dimanche 5 janvier 2014

Les fourmis rouges d'Edith Serotte


Haïtienne par sa mère et montréalaise par la vie, Marie-Claudine vient finalement se fixer en Guadeloupe. En attente d’un permis de séjour et meurtrie par le choc culturel, souvent installée sur son balcon au cœur de la ville, elle pose un regard à la fois lucide et désemparé sur Pointe-à-Pitre. Un beau matin, elle ose enfin se questionner sur le désir qui l’a poussée à suivre Arnaud son compagnon. Un attachant blues caribéen. (Présence Africaine)

Marie-Claudine est une déracinée : haïtienne par sa mère, elle a quitté sa vie à Montréal pour suivre Arnaud, son compagnon, revenu en Guadeloupe auprès de ses parents et de ses amis pour gérer l'entreprise familiale.
En attente d'un permis de travail, elle observe de son balcon la vie, les gens, les paysages de Guadeloupe, le quotidien et le rythme de vie de chacun.
Elle porte un regard aiguisé et juste sur les français : "C'est aussi un travers pour le moins français. Il n'y a pas un citoyen ou même un animal ici qui n'ait son opinion et sa solution aux problèmes socio-économiques.", mais Marie-Claudine est aussi une romantique aimant lire : "Mon âme romanesque me poussait à dévorer ces récits fantastiques d'amoureux impénitents, aux mains sales et calleuses, mais au cœur noble. Des personnages solitaires dont je me sentais si proche, autrefois.".
Ce roman, c'est celui du vague à l'âme de Marie-Claudine qui erre et se cherche au cours de longues journées, qui essaye de retrouver son compagnon tel qu'il était avant et de se faire sa place en Guadeloupe.
Mais il n'est pas facile de se faire accepter et d'intégrer une communauté, pourtant Marie-Claudine fait des efforts et sa multiculturalité l'y aide, mais comme le lui explique une personne, dans le monde il n'y a de la place que pour les fourmis rouges, celles qui dominent : "Pour moi, les fourmis sont à l'image des gens d'ici. Marie-Claudine, nous vivons dans un monde où il n'y a de place que pour les fourmis rouges. Et je suis sûr que si les autres le pouvaient, elles les imiteraient en tous points, quitte à se montrer plus cruelles parfois que les autres espèces.".
Le récit tarde quelque peu à prendre son envol et laisse craindre une platitude, mais il faut être patient car petit à petit il se tisse et le décollage se fait doucement mais sûrement.
Et si la partie consacrée au matin tarde à se mettre en place et ne présente qu'une Marie-Claudine passant son temps à observer les gens de son balcon dans une banalité manquant d'originalité et de piquant, tout bascule dans le milieu de l'après-midi pour s'accélérer le soir et donner un souffle au récit ainsi qu'une intrigue qui pique de curiosité le lecteur.
Le style d'Edith Serotte est fluide et facile à lire, sa pensée est bien construite et se dévide sans difficulté, d'autant plus qu'elle livre à travers ce récit une fine analyse des comportements humains, à travers le regard et les pensées de Marie-Claudine mais aussi dans la construction du personnage d'Arnaud qui est parti du Québec parce qu'il n'avait plus rien à y espérer et qui, en revenant chez lui, espérait y retrouver les personnes et les choses inchangées or, tout est différent et ce n'est pas pour autant qu'il est accepté de tous les bras ouverts et porté aux nues : "Les amis ont vieilli, eux aussi. Et les tumeurs de la vie ne les ont pas épargnés. Le retour de l'enfant prodigue n'est qu'une parabole dont se détournent les plus blessés d'entre eux. Les histoires de caramels mous chapardés ne font plus sens. Solidarité est un concept inventé pour les pauvres de tout.".
Il se dégage également de ce récit une évocation de Montréal et surtout une ambiance propre à la Guadeloupe que le lecteur ressent très bien, tout comme une forme de bercement dans le récit de Marie-Claudine qui transporte en décor réel et permet de s'évader le temps de la lecture.

"Les fourmis rouges" est un roman mélancolique, récit d'un vague à l'âme qui transporte le temps d'un peu plus d'une centaine de pages le lecteur aux Caraïbes, un voyage littéraire à ne pas refuser.

Livre lu dans le cadre du Challenge Petit Bac 2014 - Catégorie Animal FOURMIS


Livre lu dans le cadre du Prix Océans

4 commentaires:

  1. Avis demain sur mon blog. Je n'ai pas le même enthousiasme que toi !

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    1. J'irai voir ça demain ! J'ai trouvé que c'était long à démarrer tout de même, mais la fin est vraiment bien.

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    2. Je suis plutôt d'accord avec Miss G. Alfie, j'ai hâte de lire ta critique !
      Bon lundi !

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    3. Mon avis rejoins les vôtres!

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