lundi 12 février 2018
L'amie prodigieuse - L'enfant perdue d'Elena Ferrante
À la fin de "Celle qui fuit et celle qui reste", Lila montait son entreprise d’informatique avec Enzo, et Elena réalisait enfin son rêve : aimer Nino et être aimée de lui, quitte à abandonner son mari et à mettre en danger sa carrière d’écrivain. Car elle s’affirme comme une auteure importante et l’écriture l’occupe de plus en plus, au détriment de l’éducation de ses deux filles, Dede et Elsa. L’histoire d’Elena et de Nino est passionnelle, et bientôt Elena vit au gré de ses escapades pour retrouver son amant. Lors d’une visite à Naples, elle apprend que Lila cherche à la voir à tout prix. (Gallimard)
Pendant plusieurs jours, j'ai arrêté de parler au monde, j'ai vécu dans ma bulle, si l'on me parlait je répondais : "Je ne peux pas, j'ai Elena Ferrante".
Un an que j'attendais la parution de ce dernier tome, un an que je me demandais ce qui allait arriver à Elena, à Lila, après un an d'attente je n'ai pas attendu une journée pour me plonger dans ce livre, c'était plus qu'un besoin c'était presque vital, rarement une série littéraire n'aura eu cet effet sur moi.
Et rarement une écrivain m'aura autant marquée, non pas par le mystère qui entoure son identité réelle, mais par son style si viscéral, par cette retranscription si juste de l'Italie, d'une époque, d'une ville : Naples.
A propos de Naples, Elena finit par y retourner, y vivre, l'appartement au-dessus de celui de Lila, avec ses deux filles issues de son mariage et sa dernière fille née de sa liaison passionnelle avec Nino, son amour de jeunesse.
Quant à Lila, elle ne change pas, toujours la même, toujours aussi versatile, insaisissable, mordante envers Elena pour la pousser au mieux : "Comme toujours, elle s'attribuait le devoir de me planter une aiguille dans le cœur, non pour qu'il s'arrête mais pour qu'il batte plus fort.".
Et là, le doute qui s'était insinué lors du troisième tome ne fut plus permis : ce n'est pas Lila la méchante, la jalouse, c'est Elena qui envie son amie, la jalouse, et comme c'est elle la narratrice, elle a bien failli prendre le lecteur à son jeu, mais il y a des phrases qui permettent de voir que le doute n'est plus permis et que l'envie ne va pas forcément dans le sens auquel on pensait : "Elle possédait une intelligence qu'elle n'exploitait pas : au contraire, elle la gaspillait comme une grande dame pour qui toutes les richesses du monde ne seraient que signe de vulgarité.".
Ce quatrième tome est effectivement celui de la maturité, pour Elenea en tout cas, qui prend conscience que depuis des années elle a une vision biaisée de sa relation avec Lila : "Moi, j'aimais Lila. Je voulais qu'elle dure. Mais je voulais que ce soit moi qui la fasse durer. Je croyais que tel était mon devoir. Et j'étais convaincue que c'était elle-même, fillette, qui me l'avait assigné.", et que cette amitié est le centre de sa vie, Lila est le centre de sa vie, quelque soit la distance ou les personnes présentes, comme le lui fait remarquer une de ses filles : "Avoir une véritable relation avec toi est impossible, tout ce qui compte pour toi, c'est ton travail et tante Lina, et il n'y a rien qui ne finisse aspiré là-dedans !".
Ce quatrième tome offre la vision d'une Elena égoïste, uniquement préoccupée par sa relation avec Nino et pour qui rien d'autre ne compte en dehors : "Ce qui comptait, c'était Nino et moi, et même scandaliser le petit monde du quartier me semblait une agréable façon de ratifier notre couple.", à tel point qu'elle s'oublie, oublie ses filles, mais le revers de la médaille sera cruel et la vérité finira par lui sauter aux yeux.
Et quand ce n'est pas Nino, c'est son travail qui l'occupe, et tout le temps, en toile de fond, Lila.
J'ai été frappée une nouvelle fois par la justesse de l'analyse des personnes, de la ville de Naples et des mécanismes régissant la vie des quartiers, c'est dit avec détachement mais sans aveuglement aucun : "A Naples, on était dans l'excès sans faux-semblants, de façon frontale et avec une satisfaction totale.", ce qui tendrait à prouver une nouvelle fois qu'Elena Ferrante a a minima vécue à Naples voire même elle y est née et y habite toujours.
Ce quatrième tome fait beaucoup appel au premier, c'est très intelligent car cela permet de mettre un point définitif à cette histoire et de lever le voile sur des mystères, mais cela montre aussi que dès le début l'auteur savait où elle voulait arriver, ce n'est pas toujours évident de tenir la construction d'un récit sur plusieurs tomes mais elle s'en est sortie avec brio.
Comme lors de ma lecture du premier tome, j'ai failli m’esclaffer haut et fort dans les transports en commun avec des mots que je ne répéterai pas ici tant la fin de la première partie du récit m'a laissée sur le cul.
Cela faisait bien longtemps qu'une auteur ne m'avait pas autant scotchée sur la durée avec un récit qui se déroule de façon fluide et dont rien dans la construction n'est laissé au hasard.
En toile de fond, c'est l'histoire de l’Italie qui se joue, pas juste celle d'un quartier de Naples.
Il y a tellement de richesse dans ce récit que je ne suis pas bien sûre d'avoir tout saisi à la première lecture, je reste marquée par contre par les deux personnages féminins si emblématiques : Lila et Elena, la reine blanche et la reine rouge, l'une étant le reflet inverse de l'autre dans un miroir.
J'espère sincèrement que l'adaptation télévisuelle en cours de ce récit saura conserver la richesse et la complexité de tous les personnages, car c'est bel et bien une comédie humaine à l'Italienne dont il est question dans ce récit, riche de toutes les personnalités qui la compose avec pour toile de fond l'une des villes emblématiques d'Italie : Naples.
"Contrairement aux récits, la vraie vie, une fois passée, tend non pas vers la clarté mais vers l'obscurité.", c'est avec ces mots que se termine ma chronique de ce quatrième tome de "L'amie prodigieuse", une saga littéraire qui me marquera encore pour longtemps et que je relirai dans quelques années, c'est une certitude, tout comme je retournerai à Naples m'imprégner de cette ville si sulfureuse et fascinante.
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