dimanche 18 février 2018
Dolores Claiborne de Stephen King
À Little Tall, on attend toujours de savoir ce qui s'est passé le 20 juillet 1963, jour de l'éclipse et de la mort de Joe, le mari de Dolores. Mais aujourd'hui, la police s'intéresse surtout aux circonstances du décès de Vera Donovan, dont Dolores fut la dame de compagnie pendant des décennies. (Albin Michel)
"Dolores Claiborne" s'inscrit dans une lignée de romans de Stephen King qualifiés de trilogie féministe avec "Jessie" et "Rose Madder".
C'est un thriller psychologique mais qui ne contient pas une horreur comme l'auteur a pu habituer son lectorat depuis quelques années.
La forme peut surprendre, le roman est un monologue, celui de Dolores Claiborne, face aux inspecteurs qui la soupçonnent du meurtre de Vera Donovan, sa riche employeuse.
Mais Dolores nie ce meurtre, bien décidée à rétablir la vérité sur ce qui s'est passé peu de temps avant mais aussi trente ans plus tôt lors d'une éclipse solaire où elle a tué son mari violent envers elle et leurs enfants : "Moi, c'est Dolores Claiborne, d'ici-même, Little Tall Island, notre petite île haute. Comme je disais, avec tout ce que j'ai à vous raconter, ça va être un vrai marathon jusqu'à ce que le jour se lève, et tu vas comprendre que je mens pas.".
Ce meurtre-là, Dolores ne le nie pas, pour la première fois elle va même révéler la vérité sur ce qui s'est passé, sur cet homme avec qui elle vivait et qui a dépassé les limites en s'en prenant à leur fille : "Mes yeux étaient grands ouverts, et je comprenais que je vivais avec un homme sans amour ni pitié qui croyait qu'il pouvait prendre tout ce qui passait à portée de sa main, même sa propre fille.".
Alors Dolores a agi, mais auparavant elle a été conseillée implicitement par Vera Donovan, cette femme qualifiée de garce par tous mais qui cache elle aussi un lourd secret expliquant son attitude :
"J'ai serré sa main, et j'ai pensé au monde dans quoi on vit - aux mauvais hommes qui ont parfois des accidents et aux femmes de valeur qui deviennent des garces.", et comme Dolores le dit si bien aux enquêteurs : "Et quand un mauvais homme a un mauvais accident, ça peut parfois être aussi une excellente chose.".
Il est difficile de ne pas être touché par Dolores Claiborne, cette femme victime d'abus par un mari violent pendant de nombreuses années et qui portait sur ses épaules le poids de sa famille.
C'est une mère qui n'a pas hésité à protéger ses enfants, et aujourd'hui ses enfants n'en sont même pas conscients, d'ailleurs ils ne lui donnent quasiment jamais de leurs nouvelles : "C'est l'amour le plus fort qu'il y a dans ce monde, et c'est le plus terrible.".
Dolores est une femme seule, portant un lourd secret, et qui aujourd'hui se retrouve accusée d'un meurtre qu'elle n'a pas commis.
J'ai été touchée par cette femme, son histoire, et le courage qu'il lui a fallu pour se sortir de ce mauvais pas et continuer à vivre.
Il y a des scènes très poignantes, le paroxysme étant atteint avec l'éclipse de 1963, une scène assez longue qui est sans doute celle la plus importante du roman.
C'est la seule incursion du surnaturel dans ce roman, mais c'est aussi le moment clé qui permet le mieux de saisir le personnage de Dolores.
Stephen King n'est pas connu pour être le roi de la syntaxe et de la grammaire, cela donne des phrases avec des tournures plus que moyennes : "Si on se contentait des apparences, rien avait changé. Les choses semblent jamais changer beaucoup sur l'île ... si on regarde qu'à la surface.", mais l'intrigue l'emporte souvent sur le style, c'est une nouvelle fois le cas dans ce roman.
Je conseille également le film éponyme réalisé par Taylor Hackford avec Kathy Bates dans le rôle de Dolores Claiborne, c'est une adaptation très honnête du roman qui a su préserver toute sa sensibilité.
"Dolores Claiborne" est sans doute le plus beau personnage féminin créé par Stephen King que j'ai pu lire à ce jour, c'est en tout cas un bon roman qui découvrir ou re-découvrir cet auteur prolifique.
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