mercredi 8 avril 2015
Le manteau de Greta Garbo de Nelly Kaprièlian
En décembre 2012, la garde-robe de l’icône la plus secrète de l’histoire du cinéma a été exposée durant trois jours, puis vendue aux enchères à Los Angeles. Huit cents pièces. Les vêtements d’une femme peuvent-ils raconter une vie, éclairer ses mystères ? Pourquoi Greta Garbo achetait-elle des centaines de robes alors qu’elle n’en portait aucune, ne se sentant bien que dans des tenues masculines ? S’habille-t-on pour se travestir et se mettre en scène dans un rôle rêvé ? Pour donner une image de soi acceptable ou démentir une place assignée ? Pour séduire ou pour déplaire ? Se fondre dans une société ou s’y opposer ? Quels désirs secrets et enfouis, quelles pulsions obscures et inavouables, fondent-ils notre goût, notre style ? ''Et moi-même, pourquoi avais-je acheté, lors de cette vente, le manteau rouge de Greta Garbo, alors qu’il n’était pas mon genre ? Ce qui devait être un essai s’est peu à peu mué en roman : les vêtements racontent ces fictions que sont nos identités, et donnent à lire les narrations, souvent mystérieuses, que sont nos vies.'' (Grasset)
Chose rare, pour une fois je vais parler littérature et fripes, car ici la réflexion tourne autour du vêtement, particulièrement le manteau rouge de Greta Garbo, de son rôle dans notre vie quotidienne, mais aussi de l’utilisation qui en est faite au cinéma ou dans la littérature.
Vaste réflexion, d'autant que lorsque j'ai ouvert ce livre je ne savais pas trop à quoi m'attendre, hormis que la vente de la garde-robe de Greta Garbo aux enchères à Los Angeles en décembre 2012 était le point de départ de ce récit.
La narratrice a vécu cette vente aux enchères, elle en est d'ailleurs reparti avec un manteau rouge ayant appartenu à "La Divine".
Au début, cette narratrice se questionne beaucoup sur cette garde-robe aussi conséquente et remplie de vêtements que Greta Garbo n'a que peu voire pas portés, particulièrement s'agissant de robes : "Alors pour qui, pour quoi les avait-elle achetées ? Pour la femme qu'elle aurait aimé être, pour une vie qu'elle n'avait pas, une vie "rêvée" se déroulant ailleurs, dans le scénario mental où elle se mettait elle-même en scène ? Ou pour correspondre à une image acceptable, pour se travestir en une autre, ou parce que, pendant le demi-siècle où elle n'a plus tourné, elle continuait de s'appréhender comme une actrice, avec à sa disposition la réplique maladroite du département costumes de la MGM ?", puis cela dérive sur une analyse du rôle de la mode de nos jours et de l'utilisation que nous faisons des vêtements : "L'époque avait engendré trois phénomènes qui fonctionnaient ensemble : le clonage, la mode à échelle industrielle, le spectacle qui envahit tout.", en passant par le lien entre vêtement chez la femme et séduction ; "Je suis devenue, par les vêtements, le produit de synthèse des désirs de tous les hommes que j'ai aimés.", en finissant sur une ouverture plus large pour s'interroger sur le pourquoi du besoin d'acheter des vêtements : "Pourquoi s'achète-t-on des vêtements ? Pour plaire, séduire, piéger l'autre sexuellement, pour jouer le jeu social qu'on s'est choisi ou qu'on nous a assigné ? Pour changer de peau et devenir une autre, se mettre en scène mentalement dans une vie parfaite ? Se faire belle ou s'enlaidir, se rendre attirante ou repoussante, ou se parer d'une armure ou encore vouloir être déshabillée ?".
Je ne sais si je dois remercier Nelly Kaprièlian ou la narratrice ou les deux, mais toute cette réflexion m'a fait m'interroger sur ma garde-robe, sur la raison de la présence dedans de certaines pièces que j'ai peu portées, voire que je n'ai toujours pas portées parce que je les ai achetées pour une raison précise ou un état émotionnel particulier et que depuis je n'ose pas franchir le pas.
Autant dire que ça a beaucoup cogité pendant ma lecture, d'autant plus que l'auteur n'arrête pas son analyse aux vêtements mais s'intéresse aussi au cinéma, à la femme chez Alfred Hitchcock par exemple, ainsi qu'à la littérature, je retiens notamment l'analyse intéressante qu'elle fait de "Rebecca" de Daphné du Maurier ainsi que du travail même de création chez cette auteur.
Ces analyses me parlaient parce que je connaissais les œuvres, que je les appréciais, et aussi parce que je ne m'attendais pas forcément à les trouver dans ce roman, ou ce récit, ou cette semi-autobiographie, en fait je ne sais trop quelle appellation correspond à ce livre.
Ce sont des passages que j'ai appréciés, tout comme ceux, nombreux, consacrés à Greta Garbo, d'ailleurs j'ai grandement envie de découvrir les œuvres cinématographiques de cette actrice, mais je dois aussi reconnaître qu'à un moment donné Nelly Kaprièlian m'a perdue au milieu de toute cette réflexion parfois décousue et j'ai décroché, je l'ai laissé toute seule dans son questionnement philosophique et métaphysique sur le vêtement, ce bout de tissu que nous revêtons tous les jours.
Mais j'ai fini par rattraper les wagons, et pourtant je ne sais trop que dire sur la fin ... à part que je ne m'attendais absolument pas à ça, et que je suis bien incapable de dire s'il faut crier au génie ou à la faute de goût.
Remarquez, cette question vaut aussi pour ce livre qui est la première publication de Nelly Kaprièlian, d'ordinaire critique littéraire aux Inrockuptibles et à l'émission radio Le masque et la plume.
"Le manteau de Greta Garbo" est un livre difficilement classable qui a le mérite de pousser à la réflexion au cours de sa lecture et grâce auquel je continue à m'interroger bien longtemps après l'avoir refermé.
Ce questionnement est-il néanmoins suffisant pour le classer comme un livre marquant ?
Je n'en suis pas certaine et je continue de m'interroger s'il est toujours judicieux qu'un critique littéraire se décide à tenir la plume, le résultat n'est pas forcément celui qu'escompte le lecteur qui le connaît en tant que critique et non auteur.
Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015
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