dimanche 3 avril 2016
Pardonnable, impardonnable de Valérie Tong Cuong
Un après-midi d'été, alors qu'il se promène à vélo sur une route de campagne, Milo, 12 ans, chute et se blesse grièvement. Ses parents et sa famille se précipitent à son chevet et tentent de trouver des explications. Le petit garçon était en effet censé réviser son cours d'histoire. (J'ai Lu)
C'est la fin de l'été, bientôt la rentrée, Milo est à vélo avec sa tante Marguerite quand il chute lourdement, se blesse grièvement et se retrouve ainsi à l'hôpital dans le coma : "Les cœurs tendres lâchent-ils plus facilement que les autres ?".
Fort heureusement, Milo se réveille mais commence pour lui une longue période de ré-apprentissage : parler, marcher, réfléchir, tandis qu'autour de lui sa famille composée par son père Lino, sa mère Céleste, sa grand-mère Jeanne et sa tante Marguerite vole en éclat, écrasée par le poids de secrets trop longtemps enfouis.
"Ce n'est pas la manière dont les choses arrivent qui compte, c'est la raison pour laquelle elles se produisent.", et sans doute que l'accident de Milo va permettre aux membres de cette famille d'arrêter de se taire, de se parler enfin et de recommencer à vivre, tout simplement.
Dans cette famille, Lino n'aime pas sa belle-sœur Marguerite, pour une raison dont il est le seul coupable,
Jeanne n'aime pas sa fille Marguerite pour une raison dont elle est seule coupable et qu'elle ne cessera de lui faire payer : "Mais moi, aurais-je dû t'aimer simplement parce que tu sortais de mon ventre ? Aurais-je dû t'aimer envers et contre tout, contre la trahison, l'abandon, le mensonge ? Contre le désespoir ? Est-ce que je ne méritais pas moi aussi qu'on me protège, qu'on me défende, qu'on me soutienne ? Qui peut fabriquer des sentiments à partir du néant ?", seuls Céleste et Milo aiment donc inconditionnellement Marguerite.
Pourtant, l'amour d'un être lie toute cette famille, celui de Milo, et si la situation du petit garçon ne s'améliore pas c'est l'équilibre de toute cette famille qui est remise en cause : "Milo doit redevenir Milo, ou nous perdrons tous beaucoup.".
"Pardonnable, impardonnable" est un livre qui traite du pardon, mais pas que.
En fait, je crois qu'il parle surtout de l'amour sous toutes ses formes : l'amour maternel, l'amour fraternel, l'amour familial, l'amour charnel.
Il y est beaucoup question de pardon, du sens réel de ce terme, car le dire est très facile mais le dire et le penser beaucoup moins.
Et aussi d'amour, celui de toute une famille pour Milo, celui de Céleste pour sa sœur Marguerite, pour son mari Lino, celui de Jeanne pour sa fille Céleste.
Et aussi de non-amour, particulièrement cette absence de sentiment que ressent Jeanne face à sa fille Marguerite.
Jeanne aurait voulu aimer sa deuxième fille, mais rien n'y a fait, elle ne l'aime pas, elle n'y arrive pas même en se forçant, et elle a laissé Céleste aimer à la place cette petite marguerite qui n'avait rien demandé ni rien fait à personne : "C'est toi qui a choisi ce prénom, Marguerite, moi je me fichais bien qu'elle s'appelle Nadège, Coralie ou n'importe quoi d'autre, mais tu as choisi Marguerite et j'ai pensé : je t'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, PAS DU TOUT.".
L'absence d'amour d'une mère envers son enfant, voilà l'un des derniers tabous de la société qui n'est pas encore tombé et qu'il serait temps de faire chuter.
Oui, le fait de poser un nouveau né sur le sein de sa mère ne provoque pas toujours le sentiment d'amour que cela devrait.
Et si Marguerite est sans doute le personnage qui m'a le plus touchée, car plus fragile et sans doute la plus innocente de tous, c'est pour le personnage de Jeanne que j'ai le plus mal.
Car elle va devoir vivre avec sa rancœur envers Marguerite et tout ce qu'elle a pu lui dire, lui faire subir et tous les gestes tendres qu'elle n'a pas eus alors qu'elle aurait dû naturellement les faire.
La personne la plus à plaindre dans tout cela est sans doute Jeanne, vient juste derrière elle Lino pour lequel je n'ai eu, je dois bien le reconnaître, qu'une légère empathie.
Ecrit sous forme de roman choral, chaque personnage intervient à tour de rôle, ce roman est divisé en cinq parties : le temps de la colère, de la haine, de la vengeance, de l'amertume et du pardon.
Ce découpage m'a fait penser aux sept étapes du deuil, sauf qu'ici l'auteur décortique celles du pardon.
A chaque temps les quatre personnages principaux prennent la parole pour livre au lecteur leurs pensées, leur ressenti, tout ce qui les agite intérieurement et qu'ils ont trop longtemps laissé mijoter à l'intérieur d'eux.
Seul Milo ne parle pas, Milo est le centre du roman et de l'attention de chacun mais le lecteur ne saura pas ce que pense cet enfant de tout cela, d'un autre côté il n'en aura pas besoin car il le sait par la bouche des autres personnages.
J'ai beaucoup aimé cette construction, d'autant que le roman choral est un style qu'affectionne Valérie Tong Cuong et qu'elle manie à merveille, comme j'ai pu l'apprécier dans deux autres de ses romans : "Noir dehors" et "L'atelier des miracles".
De surcroît l'ensemble est extrêmement bien travaillé car ce roman est un fil unique qui se dévide sans fausse note : la pensée de l'un est dans la continuité de celle de l'autre, rendant ainsi l'ensemble très homogène et lisible d'une seule traite.
En le lisant j'ai évidemment pensé à d'autres romans traitant de la famille, du poids des secrets et des répercussions que le silence peut avoir sur certaines personnes, mais j'ai également tout le temps gardé à l'esprit qu'il en est de même dans toutes les familles et qu'aucune personne ne pourra dire en lisant ce roman "non je n'ai jamais connu une telle situation" ou "non je n'ai jamais rien eu à pardonner à qui que ce soit".
"Pardonnable, impardonnable" est un roman qui parle à chacun de nous, qui nous touche forcément, comme d'ailleurs les autres romans de son auteur, c'est pour cela que j'ai aussi autant apprécié cette lecture.
Une nouvelle fois Valérie Tong Cuong plonge dans les tréfonds de l'âme humaine, un thème qui lui est particulièrement cher et qu'elle ne cesse d'explorer dans tous ses romans, et elle aurait bien tort de ne pas continuer ainsi car son "Pardonnable, impardonnable" est un très beau roman humain que je recommande vivement.
Je remercie Babelio et les éditions J'ai Lu pour l'envoi de ce livre ainsi que pour la rencontre organisée le 22 mars 2016.
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