jeudi 26 février 2015

Une fenêtre au hasard de Pia Petersen


Une femme solitaire observe quotidiennement une fenêtre vide de l’immeuble d’en face. Pour tromper son isolement, elle écrit, s’invente des histoires, caressant l’espoir que quelque chose se passe un jour de l’autre côté de la rue des Martyrs. Quand un homme emménage dans l’appartement, il devient l’objet de toutes les attentions de celle qui l’épie désormais tendrement, passionnément – et qui s’achète bientôt des jumelles… (Actes Sud)

Elle est solitaire, elle ne parle pas beaucoup aux autres, elle est rongée par ses démons intérieurs, elle se dit moche, peu intelligente, peu intéressante, en somme elle se confond avec les murs qu'elle rase à longueur de journée.
Mais elle s'est enfin trouvée un sens à sa vie, celle de l'homme de l'appartement d'en face, qu'elle observe et épie dès qu'elle le peut : "Si seulement j'avais été suffisante, plus belle ou intelligente, plus capable ou plus drôle, ma vie aurait été différente mais je ne suis rien de tout cela et finalement mon contenu de vie se résume à une fenêtre par laquelle je regarde une autre fenêtre et faute d'avoir une vraie vie, je vole celle des autres. Celle de l'homme en face.".
Lui, il vient d'emménager dans le quartier, il est journaliste, il a du mal à s'attacher à une femme, il fuit tout lien d'attachement et tout sentiment amoureux, par peur : "Avec l'amour on se perdait et c'était effrayant, il avait peur de se donner et s'oublier et peur qu'on ne lui fasse mal, peur de ne plus pouvoir se raisonner et se contrôler et il se dit que c'était terrible et lâche aussi et pas vraiment une vie.", mais il se sent épié, et il va se prendre au jeu d'imaginer qui l'observe derrière sa fenêtre.

La thématique de ce roman avait beaucoup pour me plaire, car j'aime regarder de temps à autre par la fenêtre pour voir ce qui se passe chez mes voisins, et j'ai encore en mémoire le film de référence sur le sujet, "Fenêtre sur cour" signé d'Alfred Hitchcock.
Au final, je ressors mi-figue mi-raisin de cette lecture, parce que l'histoire et son déroulement me laissent un goût d'inachevé, peut-être aussi parce que j'attendais une autre fin que celle choisie par l'auteur.
Car ce roman est bel et bien une histoire d'amour, dans un Paris en pleine canicule, la chaleur n'est pas que dehors elle habite aussi les deux personnages principaux.
C'est surtout le rendez-vous manqué de deux solitudes, de deux personnes que tout oppose et qui finalement pourraient bien être ce que l'on appelle des âme-sœurs dans la littérature romantique.
Et c'est sur ce dernier point que le rendez-vous a été quasiment raté de mon côté, bien que d'une certaine façon la fin laisse entrevoir un espoir et surtout libre court à l'imagination du lecteur.
Mais si je creuse mon ressenti à l'issue de cette lecture, je dois reconnaître que ce n'est pas tant cette fin qui me gêne mais plutôt le personnage féminin, narratrice de l'histoire en alternance avec son voisin d'en face.
Certes, elle a eu un passé difficile qu'elle évoque dans son journal intime sous forme de lettres rédigées pour son mystérieux voisin dont elle s'est éprise, mais j'ai fini par me lasser voire m'agacer de son dénigrement perpétuel sur elle-même, elle n'est jamais bien, jamais belle, jamais intelligente, à l'écouter c'est un boulet voire même un oubli de la nature, finalement sa solitude n'est pas si étonnante que cela et illustre très bien le propos que pour être aimé des autres et attirer le regard sur soi il faut d'abord s'aimer et s'apprécier, ce qui manque cruellement à cette femme.
Son attitude fataliste m'a aussi énervée : "C'est mon histoire d'amour et je la vie toute seule, lui, il n'est pas dans le coup et c'est ainsi et que faire contre ça ?", quelle idée aussi de tomber amortisseuse de son voisin d'en face, et pourquoi être aussi butée, s'obstiner à garder ses sentiments pour soi plutôt que d'essayer de le connaître ?
Cette fuite en avant de la narratrice a fini par me lasser et est la raison de mon sentiment mitigé sur ce roman.
Car sur le style de Pia Petersen, je n'ai rien à redire, il est très beau, recherché, et elle a su donner corps aux personnages en alternant les points de vue.
Pour la découverte de cette auteur c'est une réussite, pour le reste j'avoue que je m'attendais un peu à quelque chose d'autre et que le goût d’inachevé prédomine.

"Une fenêtre au hasard" me laisse un sentiment de frustration vis-à-vis de l'histoire et particulièrement du non développement du personnage féminin mais a le mérite de mettre en valeur la très belle plume de Pia Petersen.
Une lecture en demi-teinte qui ne m'a tout de même pas ôté l'envie de découvrir les autres romans de cette auteur.

Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2015 pour PAL en danger / Chute de PAL


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