dimanche 21 juin 2015
La colline des potences de Dorothy Marie Johnson
Les histoires de Dorothy Johnson dressent le tableau d’une époque où il n’était pas rare qu’un homme rentre d’une journée de chasse pour retrouver sa maison en flamme, sa femme et ses enfants disparus. Ces histoires de captures et d’évasion, d’hommes et de femmes décidant de quitter la Frontière et de revenir au pays tandis d’autres font le choix de rester au milieu des tribus hostiles, mettent à nu l’Ouest américain du XIXe siècle avec une vivacité réjouissante.
Les nouvelles de Dorothy Johnson sont d’une vigueur et d’une sincérité hors du commun, car elles savent aussi bien épouser le point de vue de pionniers désireux de construire leur vie en territoire sauvage, que celui de guerriers sioux ou crow qui luttent désespérément pour préserver leur liberté. (Gallmeister)
"La colline des potences" qui donne son titre à l'ouvrage est la plus longue des nouvelles de ce recueil où elle est accompagnée de neuf autres traitant de sujets aussi divers que variés et alternant les points de vue entre les pionniers, les indiens, les bandits.
Dès la première nouvelle, le ton est donné : c'est l'Ouest américain du dix-neuvième siècle à fond, pour les amateurs du genre un vrai régal, pour les curieux comme moi un vrai régal aussi.
J'ai éprouvé beaucoup de tendresse pour la première nouvelle "Une sœur disparue" qui traite du retour dans sa famille d'une femme enlevée il y a quarante ans alors qu'elle était enfant par une tribu d'indiens.
Il y a un décalage entre cette femme qui est complètement indienne et ne rêve que de grands espaces et de liberté et sa famille qui imagine qu'elle va leur parler en anglais instantanément, leur raconter sa captivité et éprouver de la satisfaction à être enfin de retour dans sa famille (chez les civilisés pour le dire autrement).
C'est à la fois beau et cruel, et cela illustre parfaitement le choc des cultures et des civilisations, avec un peuple qui se bat pour conserver un peu de liberté et de dignité et un autre qui grignote tout sur son passage sans se soucier des dégâts occasionnés.
Cette première nouvelle n'a pas été sans me rappeler "La dernière frontière" de Howard Fast, ou encore "Le fils" de Philipp Meyer, voilà sans doute ce qui explique mon attachement à celle-ci.
Si l'aventure est l'un des fils conducteurs de ces nouvelles et des personnages, d'ailleurs l'un la décrit assez justement comme une amante : 'Adieu Aventure ! Tu es une amante volage !", il est surtout question d'hommes et de femmes, de leur vie et de leur courage, ou de leur lâcheté à l'image de ce brigand qui a l'instant d'être pendu se vante d'avoir trahi une femme dans sa vie dans "Une dernière fanfaronnade", alors qu'il n'y a certainement pas matière à se vanter car plutôt que de la trahir il a fui comme un lâche face à l'amour véritable qu'elle lui portait : "Il comprit alors qu'il n'allait pas descendre. En bas, il ne voyait plus la jeune fille, mais l'incarnation de la patience. Il ne voyait plus le rougeoiement des flammes, mais la lueur de la foi éternelle. Il voyait l'amour près du feu, et il ne pouvait supporter de le regarder, de peur de voir s'étioler durant la nuit ou les années à venir.".
Sans les hommes les femmes ne seraient pas grand chose et auraient bien du mal à survivre dans le monde plutôt hostile qu'est la Frontière, mais la réciproque est également vraie.
Et c'est sans doute la dernière nouvelle "La colline des potences" qui illustre le mieux ce propos, avec un Doc Frail qui ne cherche qu'à renvoyer chez elle la jeune Elizabeth après que celle-ci eut atterri par accident dans le campement de chercheurs d'or de Skull Creek, alors que c'est elle qui pourra peut-être le sauver de la mort par pendaison qu'il guette désespérément dans le regard de chaque homme qui croise sa route depuis plusieurs années : "La Femme à la Bonne Etoile courait vers lui. Sans trébucher, sans hésiter, sans peur et sans trésor, elle gravissait la colline vers l'arbre aux pendus. Son visage était pâle, mais ses yeux brillaient.".
"La colline des potences" est la nouvelle la plus longue et développant une intrigue plus étoffée, elle est ma préférée de ce recueil et il me tarde désormais de voir l'adaptation cinématographique qui en a été faite en 1959 par Delmer Daves.
Quant au style de Dorothy Marie Johnson, il passerait presque au second plan tant ses nouvelles sont extrêmement bien construites mais je dois lui reconnaître une plume tout à fait extraordinaire de justesse, à la fois dans les émotions mais aussi dans les descriptions des conditions de vie de cette époque.
Ce n'est pas aussi cruel et sans pitié que "Homesman" de Glandon Swarthout, il faut dire qu'un peu plus de cinquante ans se sont écoulés entre ces deux romans, disons que la vie des pionniers est un peu plus apaisée et facile, mais qu'elle demeure tout de même rude et est toujours le nid préféré de brigands en tout genre qui cherchent l'argent facile.
Voilà une auteur méconnue qui gagnerait à l'être et qui est sans nul doute l'une des plus grandes plumes de la littérature de l'Ouest américain, voire même un auteur majeur de la littérature Américaine.
Et autant dire que je vais me précipiter dès que possible sur "Contrée indienne" du même auteur, également publié aux formidables éditions Gallmeister.
"La colline des potences" de Dorothy Marie Johnson est plus qu'un western littéraire, c'est un recueil de nouvelles sur l'Ouest américain, celui qui est devenu aujourd'hui mythique et qui alimente les rêves les plus fous et les imaginations débordantes.
Alors pourquoi bouder son plaisir quand on peut s'offrir une part d'un mythe ?
Je remercie Babelio et les éditions Gallmeister pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Livre lu dans le cadre du Challenge Romancières américaines
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