dimanche 9 février 2014

De là, on voit la mer de Philippe Besson


Une villa en Italie, le soleil trop fort, des ferries qui font la traversée vers les îles, une romancière qui peine à finir un livre, un jeune officier de l’Académie navale, un accident de voiture à des centaines de kilomètres, l’enchaînement des circonstances, la réalité qui rejoint la fiction, la fin d’un amour, le commencement d’un autre peut-être. 
Dans ce roman plus personnel qu’il n’y paraît, l’auteur de L’Arrière-Saison dresse le portrait d’une femme puissante et de deux hommes fragiles, en proie à des hésitations sentimentales. (Julliard)

Ce roman de Philippe Besson a un faux air de la chanson "Voyage en Italie" mais en solo plutôt qu'en duo.
En effet, Louise part dans la maison d'une amie, à Livourne, pour s'isoler et écrire son nouveau roman : "Elle est sans amarres. L'unique attache est au livre en train de s'écrire.", loin de son mari resté en France et avec pour seule compagnie Graziella, une femme lui faisant le ménage et la cuisine.
Mais dans cette villa isolée d'où l'on voit la mer, son chemin va très vite croiser celui de Luca, le fils de Graziella, avec ses vingt ans, sa beauté et l'insolence de sa jeunesse, il se passe alors ce qui devait arriver : "Accident inattendu. Accident délicieux néanmoins, et qui ne lui arrache pas un remords, ne provoque pas chez elle le moindre sentiment de culpabilité. Bien entendu, la chose la déconcerte mais elle ne lui accorde pas le statut - exigeant - de faute. Le péché, tout de même, ce serait autre chose.".

Que Philippe Besson aime le film "Les choses de la vie" de Claude Sautet est une chose, mais j'avoue ne pas avoir bien saisi le parallèle avec son histoire, d'autant plus que je ne m'imagine pas Louise sous les traits de Romy Schneider.
Pourtant, je reconnais à son roman une dimension cinématographique, qu'il s'agisse de la relation "printemps/hiver" entre Louise et Luca, de l'accident qui se joue dans le même temps à Paris pour François, le mari de Louise, ou encore des sublimes paysages de l'Italie dans un été qui joue les prolongations et un automne qui tarde à venir.
Sans aller jusqu'à le qualifier de roman initiatique, "De là, on voit la mer" avec son semblant d'histoire d'amour permet surtout à Louise de se redécouvrir, de sortir d'un mariage qui ne lui convenait plus forcément et de casser sa routine d'écrivain dans laquelle elle s'est enfermée depuis plusieurs années : "Luca lui a révélé qu'elle était encore vivante, encore capable d'emballement, de ferveur, de fièvre, de lâcher-prise. Et quand on a fait pareille découverte, comment continuer à vivre dans la torpeur, la facilité ? Ce n'est même pas une question de courage. C'est juste une question de respect de soi.".
Louise est une femme forte avec du caractère, elle sait ce qu'elle veut et ce qu'elle ne veut pas dans sa vie, elle assume ses choix et ses positions qui pour certains apparaissent comme égoïstes mais elle se fiche bien de ce que les autres pensent d'elle : "C'est à raison que les bonnes gens lui reprocheraient son égoïsme. De toute façon, les bonnes gens ont toujours raison. Toutefois, elle s'en moque.".
C'est à la fois une qualité et un défaut, car il faut bien reconnaître que si le personnage de Louise m'a séduit pendant un temps il a aussi fini par m'agacer avec son côté froid, insouciant du mal causé à autrui, qui profite de son histoire charnelle avec un homme plus jeune qu'elle sans se poser de question ni se remettre en cause : "Elle a la légèreté des femmes coupables ayant occulté leur culpabilité.".
Ou alors aime-t-elle comme un homme, et cela venant de la part d'une femme serait dérangeant ?
Car autour de cette Louise si forte ce sont deux hommes faibles qui gravitent, irrémédiablement attirés par elle mais qui en sa présence deviennent des chiffons dont elle fait ce qu'elle veut ou presque.
Je pense qu'au fond Louise est égoïste, en plus d'être aveugle au point de ne pas se rendre compte qu'elle vit ce qu'elle écrit, que la fiction rejoint la réalité, en tout cas pour le roman qu'elle est en train de concevoir : "Elle persiste à ne pas vouloir voir que les histoires qu'elle invente sont plus proches de la réalité que la vérité elle-même.".
Cette mise en abîme du roman dans le roman est intéressante et c'est cet aspect du récit qui m'a le plus séduite, outre le fait que l'intrigue se passe en grande partie en Italie.
J'aime beaucoup le style de Philippe Besson, avec des chapitres courts il arrive à donner un rythme à son récit et il est difficile de s'arrêter une fois lancé dans la lecture, le dépouillement de son écriture ne me gênant pas, au contraire.
Mais à l'inverse de ma précédente lecture de cet auteur avec "Une bonne raison de se tuer", je me suis moins attachée aux personnages, particulièrement à l'héroïne féminine, ce qui fait que j'ai fini par prendre du recul par rapport à l'histoire, voire à m'en détacher quelque peu.

"De là, on voit la mer" permet de s'évader en Italie le temps d'une lecture, de suivre les tribulations d'un trio amoureux, d'assister à la fin d'un amour et à la naissance d'un autre, enfin peut-être, car la fenêtre se referme et laisse le lecteur imaginer ce qu'il veut dans la naissance du printemps italien qui s'annonce.
Et quitte à citer un film de Claude Sautet avec Romy Schneider, après cette lecture c'est plus "César et Rosalie" que j'ai à l'esprit que "Les choses de la vie", ne serait-ce que pour le trio amoureux de deux hommes gravitant autour de la même femme.
En conclusion, lire Philippe Besson c'est bien, regarder les films de Claude Sautet aussi, comme ça tout le monde est content.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans


Livre lu dans le cadre du Challenge Il Viaggio

6 commentaires:

  1. Je suis complètement passée à côté de ce texte.

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  2. Besson sait choisir ses titres et celui-là est vraiment beau...pourtant j'hésite à m'y plonger parce que je déteste le personnage et si sa plume est aussi arrogante que l'auteur, j'ai peur d'être déçue...mais j'ai peut-être tort

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    1. Je dirai qu'il faut tester une fois et voir. Ma précédente lecture m'avait plus intéressée que celle-ci, là le personnage féminin n'est pas très agréable.

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  3. je tenterai sans doute le coup dans un moment!
    Merci pour ta participation au challenge!

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