vu dans le cadre du du collège en troisième qui s'intitule " The Canterville Ghost" c'est un film de jules Dassin qui a été réalisé avant les années 50
RépondreSupprimerje m'en rappelle parce qu'on avait eu le film en vo sous titré mais ça remonte à loin et trés sincèrement je ne m'en rappelle plus trés bien
J'aimerai bien le revoir d'ailleurs .
bisous
C'est celui-là à tous les coups !
RépondreSupprimerOh ça doit bien exister en DVD quelque part.
Bonjour,
RépondreSupprimerMoi aussi j'ai beaucoup aimé le fantôme de Canterville que j'ai trouvé très drôle.