samedi 20 décembre 2014

Timbuktu d'Abderrahmane Sissako



Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s'en est pris à GPS, sa vache préférée. Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs… (AlloCiné)


Pourquoi ce film fait-il autant parler de lui ?
Tout simplement parce que depuis sa projection au Festival de Cannes, dont il est reparti bredouille (et on se demande bien pourquoi), ce film a marqué l'opinion et les esprits.
Ce n'est certainement pas l'histoire du siècle, mais la beauté de ce film est ailleurs : dans le fond, dans les images, dans le jeu des acteurs sublime au point que l'on en oublie que ce sont des acteurs et non des personnages réels.
Je suis allée voir ce film sans idée préconçue, en sachant juste qu'il traitait de la dérive islamiste dans le nord du Mali, de la ville de Tombouctou prise par les extrémistes religieux et des conséquences sur la vie quotidienne des habitants obligés de se plier aux règles des extrémistes religieux.
Au début du film, je me suis posée la question de savoir quelle histoire allait se mettre en place et comment les différents personnages que je voyais à l'écran allaient interagir.
J'ai fait confiance au réalisateur, et j'ai bien fait.


Au-delà de l'histoire qui met un certain temps à se mettre en place, la mise en scène du film est irréprochable et c'est à mon avis sa plus grande qualité.
La scène d'ouverture est magnifique, avec l'arrivée des extrémistes religieux qui tirent sur des statues afin de leur retirer toute trace de visage.
Le ton est donné et sans aucune parole le spectateur est plongé dans un Mali en train de plier et de rompre face à la prise de pouvoir des djihadistes, des hommes en mobylette parcourent la ville : la musique est interdite, le football est interdit, le port des chaussettes est obligatoire, les femmes doivent porter des chaussettes et des gants; ensuite vient la répression, avec ce dialogue a la limite du surréalisme entre la poissonnière qui refuse de mettre des gants et un djihadiste.
Mais le surréalisme ne s'arrête pas là, et la discussion entre le sage imam de la mosquée de Tombouctou et un groupe de djihadistes voulant entrer avec chaussures et armes dans la mosquée montre bien le décalage qui existe entre la religion Musulmane et celle dont se revendiquent les djihadistes, si tant est que l'on puisse appeler cela une religion tant cela relève d'une idéologie totalitaire.
Rien n'est épargné au spectateur et il y a des scènes très violentes, autant vous dire que la séquence des coups de fouet à une femme qui a eu le tort de chanter est déjà à la limite du soutenable, celle de la dilapidation par jet de pierres d'un homme et d'une femme enterrés jusqu'au cou dans le sable dépasse la limite.
Le réalisateur a le courage de ses opinions et c'est tout à son honneur, avec ce film il démontre toute l'horreur, la violence et l'oppression faites par les djihadistes dans les territoires qu'ils occupent.
Cela finit même par toucher Kidane, un touareg vivant en dehors de la ville avec sa femme et sa fille, qui se trouve entraîné par un concours de circonstances dans une spirale infernale.
Décidément, il ne fait plus bon vivre où que ce soit et si la pensée première est que la vie finit par se taire face à tant d'oppressions c'est bel et bien le contraire que ce film démontre car cela pousse plutôt les gens à résister.
J'ai été frappée par la mise en scène absolument remarquable ainsi que par des images de toute beauté.
J'ai trouvé que la scène du meurtre accidentel d'Amadou le pêcheur par Kidane était d'une esthétique sublime avec une vue aérienne sur le fleuve et le soleil en train de se coucher tandis que Kidane repart de son côté de la rive et qu'Amadou lutte dans l'eau pour survivre.
Et si j'ai beaucoup aimé la scène d'ouverture, je dois dire que celle finale est également très belle.


Pourquoi faut-il aller voir "Timbuktu" d'Abderahmane Sissako ?
Tout simplement parce que ce film a le mérite de montrer de la façon la plus réaliste qui soit ce que jamais aucun reportage du journal télévisé n'arrivera à égaler, parce que l'histoire est la chronique d'une vie ordinaire ayant basculé dans l'inimaginable, parce que la mise en scène est soignée et irréprochable et parce qu'il n'est tout simplement pas pensable de passer à côté d'un film aussi dramatique et touchant.







1 commentaire:

  1. Je comprends que ce film soit tout à fait indispensable dans l'absolu. Mais la lecture de Courrier International me faisant déjà frissonner, je doute de ma capacité à supporter les lapidations et autres sévices. Toutes les critiques que je lis font état de la violence du film et je ne suis pas certaine de vouloir regarder ce long métrage malgré les louanges qu'il suscite.

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