lundi 17 février 2014

12 Years a Slave de Steve McQueen (II)





Les États-Unis, quelques années avant la guerre de Sécession. Solomon Northup, jeune homme noir originaire de l’État de New York, est enlevé et vendu comme esclave. Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité. Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien et cette rencontre va changer sa vie… (AlloCiné)


Âmes sensibles s'abstenir, ce film est certes très beau mais il est également très dur.
Mieux vaut oublier Quentin Tarentino avec son "Django Unchained" d'il y a un an, car si dans celui-ci le spectateur avait la certitude que tout se terminerait bien et que les bains de sang et les scènes de bagarre appartenaient à l'univers kitsch de Quentin Tarentino, ici il n'en est rien puisque l'histoire racontée est tirée de faits réels : Solomon Northup, homme noir libre vivant dans l'état de New York a bel et bien été drogué et kidnappé pour être vendu comme esclave dans les états du Sud et ce, pendant 12 ans avant que son chemin ne croise celui d'un abolitionniste canadien qui va réussir à le faire libérer. 


Construit par flashbacks, le film s'attache à retracer le parcours de cet homme : de son mariage heureux et de sa vie de famille à son kidnapping et à l'enfer de l'esclavage après avoir travaillé dans plusieurs plantations, jusqu'à sa rencontre avec un abolitionniste qui accepte d'écouter son histoire, le croit et met tout en oeuvre pour qu'il retrouve sa vie d'avant.
Cette histoire est particulièrement intéressante car c'est l'un des rares cas de kidnapping où la personne a pu retrouver la liberté.
Elle est aussi cruelle à plus d'un sens : non seulement les conditions de vie, ou plutôt de survie, en tant qu'esclave étaient très dures mais même après il n'a pas obtenu justice puisqu'un homme noir n'avait pas le droit de déposer contre un blanc, ses kidnappeurs s'en sont donc sortis les cuisses propres comme on dit et sans être gênés outre mesure, ce qui laisse à penser qu'ils ont bien entendu récidiver voire même qu'ils avaient l'habitude d'agir ainsi.
Certaines scènes sont particulièrement violentes et soulèvent le cœur du spectateur, qu'il s'agisse des coups de fouet ou de batte pour soumettre cet homme à la volonté de son geôlier et lui faire perdre toute humanité ou encore du sort réservé aux femmes.
D'un degré de cruauté encore autre que pour les hommes, certaines étaient séparées de leurs enfants, mais comme le dit la si charmante propriétaire de la première maison où a travaillé Solomon Northup : "un bon repas, du repos et vos enfants seront vite oubliés"; quant à d'autres elles s'attiraient la jalousie de la femme de leur maître tout simplement parce qu'elles avaient les bonnes grâces de celui-ci enfin, comprenez par là qu'il se permettait de coucher avec, point d'histoire sentimentale à l'eau de rose dans tout ça.
Et point d'espoir dans cet enfer, la mort apparaîtrait même comme douce pour certaines qui n'hésitent pas à la demander ou à la rechercher. 


Très fidèle d'un point de vue historique et particulièrement bien reconstitué, ce film se démarque par une mise en scène contemplative par moment, jouant sur de longs plans filmés pour faire passer les sentiments du personnage principal.
Du point de vue de la mise en scène, ce film est très beau esthétiquement et parfaitement bien réussi.
Les extérieurs sont particulièrement bien mis en valeur, le réalisateur a su les exploiter au maximum et en tirer le meilleur.
Il y a donc de très belles scènes, comme celle où le contremaître explique aux esclaves nouvellement arrivés et restant stoïques la coupe de la canne à sucre, où encore celle du contremaître qui part dans une chanson pour leur décrire les sévices qui les attendent s'ils sont pris à voler ou à s'enfuir (et au passage si le travail est mal fait).
Le gospel est évoqué dans le film à travers quelques chansons et rend ainsi très bien à l'écran l'atmosphère de cette époque dans ces contrées sudistes des Etats-Unis.
Par contre, et c'est le seul bémol que j'apporterais à ce film, cette mise en scène se fait au détriment de l'étude de certains personnages.
Hormis celui de Solomon Northup le spectateur ne connaît pas les autres plus que cela, comme s'ils n'étaient pas importants or ils ont tous joué un rôle dans la vie de cette personne.
Les personnalités humaines étaient moins mises en valeur, légèrement dommage pour un film qui mise beaucoup sur l'humain, au même titre que certains dialogues étaient plutôt convenus et plats.
Les images sont en tout cas plus mises en valeur que les mots.


Mais la révélation de ce film, c'est sans nul doute l'excellente performance livrée par Chiwetel Ejiofor, acteur inconnu jusqu'alors et qui interprète avec brio le personnage de Solomon Northup, une belle performance d'autant plus que ce personnage est présent dans toutes les scènes.
Benedict Cumberbatch joue très bien son rôle de propriétaire avec un petit cœur dans le sens où lorsque les ennuis arrivent il préfère éloigner la source du conflit plutôt que de s'engager.
Quant à Michael Fassbender il a un rôle de salaud, pas toujours facile à porter mais il s'en sort très bien.
J'ai également beaucoup apprécié le jeu de Lupita Nyong'O dans le rôle de Patsey, une jeune femme dont la détresse est très touchante et ne peut laisser personne indifférent.
Quant à la musique de Hans Zimmer, elle est comme d'habitude très belle et sert parfaitement les images. 


Que "12 Years a Slave" soit en tête de liste pour rafler les récompenses aux Oscars n'est qu'à moitié surprenant, ce film est vraiment très beau et réussi dans une mise en scène impeccable au niveau des images et servi par d'excellents comédiens, une non récompense à cette cérémonie serait même surprenante tant les ingrédients qui plaisent aux jurés sont réunis dans ce film, malgré un sujet encore sensible aux Etats-Unis de nos jours.
Cette histoire est particulièrement touchante et il serait fort dommage de passer à côté, un film à voir si ce n'est déjà fait. 







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