dimanche 22 février 2015

L'Ambulance 13 Tome 3 Les braves gens d'Alain Mounier et Patrick Cothias


Février 1916, dans le Bois des Caures. Le sous-lieutenant Charles-Louis Bouteloup et les gars de l’Ambulance 13 sont désormais rattachés aux 56 et 59ème Chasseurs, dit les “Diables bleus”. Commandés par le légendaire et adoré lieutenant-colonel Emile Driant, les hommes de l’Ambulance 13 vont se retrouver au cœur du premier choc de la bataille de Verdun. Parallèlement, sœur Isabelle de Ferlon, d’origine allemande, est arrêtée, interrogée au sujet de l’affaire de haute trahison dans laquelle était mouillé Bouteloup, avant d’être jetée en pâture à l’opinion publique par Clémenceau. Pour tous, c’est un pas de plus vers l’enfer, d’où tout le monde ne réchappera pas vivant... (Bamboo Editions)

Février 1916, début de la bataille de Verdun, c'est dans ce secteur qu'a été affectée l'unité du sous-lieutenant Bouteloup, l'Ambulance 13.
Comme si cela n'avait pas déjà suffi, l'Ambulance 13 va se trouver au cœur d'une des batailles les plus sanglantes de cette période.
Les hommes sont désabusés et ne croient plus en grand chose, même les hommes d'église : "Parfois, il faut ça pour qu'il réponde. Il lui arrive de regarder ailleurs, vous savez ? Jurer, c'est aussi prier.", il n'y a plus de sens aux mots vie ou mort, encore moins à celui de liberté : "Quelle liberté ? Liberté de crever, oui ! Être libre, c'est être vivant. Et les Boches pensent la même chose.", et finalement les soldats au front ont bien compris que cette guerre n'a aucun intérêt et qu'il n'y aura aucun vainqueur, et que la pensée est la même du côté Allemand.
Dans le même temps, la religieuse Isabelle de Ferlon a été dénoncée comme agent double du fait de son origine Allemande, c'est Clémenceau en personne qui vient lui rendre visite en prison pour lui apprendre qu'il la sacrifie à l'autel du pouvoir : "La politique va donc me fusiller ?", pour apaiser pendant un temps les esprits .

Je ne sais pas bien qui désigne exactement le terme de "braves gens" du titre, sans doute les soldats sur le front qui bien braves partent à la boucherie tous les jours, ou alors de façon plus ironique ces messieurs des beaux salons qui élaborent de grandes stratégies de loin et dirigent ainsi les batailles, ou alors les civils qui vivent à l'arrière, certains dans la luxure et la quiétude, d'autres dans la misère et dans l'inquiétude; en tout cas ce titre est particulièrement bien choisi.
Une fois encore, cette bande dessinée s'attache à montrer le côté dur, impitoyable de cette guerre qui n'est plus qu'une vaste machine destinée à broyer les chairs et les esprits.
Les dessins et les reproductions des scènes de batailles sont tout simplement stupéfiants tant ils sont réalistes et arrivent parfaitement à retranscrire toute l'horreur de ces moments.
Cette bande dessinée rend particulièrement bien hommage aux combattants de cette guerre tout en montrant les travers des généraux qui la dirigent bien tranquillement dans leurs états-majors loin du front et de la violence des combats.
Les ordres sont absurdes, tout comme les comportements, car il faut bien reconnaître qu'emprisonner et juger militairement une sœur infirmière dont le seul tort est d'être née Lorraine n'a aucun sens : "Je le répète, je suis née Lorraine par un accident de l'histoire, mais Dieu n'a pas plus de camp que de patrie.".
Qu'à cela ne tienne, Clémenceau dénommé "le tigre" a compris qu'il lui fallait un bouc émissaire, ça sera Isabelle de Ferlon qui s'y prêtera.
Pour le moment, ai-je envie d'ajouter, car cette guerre n'est plus à un paradoxe près comme les exécutions de soldats Français "pour l'exemple" le montreront à plusieurs reprises.
Je trouve le destin d'Isabelle particulièrement dur et elle paie bien cher les errances de sa jeunesse dorée, une douce époque à laquelle elle éconduisait des soupirants pour un teint brouillé ou un bouton de fièvre, comme elle se le remémore en prison.
C'est aussi la première fois que cette série met autant à l'honneur les dessous de l'histoire, en intégrant le personnage réel de Marie Curie qui joua un rôle important dans la façon de soigner les blessés grâce à ses unités de radiologie mobile, une invention capitale qui permit d'éviter bien des amputations mais qui disparut dans les tréfonds de l'histoire pour n'être remis au grand jour que très récemment.
Autant dire que ce deuxième cycle commence très fort et est de qualité égale au premier, c'est un véritable régal à lire et à suivre les aventures du sous-lieutenant Bouteloup et de son unité, L'Ambulance 13, avec des dessins de grande qualité qui illustrent fidèlement la dureté des combats ou la guerre aérienne qui se joue entre les as aériens du volant.

Décidément, comme le dit la chanson "les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux", les braves gens étant ici incarnés par les hauts dirigeants qui rêvent à d'hypothétiques victoires pour reconquérir quelques mètres de terrain au prix d'un lourd sacrifice humain.
"Les braves gens" est un troisième tome de grande qualité à la série "L'Ambulance 13" et ouvre avec brio ce deuxième cycle qui s'avère tout aussi captivant que le premier.

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