Kanza, un jeune paysan japonais, voit son père mourir sous ses yeux, touché par une flèche perdue. Les jeunes archers, qui s’entraînent non loin de là, semblent faire peu de cas de ce tragique accident. Fou de douleur, le jeune homme se met néanmoins au service de son seigneur pour devenir le meilleur des archers. (Delcourt)
Le manga et moi ça a fait longtemps fait 2, voire plus.
Et puis j'ai commencé petit à petit à mettre un orteil, puis un deuxième dans cet univers et depuis je continue de découvrir.
J'ai connu Hiroshi Hirata par l'émission de Patrick de Carolis "Le grand tour", alors qu'il se rendait chez lui au Japon.
Depuis, j'avais noté ce manga pour découvrir non seulement l'auteur mais aussi ce genre littéraire.
"L'âme du Kyudo" est un manga appartenant à la catégorie du gekiga - littéralement "drame réalisé sur du papier" -, Hiroshi Hirata étant lui-même considéré comme une figure emblématique du gekiga.
Kanza est un jeune paysan japonais qui voit son père mourir d'une flèche perdue.
Fou de rage et de douleur, il venge la mort de son père mais appartenant à une classe inférieure de bushi, cette vengeance est considérée comme un meurtre.
Pour garder la vie sauve il doit alors réaliser un tir à l'arc hautement improbable, s'ensuit qu'il attire l'attention d'un samouraï qui décide de le former, Kanza voyant-là la possibilité de s'extraire de sa classe : "Je me sortirai coûte que coûte de cette classe inférieure de bushi ! Grâce à mes aptitudes, je vais pouvoir dire adieu à la misère !".
Kanza passe par des phases de doute, sur le point d'abandonner il se teste lui-même et décide de poursuivre l'entraînement jusqu'à l'épreuve suprême, le Tôshiya : "Aussi dur que puisse être l'entraînement, je n'abandonnerai plus jamais ! Même si je dois en mourir, je suivrai vos directives et j'irai jusqu'au bout de mes limites ! Je vous en prie, maître ! Guidez-moi jusqu'au Tôshiya !".
Le Tôshiya était une épreuve mythique se déroulant dans un temple de Kyôto : "Autrefois, dans ce temple, une épreuve appelée Tôshiya était régulièrement tentée par des samouraïs, au péril de leur vie. L'objectif était de faire passer, en une seule journée, des flèches - le plus grand nombre possible - d'un bout à l'autre du bâtiment, sans jamais toucher ni l'auvent ni le corridor.".
Nombre de samouraïs se firent seppuku après avoir échoué à cette épreuve, c'est cette Histoire s'inscrivant dans celle de Kanza que raconte Hiroshi Hirata.
C'est extrêmement bien documenté et très intéressant à lire, d'autant plus que je ne connaissais absolument pas cette épreuve et à vrai dire, pas grand chose sur les samouraïs.
Ce manga est très instructif et j'ai énormément apprécié cette lecture, l'histoire est passionnante, il y a beaucoup de détails enrichissants, les dessins sont de toute beauté et d'une précision redoutable traquant le moindre détail.
Ce manga fait plus de quatre cents pages et se découpe en cinq chapitres mais il se lit très rapidement et très facilement, il suffit juste de prendre le coup d’œil pour lire "à la japonaise".
Au-delà du Kyudo, art martial japonais, l'auteur a su faire revivre la période médiévale du Japon, où l'honneur, le courage et la fierté étaient un état d'esprit pour lesquels des hommes étaient prêts à sacrifier leur vie.
Je reconnais qu'il y a aussi une part de fanatisme dans tout cela, c'est à mon sens assez bien montré par l'auteur qui amorce un virage avec un prédécesseur de Kanza qui dénonce la tournure et l'enjeu que représente désormais l'épreuve du Tôshiya, véritable objet de lutte entre les clans : "Ne voyez-vous donc pas à quel point vous êtes stupides et aveugles, face à cette épreuve qui flatte votre ego et vous fait perdre toute mesure ?! N'êtes-vous donc que des pantins ?! Le vrai samouraï n'est pas un pantin !! La vraie vaillance n'a rien à voir avec le fait d'obtenir un nouveau record à l'épreuve du Tôshiya !"; Kanza lui-même mettant en lumière à la fin l'inutilité et les pertes engendrées par cette épreuve.
Il est aussi question au début de tous les samouraïs qui se firent seppuku pour avoir échoué, ce qui au départ n'était en quelque sorte qu'un pari a pris une tournure dramatique et conflictuelle.
Mais "L'âme du Kyudo" est aussi un livre mettant en avant la philosophie du tir à l'arc japonais et je trouve de façon plus générale de la philosophie japonaise.
Cela peut heurter nos croyances et nos certitudes occidentales, en tout cas cela nous fait nous poser des questions sur le sens que nous donnons à certains mots comme l'honneur, la fierté, et surtout sur le sens même du mot "engagement", les samouraïs s'engageant corps et âme dans tout ce qu'ils entreprenaient.
"L'âme du Kyudo" est une lecture instructive qui fait également réfléchir, elle séduit tant par la beauté de l'histoire que par les graphismes et montre que le manga est très loin des stéréotypes attachés à ce genre littéraire.
Ce fut en tout cas une très belle découverte et incursion dans l'univers du manga, Hiroshi Hirata est un auteur de talent qui livre ici une histoire sensible, belle et documentée, faisant revivre des hommes avec leur code de l'honneur et de l'engagement, un véritable plaisir à lire dont il serait dommage de passer à côté.
Gravure sur bois de l'époque Edo représentant la Tôshiya
Quelques images extraites de "L'âme du Kyudo"
Livre lu dans le cadre d'Un samedi par mois, c'est manga ! - Janvier 2014
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