dimanche 12 février 2012
L'armée furieuse de Fred Vargas
Au cœur de la Brigade criminelle, le commissaire Adamsberg vaque à ses occupations. Même si Veyrenc, son ancien rival des Pyrénées, hésite encore à revenir, le reste de l’équipe évolue paisiblement : Rettancourt reste la grande « génératrice d’énergie », le chat dit « La Boule » dort toujours sur la photocopieuse, Danglard avec son verre de vin blanc développe un immense savoir, Mercadet est toujours à moitié endormi, Froissy fait des allers-retours entre sa réserve de nourriture et son bureau.
Une petite dame âgée attend le commissaire sur le trottoir, elle vient de Normandie. Ils n’ont pas rendez-vous, mais il n’y a qu’à lui qu’elle veut parler. Une nuit, dans son village, sa fille a vu « l’Armée furieuse », c’est-à-dire une cohorte de morts vivants qui vient enlever les pires personnes des environs. Meurtriers, voleurs, tous ceux qui n’ont pas la conscience tranquille se sentent menacés. Cette vieille légende est le signe que de multiples assassinats vont se produire.
Loin de sa circonscription, Adamsberg va pourtant accepter d’aller enquêter sur place, dans le village terrorisé de superstitions et de rumeurs sauvages. Aidé de la police locale, de son fils (qu’il a découvert dans Un lieu incertain), et de quelques complices, il tentera de protéger les mauvaises personnes contre le mauvais sort. Extrait :
- Cette nuit-là, dit-elle lentement, Lina a vu passer l'Armée furieuse.
- Qui ?
- L'Armée furieuse, répéta la femme à voix basse. Et Herbier y était. Et il criait. Et trois autres aussi.
- C'est une association ? Quelque chose autour de la chasse ?
Madame Vendermot regarda Adamsberg, incrédule.
- L'Armée furieuse, dit-elle à nouveau tout bas. La Grande Chasse. Vous ne connaissez pas ?
- Non, dit Adamsberg en soutenant son regard stupéfait.
- Mais vous ne connaissez même pas son nom ? La Mesnie Hellequin ? chuchota-t-elle.
- Je suis désolé, répéta Adamsberg. Veyrenc, l'armée furieuse, vous connaissez cette bande ? La fille de Mme Vendermot a vu le disparu avec elle.
- Et d'autres, insista la femme.
Un air de surprise intense passa sur le visage du lieutenant Veyrenc. Comme un homme à qui on apporte un cadeau très inattendu.
- Votre fille l'a vraiment vue ? demanda-t-il. Où cela ?
- Là où elle passe chez nous. Sur le chemin de Bonneval. Elle a toujours passé là.
- La nuit ?
- C'est toujours la nuit qu'elle passe.
Veyrenc retint discrètement le commissaire.
- Jean-Baptiste, demanda-t-il, vraiment tu n'as jamais entendu parler de ça ?
Adamsberg secoua la tête.
- Eh bien, questionne Danglard, insista-t-il.
- Pourquoi ?
- Parce que, pour ce que j'en sais, c'est l'annonce d'une secousse. Peut-être d'une sacrée secousse.
Nul doute que la fratrie « maudite » du village normand rejoindra la galaxie des personnages mémorables de Fred Vargas. Quant à Momo-mèche-courte, il est le fil conducteur de la double enquête que mène ici le commissaire Adamsberg, confronté à l'immémorial Seigneur Hellequin, chef de L'Armée furieuse. (Viviane Hamy)
Cette nouvelle aventure d'Adamsberg commence avec un pigeon maltraité avec les pattes attachées par une ficelle, un homme qui a homicidé sa femme en la gavant de mie de pain, un riche industriel mort dans l'incendie volontaire d'une voiture et où tout accuse Momo-mèche-courte d'être l'auteur du forfait, et une femme qui hésite à entrer dans le commissariat pour parler au commissaire Adamsberg de l'affaire qui la préoccupe.
Pas de doute, il s'agit bien d'une nouvelle aventure du commissaire Adamsberg et de ses adjoints, à commencer par le fidèle lieutenant Adrien Danglard et le lieutenant "déesse" Violette Retancourt.
