dimanche 19 avril 2015

Couleur de peau : miel Tome 1 de Jung


Jun Jung-Sik errait dans les rues de Séoul quand un policier l’a pris par la main pour l’emmener au Holt, un orphelinat américain. Il avait alors 5 ans. Quelques photos, un rapport d’orphelinat… Ses souvenirs tiennent à un fil. Mais les questions le taraudent. 
2007 : Jung décide de remuer les souvenirs ou les fantasmes de sa vie, en tout cas d’en finir avec une certaine période teintée de l’incertitude qui ronge. Il se raconte dans ce récit terriblement intime : sa survie en Corée, sa nouvelle famille belge. Une adoption pas toujours très réussie, contrairement à d’autres gamins. Mais cette histoire est la sienne : il a grandi avec, s’est construit avec, jours après jours, vaille que vaille. Les fous rires, les drames, le quotidien, les bêtises de gosses et les questions sans réponses… Sans aucune réponse ? (Soleil Productions)

A travers cette bande dessinée en plusieurs volumes l'auteur, Jung Sik Jun, raconte sa vie jusqu'à l'âge de cinq ans en Corée, emmené dans un orphelinat par un policier l'ayant trouvé à fouiller dans une poubelle d'une rue de Séoul, puis son adoption par une famille Belge, son arrivée sur le continent Européen, son intégration, ses questionnements et sa réflexion plus générale sur l'adoption et ce qu'est être adopté.
C'est une bande dessinée très autobiographique, l'auteur s'y livre complètement et ne se limite pas qu'à son histoire personnelle mais livre aussi ses réflexions, ses reproches, ses observations, son intégration et finalement l'acceptation de ses racines en parlant de retourner en Corée, son pays d'origine.
S'il brode sans doute un peu sa prime jeunesse en Corée, n'en ayant que peu de souvenirs et déclarant de lui-même qu'il a oublié cette période en l’enfouissant dans sa mémoire : "Si, si, on oublie très vite la rue quand on ne veut pas s'en souvenir. Mais c'est tout à fait compréhensible, car dans ce contexte-là, oublier est une protection, une sorte de "cessez-le-feu", et l'esprit est un "no man'ds land". Seulement, l'être humain n'oublie jamais rien. Toutes ces petites choses sont cachées quelque part, dans les méandres de notre esprit.", il se livre par contre entièrement sur sa jeunesse et le début de son adolescence.
Et j'avoue que même si sa réflexion sur l'adoption est intéressante, d'autant plus qu'elle est livrée du point de vue d'un adopté, certaines de ses interrogations voire de ses affirmations m'ont mises mal à l'aise.
Ainsi, j'ai compris qu'il avait mal vécu son adoption, qu'il reprochait un certain nombre de choses à sa famille Belge, voire qu'il dit entre les lignes que son adoption s'est finalement mal passée.
Ce n'est pas tant ses propos qui me dérangent, car je sais très bien que toutes les adoptions ne se passent pas bien, mais c'est le décalage qu'il y a entre ses propos graves et le ton léger choisi pour raconter l'histoire.
Soit le choix se portait sur un ton léger pour raconter toutes les péripéties de cet enfant adopté, soit il s'agissait véritablement d'une autobiographie où l'auteur voulait faire passer un message à sa famille d'adoption et peut-être leur faire part de ce qu'il n'a jamais pu leur dire, mais les deux mélangés m'ont gêné au cours de ma lecture et je me suis posée de nombreuses questions, notamment de savoir si ces reproches étaient fondés ou bien si l'auteur avait eu trop d'attentes et d'espoirs vis-à-vis de cette adoption.
Ce qui m'a quelque peu rassurée, c'est qu'il énonce cette réflexion lui-même vers la fin du recueil :  "Mes parents adoptifs étaient sévères et exigeants. Ils ont commis quelques maladresses qui ont froissé ma susceptibilité d'enfant adopté, blessé mon amour-propre. Cependant, ils m'ont aimé à leur manière et je n'ai manqué de rien. Peut-être que je leur en demandais trop aussi, et qu'ils n'avaient pas plus à offrir. Finalement, ils m'ont donné le principal : une famille.".
Car c'est là aussi une étrangeté de cette bande dessinée, c'est que sa famille n'est pas représentée comme monstrueuse ou mal aimante, rien dans les dessins et le scénario ne laissent penser que ces personnes l'ont adopté pour de mauvaises raisons et l'ont moins aimé et/ou considéré que leurs enfants biologiques, ils ont même d'ailleurs adopté un autre enfant.
Finalement, j'ai l'impression que l'auteur a mis beaucoup de temps à se construire, à accepter et intégrer ses origines Coréennes, il le dit d'ailleurs lui-même : "Le chemin qui m'a amené à accepter mes origines coréennes fut long et tortueux, car j'ai vécu cet abandon comme une disgrâce ou un mauvais coup du destin. Aujourd'hui, je voudrais retourner en Corée.", voir même qu'il n'a pas complètement achevé de les intégrer car il parle de retourner physiquement en Corée mais je ne suis pas sûre qu'il ait franchi le pas à l'heure actuelle.
Outre cette dichotomie dans la façon de narrer et présenter son histoire, j'ai tout de même été intéressée par la réflexion globale qui se dégage de cette bande dessinée, d'autant plus que c'était la première fois que je lisais une telle histoire du point de vue de la personne adoptée.
L'auteur a aussi fait quelques recherches historiques sur la Corée pour expliquer les nombreuses adoptions qui ont eu lieu dans les années soixante/soixante-dix, c'était à la fois bienvenu et intéressant car c'est un pays dont je connais finalement peu l'histoire.
Les dessins de Jung sont assez épurés avec le recours au noir et blanc, et simplistes par la forme des visages et des personnages.
J'ai été moyennement emballée par ce choix graphique qui ne reflète pas forcément le style habituel de Jung.

"Couleur de peau : miel" est un ouvrage à la fois tendre et cruel sur le récit autobiographique de Jung sur son adoption par une famille Belge dans les années 70, la curiosité me pousse à lire les deux autres ouvrages constitutifs de cette série.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices


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