samedi 4 février 2012

Poeti de Primo Levi


La poésie serait-elle la seule réponse à opposer aux tourments de l'âme humaine ? Aux maux de cœur comme à ceux de l'esprit ? C'est ce que nous démontre Primo Levi dans ces deux nouvelles inédites où la réalité se teinte légèrement d'irréel... (Liana Levi)

Primo Levi est surtout connu pour son témoignage sur l'expérience des camps de la mort avec "Si c'est un homme", c'est pourtant avec ce petit livre comportant deux nouvelles que j'ai décidé de commencer à lire cet auteur.

Ces deux nouvelles, "Dialogue entre un poète et un médecin" et "Songe fugace" traitent de la poésie et de la place que cet art peut prendre dans la vie de chacun.
Plus précisément, l'auteur démontre que la poésie est le seul remède pour les tourments de l'âme humaine.

Dialogue entre un poète et un médecin

De dialogue, cette nouvelle n'a que le nom, car il s'agit plus d'un monologue du poète, une retranscription de sa visite chez un médecin.
Il semblerait d'ailleurs que ce médecin soit psychologue ou psychiatre, car ce jeune poète est un homme torturé, qui ne voit plus que le mauvais côté des choses : "chacun de ses instants de veille était imprégné de cette douleur", même la nature "est un vaste pouvoir occulte qui, objectivement, règne au détriment de tous".
Lorsque le médecin aborde la question des relations du jeune homme, il reconnaît "que ses contacts humains étaient médiocres" et ajoute alors qu'il a toujours eu un problème avec les femmes : "Il tombait amoureux souvent et intensément, mais le courage lui manquait ensuite pour manifester ses sentiments car il était conscient de son aspect déplaisant."
Le médecin finit par l'encourager, lui diagnostique être "un hypersensible plutôt qu'un malade" et lui prescrit des médicaments.
C'est alors qu'en sortant de de chez ce médecin, le poète a la réponse à ses interrogations, sa douleur, juste en touchant dans sa poche des feuillets sur lesquels il avait noté des idées pour de prochains poèmes, et "comme animée d'une volonté propre, sa main roula l'ordonnance en boule et la jeta dans la rigole qui courait le long de la rue".

Songe fugace

Cette nouvelle se passe dans un train et si le lieu de la précédente nouvelle n'était pas clairement identifié, là le trajet se passe en Italie avec une traversée du nord vers le sud.

Riccardo voit sa solitude interrompue par l'arrivée d'une jeune femme qui vient s'installer dans le même compartiment que lui pour la nuit.
Cette arrivée est l'élément déclencheur de l'imagination de Riccardo, qui se met alors à repenser à d'autres épisodes ferroviaires dans la littérature (Léon Tolstoï par exemple), finit par élaborer des théories sur cette jeune femme et sur les situations à venir et enfin s'interroge sur la création poétique, sur le rôle d'une muse imaginaire et d'une femme bien vivante aimée : "Pour un bon chrétien, était-il licite, était-il décent de se créer une femme à partir de ses rêves afin d'en aimer l'image toute une vie, d'utiliser cet amour dans le but de devenir un poète célèbre, de devenir un poète afin de ne pas mourir du tout, et en même temps de fréquenter l'autre, celle de via Gioberti ?"

Riccardo réalise un exercice de projection intéressant, il s'attache à cette femme qu'il ne connaît pas et va même jusqu'à s'apprêter "à lui parler des tristesses et des luttes, des amertumes et des victoires de sa vie, de son découragement récurrent, ainsi que de sa certitude absolue de devenir un jour un écrivain célèbre et estimé, de l'ennui écrasant de son travail quotidien [...] mais la fille ne le laissa même pas commencer".
Il finit par lui proposer de descendre avec lui à Naples, la fille semblant "lire en lui comme dans un livre" mais elle lui répondra par la négative : "Elle le regardait fixement, elle souriait, elle aussi semblait courir après une réponse qui ne se laissait pas attraper" et conclura par (avec un accent, d'où l'orthographe de fugace) : "Tout ce qui plaît au monde est un songe fiougace".

Par ces deux nouvelles flirtant entre le réel et l'irréel, Primo Levi démontre que la poésie est la seule réponse à tous les tourments de l'âme humaine, à tous les doutes et les interrogations de ces deux personnages masculins.
Le style d'écriture est limpide, clair et précis, la lecture fluide.
J'ai apprécié cette lecture mais regretté son côté court, en quelques minutes ces nouvelles sont achevées et j'aurai apprécié une éventuelle troisième nouvelle sur ce même thème.
Ma préférence va à la deuxième nouvelle, avec son côté plus rêveur et développement de l'imaginaire.
Ce petit livre est en tout cas très plaisant pour appréhender Primo Lévi et son traitement du comportement de l'Homme.

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