samedi 21 février 2015
L'Ambulance 13 Tome 1 La croix de sang d'Alain Mounier et Patrick Cothias
Il s'appelle Louis-Charles Bouteloup.
Fraîchement diplômé de la faculté de médecine, il se retrouve en première ligne, à Fleury, en janvier 1916.
Il commande une ambulance hippomobile, surnommée l'As de Pique parce qu'elle est connue aussi bien pour le courage de ses infirmiers, que pour leur manque de soumission au Règlement. Bouteloup est un nom qui compte en politique, car le baron Horace, père de Louis, est député, lieutenant-colonel et proche du général Pétain. Cette relation privilégiée, loin de le protéger, fera du jeune officier une cible désignée pour les ennemis de l’élu, entre autres le redoutable Georges Clemenceau.
Néanmoins, Louis accomplira la tâche épouvantable que la guerre lui impose, en essayant de préserver un humanisme auquel il est attaché jusqu’à la rébellion… (Bamboo Editions)
Nous sommes en janvier 1916, cela fait plus d'un an et demi que la guerre a commencé et nul ne sait quand elle finira.
Ce que tout le monde ou presque sait en tout cas, c'est qu'elle est meurtrière et qu'elle laisse des deux côtés des milliers de morts, de mutilés, de blessés.
C'est ce que va découvrir Louis-Charles Bouteloup, jeune diplômé de la faculté de médecine et sous-lieutenant.
Ce qu'il va trouver sur le front, il ne pouvait pas l'imaginer, par contre il se doutait bien que la position haut placée de son père lui attirerait des ennemis, un père avec qui il ne se s'entend pas et qui tient vis-à-vis des soldats des propos de haut gradé n'ayant jamais mis les pieds dans l'enfer des tranchées : "Il y a un député qui dit là-d'dans que les balles ne causent pas de réel délabrement des chairs et que les blessés peuvent se rendre à pied à l'hosto après s'être fait moucher.".
Cette bande dessinée s'attache à retracer le parcours d'un chirurgien dans les tranchées pendant la Première Guerre Mondiale, un homme qui va se battre, désobéir, pour essayer d'apporter le plus d'humanité et de secours dans ces tranchées où les plaies physiques côtoient celles morales.
Louis aurait pu faire jouer les relations de son père et être un planqué, mais il décide d'aller au combat, de n'être qu'un soldat parmi les autres, à la différence près qu'il est un soldat aux doigts d'or et dont le savoir va lui permettre de sauver des vies humaines, de réparer des chairs brisées, éclatées, pulvérisées par la violence des armes utilisées.
Louis va découvrir un monde d'horreur : "Louis est maintenant debout devant les barbelés, en pleine vue des allemands. Il découvre ce qu'un combattant de première ligne n'envisage que rarement de toute sa hauteur. Le champ de bataille ! C'est la vision privilégiée du maître dominant sa classe, celle de l'orateur à l'assemblée nationale. Mais Louis n'a plus vraiment peur. Il est au-delà de ce sentiment ... il s'attend tellement à mourir, là, maintenant, que chaque seconde gagnée est une vie entière !", et va aussi se découvrir.
Il va aussi croiser la troublante sœur Isabelle, une jeune femme qui ne le laissera pas indifférent, la réciproque étant vraie, mais elle vient de prononcer ses vœux, et elle est ici en tant qu'infirmière pour l'assister dans sa tâche quotidienne de blesser, soigner, amputer parfois.
En choisissant le personnage de Louis Bouteloup, les auteurs immergent à la fois leur personnage et le lecteur dans le quotidien des tranchées, au milieu des soldats.
Il y a ainsi une proximité qui se crée, et c'est l'un des atouts de cette bande dessinée, qui met également en avant les relations qui se nouent entre les personnages, les relations de confiance et d'autorité, les caractères qui se dessinent dans l'affrontement : les courageux, les lâches, ceux que l'on admire et ceux que l'on déteste.
L'horreur des combats n'est pas retranscrite qu'à l'image, elle l'est aussi dans la narration : "Dans leur dos, tandis qu'ils tanguent et roulent de trous en fossés et de ravines en talus, la bataille s'intensifie. L'artillerie s'est mise de la partie, et des obus de tous calibres retournent la terre, exhument des morts et ensevelissent des vivants. Le ciel est en feu. Il fait jour comme en enfer.".
Et c'est là que réside l'autre atout incontestable de cette série : le scénario déploie une narration importante et beaucoup de dialogues qui sont tous de grande qualité, car ils sont écrits à l'image de chaque personnage, et si le châtié de la noblesse s'y retrouve, le langage propre aux soldats dans les tranchées également.
Voilà un savant mélange qui permet d'apprécier cette période de l'histoire dont les commémorations du centenaire ont débuté il y a quelques mois.
Alain Mounier et Patrick Cothias signent à quatre mains l'excellente série "L'Ambulance 13" qui avec ce premier tome présente la Première Guerre Mondiale sous un regard original : celui des soldats et non des combats, une bien belle et intéressante bande dessinée dont je vais m'empresser de découvrir la suite.
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