dimanche 9 mars 2014

Monteriano d'Edward Morgan Forster


"Monteriano - Radieuse Toscane -STOP - Lilia fiancée dans noblesse Italienne - STOP - Lettre suit -STOP-" Ni duc, ni comte, le beau Gino épousera Lilia, la jeune veuve anglaise, précipitant l'étonnante rencontre du conservatisme glacé du nord et de l'insouciante beauté du Sud. Avec une tenue toute britannique, Forster nous livre là l'égal de Route des Indes en Italie: la sombre et somptueuse tresse de la passion, du puritanisme anglais et de la mort qui se dénouera violemment un soir d'orage sous le ciel mauve de Monteriano. (10/18)

Lilia est une jeune veuve anglaise vivant sous le joug de sa belle-famille qui lui restreint sa liberté, son choix de vie et ses pensées.
Elle décide alors de partir en séjour en Italie, cette idée recevant partiellement l'approbation de sa belle-famille : "Elle a l'esprit bourgeois, je l'admets, elle est d'une ignorance crasse et possède, en art, un goût détestable. Mais posséder un goût, c'est déjà quelque chose. L'Italie la purifiera : elle ennoblit tous ses visiteurs. Elle est, pour le monde, une école autant qu'un jardin.".
Sauf qu'en Italie et malgré la surveillance de la jeune Miss Abbott, Lilia s'entiche d'un italien, le beau Gino, qui n'est ni prince ni comte mais a le caractère indolent de l'italien et s'entiche à son tour de Lilia, ou alors de son compte en banque, voire peut-être des deux, ils forment en tout cas un couple mal assorti à l'issue plus qu'incertaine : "Elle se croyait si infiniment supérieure à lui qu'elle négligea, une à une, toutes les occasions d'affermir son empire. Il était beau et indolent; il devait donc être stupide. Il était pauvre : jamais, par suite, il n'oserait critiquer sa bienfaitrice. Il était passionnément amoureux; elle pouvait donc n'agir qu'à sa guise.".
Mais bien vite un drame survient et c'est alors une lutte qui s'ouvre entre la belle-famille de Lilia et Gino.

Dans ce roman s'opposent le puritanisme anglais et l'insouciance italienne, d'un côté le nord de l'Europe et de l'autre le sud.
Une nouvelle fois, j'ai été frappée par la finesse et la justesse d'analyse d'Edward Morgan Forster sur les différents personnages mis en scène.
Il croque la société anglaise bourgeoise du début du 20ème siècle avec une plume acérée mais vise toujours juste, quant à l'Italie il joue avec ses charmes, son caractère indolent et l'attraction que ce pays exerce sur les personnes qui le visitent.
Aller en Italie dans n'importe quel endroit, c'est bien souvent tomber perpétuellement sous son charme et y revenir sans cesse.
Philippe Herriton est à ce titre un personnage versatile sur son approche de l'Italie : subjugué par ce pays et beauté lors d'un voyage, il reviendra sur sa position lorsque Lilia, sa belle-sœur, osera y épouser un homme du cru sans le consentement de sa belle-famille, puis retombera sous son charme à travers le prisme du personnage de Gino qu'il finira par apprécier.
Ce qui m'a frappée à la lecture de ce roman, c'est qu'aucun des personnages n'est franchement sympathique pour le lecteur mais ils ne sont pas pour autant antipathiques.
Par exemple Lilia, elle aurait pu incarner la femme qui se libère du joug de sa belle-famille et des conventions, au final elle est plutôt présentée comme une femme agissant sous le coup d'impulsions et sans vraiment réfléchir aux conséquences de ses actes, cela ne la chagrine pas outre mesure d'abandonner sa fille en Angleterre, drôle de forme d'amour maternel.
Le personnage féminin le plus intéressant est à mes yeux celui de Miss Abbott de par sa dualité : "L'idée vint à Philippe qu'il y avait deux Miss Abbott : celle qui pouvait faire seule le voyage de Monteriano, et celle qui, arrivée là, ne pouvait pas entrer dans la maison de Gino. La découverte était amusante. Laquelle des deux Miss Abbott allait, dans leur partie, jouer le coup suivant ?".
Elle respecte les règles de bienséance tout en osant certaines choses, le retournement final sur ce personnage est tout simplement jouissif, tout comme Miss Abbott incarne finalement tout au long du récit une transposition du mythe d'Endymion de par sa relation avec Gino.
Quant à Gino, il incarne l'homme italien dans toute sa splendeur et ses défauts : à la fois charmeur et fainéant, gentil et manipulateur, sans jamais être profondément détesté par le lecteur : "Ce garçon vicieux et cruel connaissait d'étranges raffinements. L'horrible vérité - que les méchants sont capables d'amour - fut soudain dévoilée à Miss Abbott, et sa conscience morale en resta comme abasourdie.".
Au-delà de l'histoire somme toute assez tragique, ce roman est une formidable étude de caractères à travers une galerie de personnages hauts en couleur, le tout ayant pour toile de fond l'Italie, ce pays jouant le rôle de catalyseur d'émotions et d'actes irréfléchis aux conséquences lourdes.

Décidément, la plume d'Edward Morgan Forster est belle et féroce et c'est avec grand plaisir que je l'ai retrouvée dans "Monteriano", un roman mettant en scène des personnages au destin tragique dans une Toscane radieuse et envoûtante.

Livre lu dans le cadre du Challenge Il Viaggio


Livre lu dans le cadre du Challenge Petit Bac 2014 - Lieu MONTERIANO


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec pour PAL en danger 2014


2 commentaires:

  1. une lecture que j'avais bcp appréciée!

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    1. Pareillement ! Peut-être un petit cran en-dessous d'"Avec vue sur l'Arno".

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