Le thème principal de cette nouvelle histoire est la Mesnie Hellequin, rien de moins, plus connue sous le nom de l'Armée furieuse.
Et si cette vieille dame souhaite parler au commissaire Adamsberg, c'est justement à ce propos, car elle croit ses enfants en danger, puisque sa fille Lina a le don de voir l'Armée, et que justement, il y a deux semaines de ça, elle a rêvé que la Mesnie passait par Ordebec : "Lina a vu passer l’Armée furieuse". Et elle emportait avec elle quatre hommes, trois identifiés et un non identifié.
Et voilà, parce qu'Adamsberg est persuadé de l'innocence de Momo, il va l'aider à s'évader et couvrir sa fuite, mêlant par la même occasion son fils tout juste trouvé Zerk; pendant le même temps le lieutenant Veyrenc hésite sur sa décision : revenir dans la brigade ou devenir professeur, mais comme lui dit Adamsberg : "On connait toujours sa décision bien avant de la prendre. Depuis le tout début en fait. C'est pour cela que les conseils ne servent à rien."; et tout cela, "A cause de l'Armée furieuse", va le mener à aller enquêter à Ordebec.
Ordebec, petit village tranquille de Normandie : "Ici, c'est comme partout, il y a beaucoup de têtes creuses qui ont vite fait de se remplir de n'importe quoi, si possible du pire. C'est ce que tout le monde préfère, le pire. On s'ennuie tellement.", est un microcosme intéressant où se côtoie de nombreuses personnalités tout aussi différentes les unes des autres : Léo, le Comte, le brigadier Blériot, le capitaine Emeri, la famille Vandermot; et parmi toutes ces personnes, un criminel.
Ce que j'apprécie dans les romans de Fred Vargas, c'est sa capacité à créer des histoires mettant en scène des personnages presque irréels, ou tout du moins déconnectés de la réalité.
Ainsi, Adamsberg pellette des nuages, Danglard est un puits de savoir mais quelque peu jaloux de Veyrenc, Retancourt est une véritable déesse qui transforme tout ce qu'elle touche, et puis toute l'équipe de la brigade est composée de personnalités complètement différentes et inattendues, mais voilà, systématiquement l'alchimie prend et toutes ces personnalités arrivent à obtenir des résultats quasi inespérés.
Dans ce nouvel opus, j'ai apprécié de retrouver ces différents personnages, et le fait que l'action ne se passe pas sur Paris mais en Normandie est également un point positif.
Du point de vue de la psychologie des personnages, les romans de Fred Vargas sont intéressants et toujours bien construits.
J'ai également aimé le fait que Camille ne soit évoquée qu'une seule fois, cette personne, ou plutôt son histoire ou manque d'histoire avec Adamsberg, ce jeu du chat et de la souris finissait par être lassant.
L'autre point positif est le fait de traiter deux histoires en apparence qui n'ont aucun rapport mais qui finissent par se rejoindre, avec le personnage de Momo comme élément centralisateur.
Maintenant, je trouve que ce roman a quelques aspects négatifs.
J'y ai trouvé un peu moins de fougue que dans les précédents opus, comme si Adamsberg et son équipe s'essoufflait d'un certain côté.
Et puis l'intrigue n'est pas aussi bien ficelée que d'habitude, car j'avais de très gros soupçons depuis un moment sur le réel meurtrier, malgré le pseudo rebondissement distillé par l'auteur en fin de livre.
Ce roman n'est pas mal, mais je n'ai pas été aussi captivée que par les précédents opus.
Je me demande si cette série n'aurait pas besoin d'un petit vent de nouveauté pour lui redonner tout le panache de ses débuts.
Un bon Adamsberg, mais sans doute pas le meilleur et qui peut faire naître quelques craintes quant à la suite de cette série à cause d'un certain essoufflement de quelques personnages, en particulier celui d'Adamsberg moins insaisissable que d'ordinaire, et de la construction de l'intrigue de façon générale.
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