samedi 31 janvier 2015

La pluie de néon de James Lee Burke


Avant de passer sur la chaise électrique, Johnny Massina rapporte au lieutenant Dave Robicheaux que sa tête serait mise à prix par les Colombiens. Il semble que Dave ait eu le tort de fourrer son nez là où il ne le fallait pas ; et d'insister. Robicheaux a en effet découvert le cadavre d'une jeune femme dans le bayou. La police locale a conclu à une noyade accidentelle, mais Dave est persuadé qu'il s'agit d'un meurtre. Son acharnement à découvrir la vérité provoque une réaction en chaîne de morts violentes et d'atrocités. Dave lui-même ne sortira pas indemne des événements qui ramènent à sa mémoire des souvenirs cauchemardesques et le poussent à chercher l'oubli dans les bars miteux où son reflet dans les miroirs se brouille, comme la pluie mouillée de néon qui frappe les vitres. (Rivages)

Avec "La pluie de néon", James Lee Burke inaugure le cycle Dave Robicheaux, cet ancien lieutenant de police 100% Louisinais, 100% traumatisé par la guerre du Vietnam et ancien alcoolique replongeant parfois dans ses vieux démons que j'ai rencontré pour la première fois dans l'adaptation cinématographique de Bertrand Tavernier du roman "Dans la brume électrique avec les morts confédérés".
Si lecteur n'aime pas le Sud des Etats-Unis et l'état si particulier qu'est la Louisiane, ce n'est pas la peine de lire ce roman policier, car il est complètement imprégné de cette atmosphère et les descriptions sont d'un réalisme à couper le souffle, la Louisiane est un personnage à part entière de ce roman : "Les lampadaires illuminaient les arbres brumeux qui s'alignaient sur l'esplanade de St Charles; les rails brunis et le vieux tramway vert luisaient de reflets assourdis sous la lumière humide, et les enseignes au néon tout embrumées, les fenêtres éclairées, zébrées de coulures de pluie, des restaurants et du drugstore en coin donnaient l'impression de sortir droit d'une peinture nocturne des années quarante. Cette partie de La Nouvelle-Orléans semblait ne jamais changer et, d'une certaine manière, son témoignage d'un hier perpétué par un soir d'été pluvieux parvenait toujours à dissiper mes propres peurs du temps qui passait et de ma condition de mortel.".
Au-delà de ce fort ancrage sudiste, j'ai retrouvé dans ce récit bon nombre d'éléments typiques de cette région des Etats-Unis : le racisme, la violence, les cartels de la drogue, la torpeur de la chaleur de l'été brusquement rompue par des pluies d'orage qui s'abattent violemment.
Un peu à l'image de ce qui arrive à Dave Robicheaux à qui un condamné à mort apprend que sa tête a été mise à prix par des Colombiens pour avoir trouvé le cadavre d'une jeune femme et s'y être intéressé d'un peu trop près, cet homme qui vit dans un présent qu'il ne supporte pas et qui est rongé par son passé, un homme de paradoxes : "A cause des années que j'ai passées à me démanteler moi-même, j'ai été obligé d'apprendre l'existence de ce qui se passait dans ma tête. Je n'aime pas le monde tel qu'il est, et le passé me manque. Et c'est stupide comme manière d'être.", mais aussi un idéaliste qui croit en ses valeurs morales et se bat pour ce qui est juste : "Je prétendais être un pragmatiste, un cynique, un ancien combattant blanchi sous le harnais, un ivrogne plein de vitriol, le dernier des propres à rien au foutu caractère de Louisianais; mais, pareil en cela à la plupart des gens, je croyais que justice allait se faire, que les choses s'arrangeraient, que quelqu'un allait apparaître, le texte de la Constitution en main.".
J'ai aimé cette dualité dans ce personnage si particulier, un homme qui n'a presque ni Dieu ni maître, qui croit en ses idéaux et se bat pour eux mais qui est régulièrement visité par les démons du passé et qui tente de résister à la tentation, celle de succomber à nouveau à l'alcool, son seul maître sur terre grâce à qui il pense noyer les images d'horreur imprégnées à jamais dans son esprit.
Il cherche l'oubli mais l'envie est toujours là et est ravivée par les conséquences de l'enquête qu'il mène : "Après quatre années de sobriété, je voulais une fois encore me remplir l'esprit d'araignées, de limaces rampantes, de serpents qui viendraient tous autant qu'ils étaient se nourrir des morceaux de ma vie que je massacrais quotidiennement.".
Le style de James Lee Burke est percutant, il utilise à merveille les codes du roman policier penchant fortement vers le roman noir, il y a des scènes de bagarre, des passages à tabac et l'emploi d'un vocabulaire de circonstance grossier où chaque homme cherche à impressionner l'autre en jouant les gros durs.
Ce roman a achevé de me réconcilier avec le genre littéraire policier que j'avais eu tendance à délaisser depuis quelques années.
Il faut dire que j'y ai trouvé tout ce que je cherchais : une ambiance, une atmosphère, un personnage torturé mais droit dans sa morale, l'utilisation à outrance de la violence et d'un langage de charretier, une enquête qui prend le temps de se dérouler et beaucoup de noirceur; en somme je m'y attendais mais le cycle de Dave Robicheaux claque vraiment et je ne suis pas prête de m'arrêter en si bon chemin.

"La pluie de néon" de James Lee Burke est dans la pure tradition du roman policier voire noir américain, un récit à travers lequel suinte toute la moiteur et les relents de racisme du Sud profond des Etats-Unis et qui colle encore à la peau et au cœur une fois le livre refermé.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL


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