samedi 8 février 2014
Mourir, la belle affaire d'Alfredo Noriega
Équateur, Quito, 2850 mètres d’altitude. Une Subaru est percutée par une Cherokee. Dans la Subaru, deux morts et une survivante, María del Carmen. A l’arrivée de la police, la jeune fille, encore sous le choc, promet à l’inspecteur Heriberto Gonzaga de l’épouser s’il retrouve les coupables. Mais à Quito, les accidents de la route sont légions et l’affaire est vite classée. Quelques mois plus tard, rongée par la culpabilité d’avoir survécu, María del Carmen se jette du haut d’une falaise. En découvrant son corps, Heriberto se souvient de sa promesse et reprend l’affaire. Il découvre que le dossier a été étouffé…
Tout en maniant le scalpel, Arturo Fernandez, observateur mélancolique et subtil, raconte l’histoire de María del Carmen et Heriberto, mais aussi celle des habitants anonymes d’une cité entourée de volcans, fragilement bâtie sur des collines sillonnées de ravins. L’enquête et tous ces récits peu à peu s’entrecroisent et construisent le tableau d’une ville violente, indifférente, passive devant l’injustice sociale, le destin et l’acharnement de la nature. Un lieu où la mort est quotidienne et sans autres conséquences qu’intimes pour ceux qu’elle frappe. (Ombres Noires)
L'Equateur ne sera pas ma prochaine destination de vacances, c'est une certitude après la lecture de ce roman noir tel un café bien serré.
La mort est non seulement habituelle dans les quartiers de Quito, mais elle est aussi banale et personne ne s'émeut des crimes et des morts restés impunis : "L'accident, tout comme la mort de Julio, restera en suspens dans les limbes de la loi où sont englouties la plupart des affaires du même genre dans ce pays. Des milliers de morts impunies, des milliers de blessés qui ne sauront jamais pourquoi ils se sont retrouvés dans l'état où ils se sont retrouvés.".
Le narrateur, Arturo Fernandez, est médecin légiste, autant dire que des morts il en voit passer sous ses scalpels tous les jours, c'est avec mélancolie et une forme de désillusion qu'il observe la foule anonyme de Quito et raconte son quotidien : "Par moments, j'ai l'impression que la ville entière finira entre mes mains; par moments, j'ai l'impression que ce mouvement perpétuel est une preuve supplémentaire de l'irréalité qui enveloppe tout destin, et tout ça pour quoi ? A quoi bon ?".
Ce qui surprend dans ce roman équatorien, c'est l'absence de trame narrative et de construction dans l'intrigue.
Le lecteur, tout comme le narrateur, y croise des personnes, sans rapport les unes avec les autres mais le premier abord est trompeur et au final tous ces destins finiront par se croiser pour former une vérité.
La surprise passée, cette construction ne m'a pas dérangée, bien au contraire, car elle se démarque des constructions habituelles pour ce genre de roman et ce n'est pas plus mal de surprendre ainsi le lecteur.
Elle m'a par contre rappelé tout au long de ma lecture le très beau film "Collision" de Paul Haggis construit sur ce même principe de suivre le destin de plusieurs personnes qui n'ont a priori rien en commun les unes avec les autres et qui finalement sont liées sans le savoir.
Il se dégage aussi de ces lignes une ambiance à l'opposé des clichés que l'on peut avoir de l'Equateur et des pays d'Amérique du Sud plus généralement.
L'intrigue est basée à Quito mais ce n'est pas une image glamour invitant au voyage que l'auteur livre de cette ville, plutôt celle d'une capitale où le danger rôde dans chaque quartier, où la mort est affaire courante, où l'autorité ne s'exerce plus depuis des années et où ce désintéressement est entré dans les us et coutumes.
Outre le danger immédiat venant des habitants, il y a aussi celui du volcan, de la Terre avec ses glissements de terrain qui engloutissent des personnes.
Quito serait donc tel un ogre à manger petits et grands pour n'en recracher que des cadavres, mais elle est aussi un personnage à part entière du roman et connaît des moments de grâce et d'apaisement : "Ses mouvements et ses bruits ont cessé d'être perceptibles; elle est ainsi, elle a la pudeur de s'éloigner, de se retirer s'il le faut.".
"Mourir, la belle affaire", premier roman traduit en français d'Alfredo Noriega, est un roman noir fortement imprégné d'une ambiance sud-américaine qui peut surprendre à la lecture mais ne laisse pas indifférent, une belle découverte littéraire.
Je remercie Babelio et les Editions Ombres Noires pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une opération spéciale Masse Critique.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire