dimanche 21 avril 2013

Le temps de l'innocence d'Edith Wharton


Dans le New York flamboyant de la fin du XIXe siècle, Newland Archer est un jeune homme de la haute bourgeoisie. Promis à un avenir brillant, il est sur le point d'annoncer ses fiançailles avec la pure May Welland quand un soir, à l'Opéra, tous les regards se tournent vers une loge ... L'apparition de la belle Comtesse Olenska, la scandaleuse cousine de May qui a eu l'audace de quitter son mari, va bouleverser sa vie. Comment, dans une société qui broie les êtres et sacrifie les amours, peut-on préserver l'innocence ? (J'ai Lu)

New York en cette fin du dix-neuvième siècle est une ville avec sa haute bourgeoisie et ses codes, où le scandale est une honte suprême et où la décence est de mise : "C'est ainsi dans ce vieux New York, où l'on donnait la mort sans effusion de sang; le scandale y était plus à craindre que la maladie, la décence était la forme suprême du courage, tout éclat dénotait un manque d'éducation.".
C'est dans cet univers aux codes bien définis qu'évolue Newland Archer, jeune homme promis à un bel avenir, sur le point d'annoncer ses fiançailles avec la douce et discrète May Welland.
Mais voilà, son petit univers où l'imprévisible n'a pas sa place va être chamboulé par l'arrivée de la comtesse Olenska, la cousine de sa future femme à la réputation ô combien sulfureuse.
Rendez-vous compte, elle a eu le toupet de quitter son mari et ne se comporte absolument pas comme une femme du monde le devrait : "Une femme du monde, à New York, n'aurait pas appelé sa servante "ma chère", et ne l'aurait pas envoyée faire une course en lui prêtant sa sortie de bal : Archer goûtait un plaisir d'une qualité rare à se trouver dans un monde où l'action jaillissait de l'émotion.".
Newland Archer se pose beaucoup de questions, commence à craindre le mariage et l'aliénation qu'il représente : "Mais une fois marié, que deviendrait cette étroite marge que se réservait sa personnalité ? Combien d'autres, avant lui, avaient rêvé son rêve, qui graduellement s'étaient enfoncés dans les eaux dormantes de la vie fortunée !", la fin de son innocence en quelque sorte et le commencement d'une vie où l'aventure et l'imprévu n'ont pas leur place : "Il songeait à la platitude de l'avenir qui l'attendait et, au bout de cette perspective monotone, il apercevait sa propre image, l'image d'un homme à qui il n'arriverait jamais rien.".

Edith Wharton a le chic de raconter la société New Yorkaise comme personne, d'en décrypter ses codes et d'en montrer ses entraves à travers le prisme de ses personnages.
Ce roman en est une parfaite illustration, car l'auteur a basé son récit uniquement sur des confrontations mondaines, sans s'attarder à décrire les lieux ou les personnes.
Son propos est bien de montrer au lecteur les codes régissant la haute bourgeoisie New Yorkaise, son récit n'est ponctué que de dialogues ou de réflexions de Newland Archer, Edith Wharton va ainsi à l'essentiel et offre au lecteur les clés de la société New Yorkaise, celle où il faut taire ses pensées, dissimuler ses passions,  en somme, se fondre dans le moule pour être accepté par l'élite : "La solitude, c'est de vivre parmi tous ces gens aimables qui ne vous demandent que de dissimuler vos pensées.".
Cela se passe au dix-neuvième siècle mais ce propos est toujours d'actualité, preuve s'il en était besoin que les romans d'Edith Wharton ont un côté intemporel et indémodable.
Belle étude des moeurs et des pensées que l'auteur a bâtie autour d'un personnage central : Newland Archer.
Cet homme appartient à la haute bourgeoisie New Yorkaise mais il a des idées en avance sur son époque et se trouve tiraillé entre deux mondes, deux modes de pensée, et surtout deux femmes.
Il serait trop facile et réducteur de mettre la douce May Welland dans la catégorie oie blanche et Ellen Olenska dans celle de briseuse de ménage.
Elles sont toutes les deux bien plus profondes que cela et ont entre elles une forme de respect mutuel, d'entente tacite.
Ainsi, May Welland n'est ni aveugle ni sotte, elle se rend compte que des sentiments contradictoires agitent son fiancé et elle lui offre l'opportunité de vivre une autre vie.
Newland Archer a fait son choix et même s'il éprouve des regrets au cours de sa vie, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même et remercier sa femme si intelligente d'avoir su voir en lui et de lui avoir proposé d'ouvrir sa cage pour qu'il prenne son envol.
May Welland a même un côté manipulateur allant à l'encontre du postulat angélique dont elle est pourtant parée au début du roman.
Quant à Ellen Olenska, j'ai trouvé à ce personnage féminin une grâce et une ligne de conduite qui sont tout à son honneur.
Elle aurait pu être une briseuse de ménage, continuer à attirer sur elle la condamnation des gens bien pensants, mais elle est intelligente et est une femme de coeur, tout comme May Welland dont elle n'est d'ailleurs à aucun moment la rivale alors qu'elles auraient pu se crêper le chignon en se disputant l'amour de Newland Archer.
Elle est une femme libre qui a su s'affranchir du joug de son mari à une époque où cela n'était pas bien vu d'agir ainsi.
Il m'est difficile de dire laquelle de ces deux femmes je préfère, d'ailleurs je ne choisis pas car elles se valent l'une comme l'autre tout en étant très différentes de caractère mais je reconnais que je pencherai plus vers l'esprit libre d'Ellen Olenska que celui manipulateur de May Welland.
Au final, tout cela n'est que mise en scène où chacun doit jouer le rôle qui lui a été attribué, et ce n'est pas innocent que la première et l'avant dernière scènes se situent au théâtre.
Je suis curieuse de voir ce que donne l'adaptation cinématographique de Martin Scorcese.

"Le temps de l'innocence" est un petit bijou d'Edith Wharton qui dresse un portrait quelque peu cynique de la haute société New Yorkaise sans toutefois la condamner.
A lire pour ce portrait sans concession de la bourgeoisie New Yorkaise de la fin du dix-neuvième siècle qui en un peu plus d'un siècle n'a finalement pas tant évoluée que cela.

Livre lu dans le cadre du challenge Edith Wharton


Livre lu dans le cadre du challenge New York en littérature 2013

4 commentaires:

  1. Un très bon roman !! Si tu ne l'as pas lu, de la même auteure, je te conseille "Chez les heureux du monde" !

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    1. Il est dans ma PAL ^^ J'ai hésité entre "Chez les heureux du monde" et celui-là.

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  2. Tentant ce bouquin, je le note :)

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    1. Jusqu'à présent je n'ai pas été déçue par Edith Wharton.

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